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Perdido Street Station tome 1 sur 2

Nathalie Mège (Traducteur)
EAN : 9782266165402
448 pages
Pocket (01/09/2006)
3.94/5   234 notes
Résumé :
Nouvelle-Crobuzon: une métropole tentaculaire et exubérante, au cœur d'un monde insensé. Humains et hybrides mécaniques y côtoient les créatures les plus exotiques à l'ombre des cheminées d'usine et des fonderies. Depuis plus de mille ans, le Parlement et son impitoyable milice règnent sur une population de travailleurs et d'artistes, d'espions, de magiciens, de dealers et de prostituées. Mais soudain un étranger, un homme-oiseau, arrive en ville avec une bourse ple... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (39) Voir plus Ajouter une critique
3,94

sur 234 notes
Comme la plupart des ouvrages écris par China Mieville, « Perido Street Station » a été récompensé par toute une flopée de prix littéraires qui, s'ils sont souvent gages de qualité, peuvent aussi finir par devenir intimidants. Rassurée il y a peu par ma première incursion dans l'univers de l'auteur, c'est sans guère d'appréhension que je me suis pourtant plongée dans ce roman culte introduisant la ville de Nouvelle-Crobuzon. Et c'est malheureusement très mitigée que je ressors de ce premier tome qui, s'il ne manque effectivement pas de qualités, se révèle malgré tout bien moins maîtrisé que « Les Scarifiés ». Dès les premières pages, on identifie sans mal la patte ô combien reconnaissable de l'auteur auquel on serait bien en peine de reprocher un quelconque manque d'originalité. Car tout est atypique chez China Mieville : son décor, ses personnages, et même son (ou plutôt ses) intrigue(s). Il en résulte un ouvrage foisonnant, captivant parfois, déroutant souvent, et dans lequel règne une certaine confusion qui finit par lui porter préjudice. L'intrigue, d'abord, est beaucoup trop éclatée et ses différentes lignes n'ont (pour le moment) que peu de connexions les unes avec les autres. L'essentiel du récit se focalise sur un certain Isaac, un scientifique controversé qui se voit confier une mission exceptionnelle et pour le moins ambitieuse : permettre à un homme-oiseau dont les ailes ont été arrachées de revoler. le challenge est de taille et les recherches audacieuses du marginal menacent très vite de révolutionner tout un pan de la science de Nouvelle-Crobuzon. Parallèlement à cette quête, on assiste à l'évolution d'une curieuse créature dont Isaac a fait l'acquisition dans le but d'observer les techniques de vol du règne animal. On suit également l'amante du scientifique, l'artiste Lin, qui se voit confier une étrange commande de la part d'un commanditaire encore plus étrange.

Ces trois intrigues se croisent et s'entrecroisent sans que l'on parvienne pour le moment à voir où veut en venir l'auteur. C'est d'autant plus gênant qu'à toutes ces histoires se greffent également plusieurs chapitres révélant différents pans de l'évolution politique de la ville. Cela peut prendre la forme d'une incursion dans l'imprimerie clandestine d'un journal contestataire, ou en plein milieu d'un mouvement de grève lancé par les dockers et violemment réprimé par le régime, ou encore dans une entrevue peu banale entre les membres du gouvernement et l'ambassadeur... des Enfers. Tous ces passages sont la plupart du temps passionnants et, s'ils témoignent de l'imagination débridée de l'auteur aussi bien que de la densité et de la cohérence de son univers, le lecteur finit toutefois par s'y perdre. Il faut dire aussi que le style de China Mieville n'est pas non plus le plus abordable qui soit. L'auteur use en effet d'un vocabulaire relativement soutenu et surtout extrêmement pointu en ce qui concerne certains sujets, notamment dans le domaine de la science. L'un de ses personnages en vient en effet à développer toute une théorie méta/scientifique que j'ai personnellement trouvée très complexe à saisir et qui, malheureusement, se retrouve ici exposée dans les grandes lignes. Cela donne lieu à quelques passages franchement indigestes, voire carrément incompréhensibles, ce qui est d'autant plus frustrant qu'ils ne présentent que peu d'intérêt pour le récit. Au nombre des déceptions, il faut également mentionner les personnages qui, déjà dans l'excellent « Les Scarifiés », n'était pas franchement le point fort de l'auteur. Sans aller jusqu'à être fades ou antipathiques, les habitants de Nouvelle-Crobuzon n'en demeurent pas moins très distants et cette froideur n'encourage pas le lecteur à s'y attacher. Il faut dire aussi que, très vite, il apparaît clairement que le personnage central du roman n'est ni le scientifique rejeté par sa communauté, ni l'artiste avant-gardiste, mais bel et bien la ville elle-même. Et quelle ville !

