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Citations sur Perdido Street Station, tome 1 (13)

Ils se laissèrent porter en direction du nord, vers la gare de Perido. Ils tournaient lentement, revigorés par cette présence urbaine massive, profane, en dessous d'eux, par ce lieux fécond, grouillant, tel qu'aucun de leurs semblables n'en avait jamais connu jusque là. Partout, le moindre secteur – ponts obscurs, hôtels particuliers vieux de cinq siècles, bazars tortueux, entrepôts de béton, tours, péniches d'habitation, taudis répugnants et parcs au cordeau – grouillait de nourriture. C'était une jungle dépourvue de prédateurs. Un terrain de chasse.
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La chaleur printanière s'y trouvait magnifiée comme par l'énergie de la géhenne. Derkhan s'était mise à transpirer. Elle s'avança au milieu des carcasses qui se balançaient et les trainées de sang coagulé. Au fond de la pièce, en hauteur, disparaissant dans les boyaux plus sombres de ce charnier, une courroie charriait de lourds crochets de boucherie en un circuit implacable.

Les lueurs reflétées des lames elles-mêmes semblaient filtrées par cette ténèbre rougeoyante. Devant la pestilence rance, épaisse, du sang et de la viande chaude, Derkhan se masqua le nez et la bouche d'un cataplasme pour échapper à la nausée.

A l'autre bout de la pièce, trois hommes étaient rassemblés sous l'arche ouverte que l'on distinguait de la rue. Dans ce lieu sombre et puant, l'air et la lumière du Palus-au-Chien qui se déversaient d'en haut faisaient l'effet de Javel.
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Je vais suivre les voies de chemin de fer. Je hanterai l’ombre des trains tandis qu’ils passeront au-dessus des maisons, des tours, des casernes, des bureaux, des geôles de la ville ; je marcherai dans leur sillage sur ces arches qui les arriment à la terre. Je dois trouver le moyen d’entrer.

Ma cape, un drap lourd, insolite et cuisant sur ma peau, me ralentit, et ma besace me pèse. Ce sont elles qui me protègent ici, elles et l’illusion que j’ai chérie, fondement de ma peine et de mon infamie, du supplice qui m’a mené ici – dans ce kyste qui n’a de ville que le nom, cette cité poussiéreuse toute d’os et de brique, cette conspiration d’industrie et de violence trempées dans l’Histoire et les arcanes du pouvoir, cette contrée funeste dont j’ignore tout :

Nouvelle-Crobuzon.
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Pour entrer dans Chiure, Isaac et Lin durent emprunter des ponts branlants, simples planches jetées sur des fossés de deux mètres qui séparait la favela du parc de la Colline Vaudoise. Ils marchèrent dans les pas l'un de l'autre, tendant parfois les bras pour préserver leur équilibre.

A un mètre cinquante au-dessous, la tranchée était emplie d'une soupe gélatineuse, bruyante, mêlant polluants et pluies acides. Des bulles de gaz mortel et des cadavres d'animaux gonflés en crevaient la surface. Çà et là surnageaient des boîtes de conserve rouillées et des nœuds de chair évoquant des tumeurs ou des fœtus avortés. Le liquide ondulait plus qu'il ne faisait de vagues, contenu qu'il était par une épaisse tension de surface, si huileuse et si puissante qu'elle refusait de céder : les pierres qui tombaient du pont y étaient avalées sans déclencher la moindre éclaboussure.
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L'artefact qui avait balayé pendant plusieurs années le plancher de David et Lublamai avait fini par rendre l'âme apparemment. Il chuintait et décrivait des cercles, au moment de nettoyer, faisant désormais des fixations sur des secteurs arbitraires du sol, qu'il polissait comme autant de bijoux. Certains matins, il mettait près d'une heure à chauffer. Il s'engluait peu à peu dans des boucles logicielles qui le faisaient répéter à l'infini des comportements infimes.
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Dans l’immense cocon crissant, des processus extraordinaires avaient débuté.
La chair gainée de la chenille avait entrepris de se déliter. Pattes, yeux, piquants et segments de corps perdaient leur intégrité. Le corps tubulaire devenait fluide.
La chose faisait appel à l’énergie tirée de la colombine pour alimenter sa transformation. Elle s’auto-organisait. Sa forme en cours de mutation bouillonnait et enflait au sein d’étranges crevasses dimensionnelles, suivant, puis rebroussant chemin par-dessus le rebord du monde telle une bourbe huileuse. Elle se repliait sur elle-même, façonnant son propre aspect dans la glèbe protéiforme de sa matière de base.
Elle était instable.
Elle avait été vivante, et puis il y eut une période entre deux formes où elle ne fut ni vive ni morte, mais saturée d’énergie.
Après quoi, elle fut en vie de nouveau. Mais différente.
Des spirales de soupe biochymiques se sculptèrent soudain. Des nerfs qui s’étaient déroulés et dissous se lovèrent de nouveau en autant d’écheveaux de tissu sensoriel. Les traits fondirent et se reconstituèrent, formant des constellations étranges, nouvelles.
La chose se plia en deux, saisie d’une angoisse naissante et d’une faim rudimentaire, mais croissante.
Du dehors, rien n’était visible. Ce violent processus de destruction et de création était un drame métaphysique qui ne se jouait pour personne. Il se dissimulait derrière un rideau opaque de soie fragile, cosse qui cachait ce changement en une pudeur brute, instinctive.
Après la lenteur et le chaos de cet effondrement formel, il y eut un bref instant où la chose qui se trouvait dans le cocon fut figée dans un état liminal. Et puis, en réponse à d’impensables marées de chair, elle se mit à se reconstruire. De plus en plus vite.
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Dans le poussier brûlé pour réchauffer des amants à l'agonie, les crématoriums déchargeaient parmi les volants les cendres des testaments consumés par des des exécuteurs jaloux. Des milliers d'ignobles fantômes de fumée enveloppaient Nouvelle-Crobuzon d'une pestilence aussi suffocante que la culpabilité.
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Voilà ce qu'est l'individualité concrète : une individualité qui reconnaît qu'elle doit son existence à une sorte de respect communautaire de la part de toutes les autres individualités, et qu'elle a intérêt, par là même, à les respecter aussi.
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Isaac s'était pris d'intérêt pour l'aquart vodyanoi par hasard, à la suite de ses recherches sur la Théorie du Champ Unifié. Il s'était demandé si la capacité à modeler l'eau dont faisaient preuve ces être aquatiques n'était pas en rapport avec la force de cohésion qu'il recherchait - celle-là même qui, en certaines circonstances, solidifiait la matière, et la dispersait violemment dans d'autres. Il suivait en cela un schéma courant dans son mode de travail : tel chemin de traverse prenait sa dynamique propre, pour devenir une obsession profonde, sans doute vouée à une mort certaine.
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La bibliothèque de Palgolak valait amplement celle de l’Université de Nouvelle-Crobuzon. Elle ne prêtait pas d’ouvrages, mais admettait des lecteurs en son sein à n’importe quelle heure du jour et de la nuit – et il y avait très, très peu de livres auxquels elle n’accordait pas l’accès. Les Palgolaki étaient des prosélytes, persuadés que tout ce que savait un fidèle était aussitôt connu de Palgolak lui-même, raison pour laquelle les adeptes se voyaient sommés de lire voracement par la doctrine. Mais ils ne se consacraient que de façon secondaire à la gloire de leur dieu, accordant leur primeur à celle du savoir – raison pour laquelle ils avaient juré de laisser entrer tous ceux qui le désiraient dans leur bibliothèque.
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