Il s'agit d'une histoire complète de 51 pages de BD, initialement parue en octobre 2013. le scénario est de
Mike Mignola, les dessins et l'encrage de
Duncan Fegredo et la mise en couleurs de Dave Stewart. C'est la deuxième fois que Mignola publie une histoire autonome sous ce format (relié sans prépublication), la première était House of the living dead dessinée et encrée par
Richard Corben.
L'action se situe en 1948, et commence dans la base du BPRD, à Fairfield dans le Connecticut. Hellboy est encore un jeune enfant (à peu près 4 ans en temps terrestre, un peu plus au vu de son développement physique, émotionnel et affectif). Un soir, le professeur Trevor Bruttenholm discute avec Malcolm, un de ses collègues. le premier est convaincu qu'il doit élever Hellboy, le second est persuadé que l'origine d'Hellboy le condamne à devenir un démon et faire le mal. Hellboy a décidé de faire la belle ce soir là et il entend cette bribe de cette conversation. Il souhaite sortir du QG du BPRD pour aller s'en griller une en toute tranquillité (habitude prise dans BPRD - 1948). Alors qu'il est confortablement installé en train de fumer contre le tronc d'un arbre, il voit passer un clown, avec un tambour et un chien, qui punaise des affiches pour une représentation. Il le suit et découvre le chapiteau principal du cirque, avec ses attractions, ses roulottes et des chapiteaux secondaires. Il est évident qu'il s'agit pour majeure partie d'une manifestation surnaturelle.
Dans les dédicaces,
Mike Mignola rend hommage à
Carlo Collodi (l'auteur de
Les aventures de Pinocchio) et à
Ray Bradbury (en particulier son roman
La foire des ténèbres). C'est donc sans surprise que le lecteur découvre qu'Hellboy sera avalé par une baleine, ou qu'il se retrouve devant un chapiteau promettant des attractions comme la femme à barbe, le squelette vivant, l'homme minuscule, le chaînon manquant, la femme la plus lourde, ou encore le garçon en bois.
Mais lorsque
Mike Mignola compose une histoire, fusse-t-elle un hommage, il se contente rarement d'enfiler des scènes référentielles ; il raconte d'abord une histoire relative au personnage principal. S'il est possible de lire "Midnight circus" indépendamment de la continuité foisonnante d'Hellboy, l'histoire révèle toute sa saveur pour ceux qui sont familiers du personnage. Il y a la brève apparition de Margaret Laine (déjà vue dans "1948") conseillant Hellboy sur ses lectures, Hellboy lisant un comics de Lobster Johnson, l'affection sincère et imparfaite de Bruttenholm pour Hellboy, le fait qu'Hellboy ait commencé à fumer, l'enjeu complexe de la scène dans le ventre de la baleine, etc.
Pour ce qui est de l'intrigue, le lecteur suit donc Hellboy à la découverte de ce cirque peuplé de monstres, au Monsieur Loyal tout aussi mielleux qu'inquiétant, avec une beauté fatale diablement séduisante, et l'apparition de 2 vagabonds trop accueillants pour être honnête. En 51 pages, Mignola réussit à insérer un nombre conséquent de péripéties, sans donner l'impression de précipitation. Pour illustrer cette histoire, il bénéficie du savoir faire de
Duncan Fegredo qui avait déjà mis en images 3 tomes d'Hellboy : Darkness calls, The wild hunt, et The storm and the fury.
Duncan Fegredo reprend le même style qu'il avait développé pour les précédents épisodes d'Hellboy (par opposition à ses pages peintes de Kid Eternity, avec un scénario de
Grant Morrison). Ce style reste influencé par celui de Mignola, dans l'utilisation de zones noires (pour les séquences se déroulant hors du cirque), d'une manière toutefois moins conceptuelle que celle de Mignola. le lecteur retrouve également le sens du détail propre à Fegredo. Dès la première page, avec hall d'accueil de la base du BPRD, le lecteur peut apprécier le soin apporté à la décoration intérieure (parement en pierre, globes lumineux), au sens du volume, à la décoration (les cadres accrochés sur les murs). Dans ce récit, il n'y a pas de lieux génériques préfabriqués ou sans âme. Les personnages disposent tous de postures et d'un langage corporel très expressifs. Il se produit un glissement stylistique lorsqu'Hellboy pénètre dans le périmètre du cirque. Les aplats de noir ne sont plus pleins, mais rendus sous forme de lavis plus ou moins denses, témoignant d'une grande coordination entre Fegredo et Dave Stewart (le metteur en couleurs). Ce rendu un peu différent permet de marquer la distinction entre monde normal et monde du cirque, en y conférant une ambiance évanescente et onirique.
Évidemment,
Duncan Fegredo éprouve quelques difficultés à innover visuellement pour dépeindre le monde du cirque, même sous influence surnaturelle. Dans sa première apparition, le clown est représenté de manière réaliste. La vue d'ensemble du cirque montre une disposition logique et réaliste des tentes et roulottes. le changement d'ambiance par le biais de l'évolution des camaïeux est bien dosé et permet un basculement progressif dans l'onirisme, avec une intensité variant en fonction de la nature de la séquence. C'est ainsi que la transition entre l'une des tentes du cirque et le monde subaquatique s'effectue avec une grande habilité, permettant à la fois de voir les ficelles et de comprendre l'assimilation au réel dans l'esprit d'Hellboy. Si Fegredo n'atteint pas la puissance d'évocation d'
Eric Powell dans la série "The Goon" (par exemple l'épisode 35 dans The deformed of body and devious of mind), il sait réaliser les transitions indécelables entre réel et surnaturel.
Au travers de ce récit court,
Mike Mignola,
Duncan Fegredo et Dave Stewart rendent hommage à
Carlo Collodi et
Ray Bradbury pour une plongée nocturne dans un cirque maléfique. le voyage est un peu court, mais très agréable, encore plus pour les lecteurs familiers du monde développé par Mignola au travers des séries Hellboy et BPRD.