En dépit de tous les reproches que l'on peut faire à ce premier tome, on peut difficilement contester le fait que l'auteur a apporté un soin presque maniaque à son décor. le lecteur arpente ainsi aux côtés des différents personnages la multitude de quartiers qui quadrillent la métropole tentaculaire de Nouvelle-Crobuzon et dans lesquels règne une ambiance qui varie complètement de l'un à l'autre. Les docks, la banlieue de Chiure et autres faubourgs plus ou moins bien fréquentés, les arènes de Cadnebar, la foire et son freakshow... : voilà un petit aperçu des destinations qui vous attendent dans ce premier tome. le tout est impressionnant, mais cela fait tout de même beaucoup à digérer, d'autant plus que l'auteur nous abreuve de quantité d'anecdotes pour chacun de ces lieux. China Mieville dresse ainsi le portrait d'une véritable fourmilière dans laquelle règne une éternelle confusion et où se mélangent allègrement toutes les races et toutes les religions qui cohabitent dans une plus ou moins bonne entente. Il convoque aussi un bestiaire remarquablement étoffé et parfois vraiment tarabiscoté. Lin, l'artiste qui occupe l'un des premier rôle du roman, est ainsi ce qu'on appelle une Khépri : mi-femme, mi-scarabée (avouez que, pour en faire son héroïne, il fallait oser !) On trouve également mention de Cactacés, de Garudas (le fameux homme-oiseau), ou encore de mafadets (lion-serpent), sans oublier bien sûr des Recréés, ces « criminels » condamnés à subir une opération altérant leur physique de manière plus ou moins conséquente en y greffant des objets ou des membres appartenant à d'autres créatures (ce qui donne parfois de sacrés mélanges !) le seul problème c'est que, là encore, l'auteur nous laisse nous dépatouiller tout seul et ne nous donne que très peu (voire pas du tout) de repères pour que l'on puisse bien saisir à quel genre de créature on a affaire (et pourtant, j'étais déjà au fait de la plupart des particularités de cet univers...).

Un premier tome en demi-teinte, donc, qui inaugure un univers et une cité au formidable potentiel mais qui se disperse beaucoup trop et finit par donner à l'ensemble un petit côté brouillon. Reste à voir si le second volume sera mieux structuré et si les nombreux fils de l'intrigue se réuniront de manière satisfaisante.
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Bizarre, inventif et immersif. Tels sont les qualificatifs qui me viennent immédiatement à l'esprit à l'issue de ma lecture. Paru initialement en un seul volume outre Atlantique, l'éditeur français à choisi de diviser le roman en deux parties que je trouve assez logiques.

