Ce tome fait suite à B.P.R.D.: The Devil You Know Volume 1 - Messiah (épisodes 1 à 5) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 6 à 10, initialement parus en 2018, écrits par
Mike Mignola &
Scott Allie, dessinés et encrés par
Sebastián Fiumara pour les épisodes 6 à 8, et par
Laurence Campbell pour les épisodes 9 et 10, avec une mise en couleurs réalisées par Dave Stewart.
Mike Mignola a dessiné les 3 premières pages de l'épisode 6. le tome se termine par 18 pages d'études graphiques, dont 3 consacrées aux crayonnés de
Mike Mignola.
Quelque part en Enfer, dans une maison non loin de la grève d'un petit port de pêche, Heboy reçoit la visite d'Ed. Il accompagné par Roger, l'homuncule. Ed indique à Hellboy qu'il reste 2 choses à faire, et qu'il a tenté de faire la première à sa place pour l'aider. Sur Terre, à bord de l'aéronef du BPRD, quelque part au-dessus du Nebraska, Hellboy est assis sur un fauteuil à roulette, en train de regarder ses amis discuter, sans se concentrer sur ce qu'ils disent : Liz Sherman, Ashley Strode, Andrew Devon, Carla Giarocco, Fenix Espejo. Liz Sherman finit par s'approcher de Hellboy et lui demander si ça va ; il répond avec un oui laconique. Andrew Devon décide d'envoyer un petit groupe interroger des membres d'un culte campant sur une autoroute, entendant une voix de fillette dans leur esprit. Pendant ce temps-là, dans le comté de Jasper en Caroline du Sud, Abe Sapien et Ted Howards observent un campement d'individus vivant dans le dénuement. Maggie fait signe à Abe de la suivre ; il obtempère.
À bord du vaisseau du BPRD qui se trouve maintenant au-dessus du Dakota du Sud, Liz raconte à Hellboy ce qui s'est passé depuis sa mort. En réponse à une de ses questions, elle indique que Kate Corrigan est morte. Elle lui demande ce qui lui est arrivé à lui ; il répond qu'il n'en est pas sûr. À New York, Sam, son épouse et sa fille arrivent pour se joindre au culte animé par la petite fille. Ils ne sont guère rassurés par la présence d'individus à la peau marquée. Au centre du bâtiment, Varvara discute de sa stratégie avec Herman von Klempt et Karl Ruprecht Kroenen. Hellboy a décliné la demande d'Andrew Devon d'accompagner les agents qui vont établir le contact avec le campement des membres du culte. Il entend son nom appelé par le système de communication. Il se rend sur le pont où la communication a été établie avec Tom Manning, l'ancien directeur du BRPD. Hellboy salue son vieil ami allongé dans son lit d'hôpital. Maggie a amené Abe Sapien devant l'entrée d'une caverne pour qu'il sache où elle se trouve. le groupe du BPRD a touché terre et découvre un spectacle qui n'est pas du tout celui auquel ils s'étaient préparés.
Le précédent tome s'achevait sur un coup de théâtre à peine croyable ramenant une forme d'espoir inattendu. En effet, il avait auparavant montré un monde dans un état de destruction bien plus effroyable que ce que la fin de la phase Hell on Earth pouvait laisser supposer, avec une humanité prête à se raccrocher à des croyances pour pouvoir espérer en un avenir meilleur. Au fil des pages le lecteur continue de relever les signes inquiétants et sinistres. Pour commencer, le titre de cette deuxième partie de The devil you know est Pandemonium, c'est-à-dire le nom de la cité faisant office de capitale aux enfers, celle où Hellboy a tué son père. Or le récit se déroule sur Terre, ce qui incite le lecteur à s'interroger sur l'éventualité d'une résurgence de Pandemonium sur Terre, ou de l'instauration d'une nouvelle capitale des enfers. Tout aussi angoissant est la persistance de la présence de monstres apparus pendant la phase Enfer sur Terre, l'apparition de nouvelles maladies inconnues propageant la pestilence, ou encore l'arrivée de créatures démoniaques présageant d'une nouvelle vague de catastrophes.
Mike Mignola et
Scott Allie ont construit leur récit de manière à ce que le lecteur se heurte régulièrement à de nouvelles manifestations létales, remettant en cause l'espoir apparu à la fin du tome précédent. Il mine également cet espoir par l'attitude de Hellboy qui ne fait aucun effort de communication avec les autres, qui semble replié sur lui-même, attendant le moment qu'il juge opportun pour passer à l'action, comme si toute autre forme d'intervention n'a aucune importance.