Le premier tome s'attache à nous décrire Nouvelle-Crobuzon, une ville imaginaire dans laquelle se cotoient humains et créatures humanoïdes, selon un bestiaire halluciné et selon des quartiers bien définis. « Nouvelle-Crobuzon était un vrai nid de nuisibles, une ville morbidifiante. Parasites, épidémies et rumeurs y grouillaient de façon incontrôlable ». Insectes humanoïdes, cactacés évoluant sur leurs deux pieds, homme-oiseaux, des mélanges de plusieurs types tels les serpents-libellules qui font froufrouter leurs longues ailes graciles en sifflant à grand bruit, l'auteur s'est laissé aller à construire des personnages absolument incroyables.
L'univers est un autre monde : « A travers sa fenêtre sale, il distinguait l'énorme cercle froid de la lune et les lentes pirouettes qui décrivaient ses deux filles, ces satellites de roche nue, ancienne, qui brillaient comme des lucioles rebondies au fil de leurs révolutions autour de leur mère. »

Au milieu de cet essaim bigarré, Isaac est un scientifique renégat à qui un homme-oiseau va lui demander de reconstruire ses ailes. Ses recherches vont l'amener involontairement à une série de conséquences insensées pour lui-même et ses camarades.

Le second tome est plus dans l'action. le groupe doit lutter pour sa survie et l'auteur fait preuve d'une imagination fertile pour captiver le lecteur tout le long du récit.
Le récit s'étoffe au niveau des personnages : une araignée cosmique fait son entrée, en même temps que l'ambassadeur des enfers ainsi que des vampires qui se nourrissent des pensées.
La ville a toujours une place de choix et devient physiquement un personnage à part entière

Ce roman, pilier de la new weird fiction, a été une révélation en ce qui me concerne.
J'ai adoré l'originalité du récit et les personnages que j'ai trouvé extrêmement bien construits.
L'auteur a également réussi à faire de la ville un personnage à part entière tant ses descriptions sont réalistes.
Perdido Street Station est une histoire sur le traumatisme et la tragédie, non dénuée d'une certaine poésie. La multiplicité des thèmes abordés (pluralité des races, liberté, consentement, processus artistiques) offre un panel d'émotions tout autant différentes.

J'ai eu un vrai coup de coeur pour cette histoire et j'ai bien envie de poursuivre ma découverte de cet auteur.
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J'avais découvert China Miéville avec Les scarifiés, une oeuvre sidérante qui prenait place dans une ville pirate flottante. le Hold my SFFF m'offre l'occasion de me relancer dans un autre livre du subversif auteur anglais en découvrant l'un de ses romans phares, Perdido Street Station, séparé en deux tomes dans mon édition.

L'auteur déploie dans ce roman ce qu'il sait faire de mieux : créer un monde unique, très original. China Miéville allie des éléments très hétéroclites mais qui parviennent à devenir un ensemble cohérent. Au-delà de la cohérence, il ressort de Perdido Street Station une sensation d'étrangeté mêlée de foisonnement qui crée un réel dépaysement. Il y a dans un premier temps un véritable mélange des genres : fantasy, avec un monde qui mêle plusieurs races et des notions de magie assez sombres, science-fiction, avec le personnage de Dan der Grimnebulin et sa science ainsi que du steampunk, avec des créatures mi-machines mi-organiques... Bref, autant de choses qui ne semblent pas au premier coup d'oeil faire bon ménage.

Mais Perdido Street Station séduit aussi grâce à une ambiance très sombre ! En effet, la Nouvelle-Crobuzon n'a rien d'une ville paradisiaque. Peuplée de savants fous, d'artistes décadents, de politiciens égotistes et d'ouvriers laborieux, c'est un vrai capharnaüm divisée en plusieurs quartiers, des riches sphères en ghettos décrépits. le tout donne l'impression d'osciller constamment entre grandeur architecturale et décadence, comme si l'endroit avait connu de meilleurs jours. Un peu comme ses habitants, qui se composent de créatures mi-humaines mi-plantes/insectes, notamment des gens mi cactus ou mi-scarabées.

Le scénario est un peu long à se mettre en place ! Nous suivons d'abord un couple dépareillé, une femme scarabée artiste qui a quitté son peuple d'origine, Lin, et un savant fou, Isaac, touche-à-tout mais aussi un paria. L'histoire s'accélère un peu à l'arrivée de Garuda, un homme-oiseau dont on a coupé les ailes. Avant, le récit entrecroise plusieurs scènes de la vie quotidienne qui permettent de mieux comprendre Nouvelle-Crobuzon, se quartiers, les espèces qui s'y trouvent… Cela aide à la compréhension du monde et ç l'immersion, mais il faut attendre un peu avant que les choses se déclenchent.

J'ai beaucoup apprécié l'arc narratif une fois lancé, et je trouve dommage d'avoir fait le choix de diviser l'oeuvre original car on a l'impression d'un rythme bâclé. Pourtant, une fois la machine lancée, c'est assez fascinant : une menace indicible pèse sur la ville et l'auteur montre un grand talent pour la mise en scène et la construction de ce danger. Je ne spoilerais pas plus, mais j'ai hâte de voir ce à quoi la suite va ressembler.

China Miéville a une écriture très spécifique vite reconnaissable. Il est notamment capable de mettre en place des descriptions captivantes et imagées des lieux comme des personnes, ce qui permet dans tous les cas de créer de réelles personnalités, même aux quartiers et aux objets. Cela se traduit parce que j'ai expliqué dans la première partie, à savoir un univers unique. de plus, la plume de Miéville n'est pas dénuée d'humour ou de dramaturgie, ce qui rend l'ensemble bien équilibré même lorsqu'il ne se passe pas grand chose.

On pourrait craindre que les personnages manquant un peu de couleur, mais Miéville est capable de construire en quelques mots des personnages attachants. Son écriture permet de ménager un beau suspens autour d'eux, car ils ne révèlent que petit à petit leurs mystères et leurs projets. Un effet qui crée parfois une sensation de lenteur et d'inertie, mais qui est inévitable quand on crée des univers denses qui nécessitent une mise en place longue. J'ai en tout cas beaucoup apprécié la diversité des personnages et leurs histoires. Ils ne sont pas forcément tous attachants mais ils ont assez de substance pour être tous intéressants.