Les dessins de
Sebastián Fiumara et
Laurence Campbell participent également à instaurer cette ambiance sombre et désespérée. À de rares exceptions près, les visages dessinés par Fiumara sont marqués de traces noires, de petites hachures, comme s'ils portaient les stigmates de leur souffrance intérieure, comme si le temps avait déposé des marques d'usure. Ces visages expriment souvent le regret, l'inquiétude, l'agressivité, presqu'à aucun moment une émotion positive, au mieux de la neutralité indéchiffrable. Campbell utilise des traits un peu plus durs et un peu plus épais pour les visages qui apparaissent alors creusés et fatigués, marqués par des expressions dures et résolues. Durant les 3 premiers épisodes, les personnages sont souvent représentés debout, les bras le long du corps, dans une forme d'attente ou d'inaction, comme s'ils n'avaient pas de possibilité de se mettre à l'oeuvre, d'agir pour améliorer la situation, pour construire quelque chose. Dans les 2 derniers épisodes, l'action occupe la majeure partie des pages, les membres du BPRD se jetant à corps perdu dans la bataille, avec l'énergie du désespoir. À bien y regarder, Fiumara et Campbell utilisent une direction d'acteur exhalant un parfum de résignation ou de désespoir sous-jacent, inexorable.
De la même manière la mise en couleurs de Dave Stewart utilise des couleurs sombres et ternes pour renforcer l'ambiance de fin du monde, pour ajouter à la fibre sinistre, et participer à la sensation de destin funeste. S'il y fait attention, le lecteur se rend compte qu'à certains moments, Stewart ajoute une touche de couleur très inattendue : une touche de violet lilas pour la manifestation des démons, un vert pale pour le bocal de von Klempt. Les 3 pages réalisées par
Mike Mignola sont parcourues par des feuilles mortes en train de tomber, comme la fin d'une époque. Les cases sont à la fois dépouillées avec des formes mangées par le noir, et à la fois très évocatrices. Durant les épisodes 6 à 8,
Sebastián Fiumara réussit de très belles mises en scène : la vision de l'aéronef massif du BPRD, le corps au repos de Hellboy résigné, la forme saugrenue d'une vierge de fer au milieu de nulle part, le minois toujours aussi mignon de Varvara, et une magnifique case avec une légère contreplongée, montrant le trio réuni de Liz Sherman, Abe Sapien et Hellboy, baignant dans la nostalgie d'une autre époque. Dans les 2 épisodes suivants,
Laurence Campbell réalise plusieurs visions apocalyptiques : une nuée de petits démons ailés, les gratte-ciels en ruine de New York se découpant sur un ciel enflammé, une horde de créatures immondes se ruant sur les agents du BPRD. Les 2 dessinateurs ont tendance à s'affranchir de représenter les arrière-plans le temps de 2 à 4 planches par épisode, parfois compensé par la mise en couleurs, parfois donnant une impression de vide.
Ainsi mis en condition par la narration visuelle des 2 artistes, le lecteur intègre le fait que l'histoire est placée sous le signe d'une forme d'inéluctabilité, les personnages ne sachant pas toujours quelle action entreprendre, où se rendre, contre qui se battre, et une fois sur le terrain assaillis par des créatures monstrueuses semblant sans cesse renouvelées. Qui plus est, Hellboy semble résigné, comme s'il ne servait à rien de se battre pour le moment. le lecteur éprouve une sorte de sentiment contradictoire : entre désintérêt de ces scènes ne lui en apprenant pas beaucoup, et prise de conscience de ce qui est en train de se jouer. En surface, Mignola & Allie ne semblent pas en dire beaucoup avec leur histoire : Varvara continue de mettre en oeuvre ses manigances, Abe Sapien s'apprête à rejoindre le BPRD, Andrew Devon n'a pas d'assurance quant à l'utilité des actions qu'il décide. Mais il se produit un effet cumulatif des différentes scènes qui accable toujours plus le lecteur. En outre,
Mike Mignola a indiqué qu'il s'agit de la dernière histoire du BPRD, et qu'elle doit se terminer avec l'épisode 15. En assemblant progressivement les pièces du puzzle contenues dans ce tome, le lecteur sent sa tension augmenter.
Pour pouvoir apprécier ce tome, le lecteur doit disposer d'une connaissance étendue de l'univers partagé Hellboy, avec une bonne compréhension de l'historique de l'évolution des créatures monstrueuses sur la Terre. Il plonge alors dans un récit qui fait sens, avec une narration graphique sinistre du fait de l'ambiance qu'elle installe, des personnages accablés par des années de lutte, et des monstres évoluant dans une civilisation en ruine. Il regarde le récit s'acheminer inéluctablement vers un conflit final qui s'annonce terrible pour les survivants du BPRD. À l'évidence s'il a commencé son immersion dans cet univers partagé avec le premier épisode de Hellboy, ou par celui du BPRD, le lecteur sait qu'il ira jusqu'au bout, et quel que soit son niveau d'appréhension pour la fin de la série, il regrette déjà qu'elle se termine.