C'est une oeuvre définitivement bizarre et inclassable, qui fourmille de créativités et d'idées. China Miéville crée un roman réellement unique qui oscille entre plusieurs genres, de la fantasy en passant par le steampunk. L'univers très riche est bien soutenu par une écriture détaillée qui offre une foule de descriptions précises et dépaysantes, mais aussi des personnages variés. Comme beaucoup de romans qui reposent sur leur atmosphère et leur univers, Perdido Street Station peut paraître un peu long à se mettre en place ! Mais l'angle choisi par l'auteur est tellement original que ce serait dommage de s'en priver.
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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Après trois semaines dans les ruelles de la Nouvelle-Crobuzon, j'en sors enfin pour vous livrer un avis franchement enthousiaste, même si j'ai quelques réserves sur des points particuliers.Donc, ce roman nous raconte les aventures d'Isaac (C'aurait pu être Newton, mais, non, pas là.), d'un homme aigle sans ailes, et de quelques uns de leurs amis.Le premier problème de ce roman, c'est de trouver une unité à la trame narrative. En effet, le début du roman concerne les recherches scientifiques d'Isaac, et celles, artistiques, de son amie la femme à tête de scarabée. Mais, au bout d'un moment, pour une raison que seul l'auteur connaît, on passe d'une chronique de la vie urbaine à une chasse au monstre qui, pour fascinante qu'elle soit, n'en a pas moins rien à voir avec la première moitié du roman, ce qui est encore plus visible de par le découpage en deux tomes.Bon, cela étant, c'est quand même un bouquin tout à fait excellent, et foisonnant d'une part de références, et d'autres part de liens pour moi avec d'autres oeuvres.Références et liensLe premier de ces liens concerne des romans traitant de la ville ... comme l'Ankh-Morpok de [a:Pratchett|1654|Terry Pratchett|https://images.gr-assets.com/authors/1235562205p2/1654.jpg], la Lankhmar de [a:Leiber|23001|Fritz Leiber|https://images.gr-assets.com/authors/1423163995p2/23001.jpg], ou [b:la cité du gouffre|26858016|La cité du gouffre|José Moselli|https://images.gr-assets.com/books/1443882094s/26858016.jpg|46896687] de [a:Reynolds|51204|Alastair Reynolds|https://images.gr-assets.com/authors/1369753656p2/51204.jpg], mais je reviendrai sur ce lien plus loin. Bref, la ville, hein. Comme dans les différentes villes dont je viens de parler, l'architecture est loin d'être élégante, loin d'être organisée, et, surtout, loin d'avoir une chance de résister à la prochaine pluie. Ca, tout de suite, ça pose une ambiance assez glauque. et cette ambiance, l'auteur prend un soin jaloux à en peaufiner chaque détail, en ne donnant à voir au lecteur que les parties les plus laides, décrépies, polluées de cette Nouvelle-Crobuzon. Et ça n'est à mon avis pas pour rien que la période choisie est une espèce de révolution industrielle rendant hommage à la Londres du XIXème siècle (Qui a bien évidement dû aussi servir d'exemple aux autres villes mentionnées).La ville est donc une première composante de cette ambiance glauque. Mais ça n'est pas la seule composante. Il y a aussi le côté tous pourris, mis en valeur par cette milice, ce gouvernement pas vraiment démocratique, et toutes les sortes de mafias peuplant les strates intermédiaires de cette ville démente.Un roman gothique ?Pour en revenir aux références, je voudrais parler du lien tout particulier unissant ce roman et ceux de [b:La cité du gouffre|26858016|La cité du gouffre|José Moselli|https://images.gr-assets.com/books/1443882094s/26858016.jpg|46896687]. En effet, ce lien a pour moi été flagrant très rapidement, pour devenir bientôt un guide de lecture tout à fait sensé pour cette oeuvre.Le premier lien, c'est évidement l'environnement urbain, déja mentionné plus haut, qui est d'une évidence absolue. Pourtant, il faut le voir dans le détail pour bien comprendre le lien qui existe entre ces deux villes. Dans les deux cas, la construction est anarchique, souvent agressée par un environnement actif, que ce soit magiquement ou non.Ces deux villes sont par ailleurs peuplées de créatures plus étranges les unes que les autres. Pour la cité du Gouffre, je vous conseille la lecture de [b:Diamond dogs, Turquoise days|893590|Diamond Dogs, Turquoise Days|Alastair Reynolds|https://images.gr-assets.com/books/1348305802s/893590.jpg|878818]. Et pour [b:Perdido Street Station|68494|Perdido Street Station (Bas-Lag, #1)|China Miéville|https://images.gr-assets.com/books/1393537963s/68494.jpg|3221410], un rapide inventaire suffira : un homme-aigle, des femmes scarabées (Faut-il voir un clin d'oeil à l'Egypte antique ?), des hommes-grenouille sans costume, et en guise de feu d'artifice final, Madras, le recréé artistique, qu'on pourrait par exemple rapprocher du capitaine de [b:L'Espace de la révélation].Et puis, ces villes, sous leurs atours flamboyants, sous leur facade de centre culturel, ne sont que le dessus de poubelles sordides dans lesquels tout est possible.A ce sujet, la visite au bordel du collègue d'Isaac est une espèce de fantasme, du même niveau de pervesité que [b:Diamond dogs, Turquoise days|893590|Diamond Dogs, Turquoise Days|Alastair Reynolds|https://images.gr-assets.com/books/1348305802s/893590.jpg|878818], encore une fois, mais choisissant une orientation nettement différente ...Bref, il y a d'innombrables points communs entre ces deux romans et, comme je le disais de l'oeuvre de [a:Reynolds|51204|Alastair Reynolds|https://images.gr-assets.com/authors/1369753656p2/51204.jpg], [b:Perdido Street Station|68494|Perdido Street Station (Bas-Lag, #1)|China Miéville|https://images.gr-assets.com/books/1393537963s/68494.jpg|3221410] est une oeuvre gothique, flamboyante, mais aussi sale comme une cathédrale délabrée, et c'est peut-être cette saleté qui en fait tout le sel.Pas d'échappatoireEnfin, je dis sale, mais ça n'est pas le mot juste. Pour moi, ce qui décrirait mieux la philosophie sous-tendant l'écriture de cette chose littéraire, c'est l'absence complète de pitié. du début à la fin, j'ai en effet l'impression que l'auteur s'est imposé comme contrainte littéraire l'absence de pitié et d'espoir. A bien des reprises, il peut sauver des personnages, améliorer des situations. Mais le fait-il une seule fois ? Non, je ne crois pas. Et ça, pour dur que ce soit pour le lecteur, c'est bien.Naturellement, la conséquence logique, c'est qu'il n'y a pas de happy end. Et ça, c'est encore mieux.ConclusionVous vous en doutez déja, mais j'ai adoré. Pas pour l'histoire, qui est plutôt déséquilibrée, nous incitant sans cesse à nous demander où l'auteur veut donc nous conduire, mais pour la Nouvelle-Crobuzon, pour les recréés, pour Madras, et, même, pour les Gorgones. Tiens, tant que j'y pense, j'oubliais un dernier clin d'oeil : la Fileuse, qui m'a fait furieusement penser à Shelob et aux autres araignées Tolkieniennes. Bref, j'ai adoré, et j'adorerais, je crois, voir un Peter Jackson fou tenter une adaptation impossible. Bon, j'adorerais peut-être plus encore lire d'autres romans reprenant ce monde fou, invraissemblable, aux confluents de la fantasy, du steampunk, et de presque tous les autres courants de la SF sauf le space-op.Mais, soyons réalistes, ça n'est pas à mon sens un roman pour tous les publics. Donc ne vous lancez dedans que si vous avez le coeur bien accroché, l'esprit très ouvert et un goût certain pour l'étrange et, comme je l'ai déja dit, le gothique.
9782070455171"
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Sur l'édition originale on peut lire sur la couverture “ It's the best steampunk novel since Gibson and Sterling's » John Clute*. Je suis heureux que l'éditeur français se soit gardé de mettre un commentaire similaire. Il est, en effet, extrêmement réducteur de classer ce livre dans un genre particulier. Certes, on y trouve des ingrédients chers au mouvement Steampunk, mais pourquoi occulter le coté Fantasy ou encore Fantastique.
China Mieville a su, avec cette oeuvre, s'affranchir des stéréotypes de tel ou tel genre. Il nous offre ici un roman hors norme dont la principale force est justement le mélange.
Mélange que China Mieville qualifie lui-même de « Weird fiction ».
Oubliez donc, tous les clichés sur la Fantasy, la SF, le fantastique ou l'horreur et plongez-vous avec délice dans cette aventure riche et hors des sentiers battus.

La mégapole de Nouvelle-Crobuzon est véritablement le personnage principal de cette histoire. Ses nombreux quartiers qui départagent la ville, sont autant de communautés ou se mêlent races et peuples divers. Ses ruelles sombres et glauques, encrassées par la pollution des usines sont donc peuplées par des Humains, des Khepris – sorte de cafard géant mais uniquement femelle, des Garudas –Hommes oiseaux, des Hommes cactus, des transformés – mi-hommes mi-machines à vapeur et bien d'autres. le maire de la ville avec l'aide de sa milice et des differents accords passés avec la pègre locale, dirige Nouvelle-Crobuzon d'une poigne de fer, ne laissant que peu de liberté à ses habitants.
C'est dans cet environnement qu'évolue Isaac Dan der Grimnebulin, sorte de « Géo trouve-tout » ventripotent. Sa petite vie paisible est partagée entre ses différentes recherches et sa relation amoureuse secrète avec une artiste Khepri du nom de Lin.
Et puis tout bascule le jour où un Garuda vient le voir pour lui demander de l'aide. L'homme-oiseau, condamné par les siens, s'est vu retirer ses ailes. Il propose donc une forte somme d'argent à Isaac pour que celui ci lui redonne la possibilité de voler à nouveau. Intéressé par le défi scientifique, Isaac se lance corps et âme dans ce nouveau projet. Il ne se doute pas encore que ses recherches vont plonger la ville de Nouvelle-Crobuzon dans une crise sans précédent.

Au premier abord et en lisant la 4ème de couverture, on peut être rebuté par le bestiaire hétéroclite de ce monde. Des hommes-cactus, hybrides mécaniques, femmes-cafards, araignées géantes aux bras humains et navigant entre differents plans de réalité, et ce n'est qu'une petite liste non exhaustive. le plus impressionnant est que cet étalage de bizarrerie ne perturbe le lecteur que l'espace d'un instant. Sauf, il est vrai lorsque que Mieville nous décrit la relation amoureuse et sexuelle entre Isaac et Lin, la femme-cafard. Difficile, de prime abord, d'imaginer qu'un homme puisse tomber sous le charme d'une femelle cafard, fut-elle de taille humaine. Mais passé le choc initial, leur histoire d'amour devient au fur et à mesure une évidence, tant Mieville humanise cette relation contre nature. Ce qui en soi, constitue déjà une prouesse remarquable.

L'intrigue de cette histoire est très bien menée et non dénuée d'intérêt, mais elle n'est qu'une sorte d'ustensile qui permet de mener les personnages dans tous les recoins de la ville afin d'en découvrir toute la noirceur et les bizarreries. Ne croyez pas pour autant, que ces quelques 800 pages ne sont qu'un fastidieux guide du routard d'un pays imaginaire. Non, la ville, ses habitants – aux moeurs et coutumes si contrastées – les personnages et l'intrigue constituent un tout qui prend forme petit à petit pour donner un résultat exceptionnel qui restera gravé dans la mémoire du lecteur pour longtemps…

Espérons que son dernier roman « The Scar » sera vite publié en France. Il se situe dans le même univers et a, lui aussi, remporté un grand succès outre-manche et outre-alantique.

* Illustre inconnu en France, John Clute est l'auteur – entre autres - de l'encyclopédie de la Sf et de son équivalent de la Fantasy.
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Dans l’immense cocon crissant, des processus extraordinaires avaient débuté.
La chair gainée de la chenille avait entrepris de se déliter. Pattes, yeux, piquants et segments de corps perdaient leur intégrité. Le corps tubulaire devenait fluide.
La chose faisait appel à l’énergie tirée de la colombine pour alimenter sa transformation. Elle s’auto-organisait. Sa forme en cours de mutation bouillonnait et enflait au sein d’étranges crevasses dimensionnelles, suivant, puis rebroussant chemin par-dessus le rebord du monde telle une bourbe huileuse. Elle se repliait sur elle-même, façonnant son propre aspect dans la glèbe protéiforme de sa matière de base.
Elle était instable.
Elle avait été vivante, et puis il y eut une période entre deux formes où elle ne fut ni vive ni morte, mais saturée d’énergie.
Après quoi, elle fut en vie de nouveau. Mais différente.
Des spirales de soupe biochymiques se sculptèrent soudain. Des nerfs qui s’étaient déroulés et dissous se lovèrent de nouveau en autant d’écheveaux de tissu sensoriel. Les traits fondirent et se reconstituèrent, formant des constellations étranges, nouvelles.
La chose se plia en deux, saisie d’une angoisse naissante et d’une faim rudimentaire, mais croissante.
Du dehors, rien n’était visible. Ce violent processus de destruction et de création était un drame métaphysique qui ne se jouait pour personne. Il se dissimulait derrière un rideau opaque de soie fragile, cosse qui cachait ce changement en une pudeur brute, instinctive.
Après la lenteur et le chaos de cet effondrement formel, il y eut un bref instant où la chose qui se trouvait dans le cocon fut figée dans un état liminal. Et puis, en réponse à d’impensables marées de chair, elle se mit à se reconstruire. De plus en plus vite.
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La chaleur printanière s'y trouvait magnifiée comme par l'énergie de la géhenne. Derkhan s'était mise à transpirer. Elle s'avança au milieu des carcasses qui se balançaient et les trainées de sang coagulé. Au fond de la pièce, en hauteur, disparaissant dans les boyaux plus sombres de ce charnier, une courroie charriait de lourds crochets de boucherie en un circuit implacable.

Les lueurs reflétées des lames elles-mêmes semblaient filtrées par cette ténèbre rougeoyante. Devant la pestilence rance, épaisse, du sang et de la viande chaude, Derkhan se masqua le nez et la bouche d'un cataplasme pour échapper à la nausée.

A l'autre bout de la pièce, trois hommes étaient rassemblés sous l'arche ouverte que l'on distinguait de la rue. Dans ce lieu sombre et puant, l'air et la lumière du Palus-au-Chien qui se déversaient d'en haut faisaient l'effet de Javel.
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Je vais suivre les voies de chemin de fer. Je hanterai l’ombre des trains tandis qu’ils passeront au-dessus des maisons, des tours, des casernes, des bureaux, des geôles de la ville ; je marcherai dans leur sillage sur ces arches qui les arriment à la terre. Je dois trouver le moyen d’entrer.

Ma cape, un drap lourd, insolite et cuisant sur ma peau, me ralentit, et ma besace me pèse. Ce sont elles qui me protègent ici, elles et l’illusion que j’ai chérie, fondement de ma peine et de mon infamie, du supplice qui m’a mené ici – dans ce kyste qui n’a de ville que le nom, cette cité poussiéreuse toute d’os et de brique, cette conspiration d’industrie et de violence trempées dans l’Histoire et les arcanes du pouvoir, cette contrée funeste dont j’ignore tout :

Nouvelle-Crobuzon.
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Ils se laissèrent porter en direction du nord, vers la gare de Perido. Ils tournaient lentement, revigorés par cette présence urbaine massive, profane, en dessous d'eux, par ce lieux fécond, grouillant, tel qu'aucun de leurs semblables n'en avait jamais connu jusque là. Partout, le moindre secteur – ponts obscurs, hôtels particuliers vieux de cinq siècles, bazars tortueux, entrepôts de béton, tours, péniches d'habitation, taudis répugnants et parcs au cordeau – grouillait de nourriture. C'était une jungle dépourvue de prédateurs. Un terrain de chasse.
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Pour entrer dans Chiure, Isaac et Lin durent emprunter des ponts branlants, simples planches jetées sur des fossés de deux mètres qui séparait la favela du parc de la Colline Vaudoise. Ils marchèrent dans les pas l'un de l'autre, tendant parfois les bras pour préserver leur équilibre.

A un mètre cinquante au-dessous, la tranchée était emplie d'une soupe gélatineuse, bruyante, mêlant polluants et pluies acides. Des bulles de gaz mortel et des cadavres d'animaux gonflés en crevaient la surface. Çà et là surnageaient des boîtes de conserve rouillées et des nœuds de chair évoquant des tumeurs ou des fœtus avortés. Le liquide ondulait plus qu'il ne faisait de vagues, contenu qu'il était par une épaisse tension de surface, si huileuse et si puissante qu'elle refusait de céder : les pierres qui tombaient du pont y étaient avalées sans déclencher la moindre éclaboussure.
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