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Alexander Mikaberidze (Autre)Thierry Piélat (Traducteur)
EAN : 9782081521544
1180 pages
Flammarion (04/11/2020)
4.83/5   6 notes
Résumé :
L’onde de choc provoquée par la Révolution française puis par l’Empire a longtemps fait oublier que les guerres napoléoniennes qui s’ensuivirent eurent des répercussions mondiales, loin de l’épicentre européen.
Dans cette synthèse magistrale, Alexander Mikaberidze met en lumière leurs incidences politiques, culturelles, diplomatiques et militaires à l’échelle planétaire. Partout, les grandes puissances rivalisèrent pour affirmer leur hégémonie, depuis l’Améri... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un monument.


Cette lecture est a priori réservée aux férus d'histoire. Mais elle apporte de riches enseignements à tous ceux qui tentent de comprendre les origines des grandes tragédies humaines, aussi bien passées que contemporaines. J'espère donc que ce livre atteindra un large public.


A la manière du remarquable « L'âge global » de Ian KERSHAW, Alexander MIKABERIDZE, Géorgien d'origine (le pays voisin de l'ogre russe), professeur d'histoire européenne à l'Université Shreveport de Louisiane, dresse un tableau magistral des années postérieures à la révolution française, avec tous les évènements mondiaux enchaînés les uns aux autres à partir de ce point de rupture.


L'homme autour duquel ce tableau se construit est notre Napoléon BONAPARTE et les guerres qui ont entourées son action. La somme de connaissances qu'Alexander MIKABERIDZE fournit sur la situation du monde à cette époque est vertigineuse. Ce n'est pas du tout un simple traité d'analyse des batailles napoléoniennes. Toutes les grandes nations, les grands hommes, les idées et cultures majeures s'y retrouvent.


La révolution française sert de prélude. L'auteur égaille son propos de quelques cartes géographiques. Une première mappemonde donne donc à voir la répartition des peuples à la fin du 18ème siècle, avec la dizaine de grands ensembles qui contrôlent les principales routes d'échanges commerciaux. C'est cet équilibre qui va disparaître.


L'auteur nous rappelle que les grandes puissances de l'époque faisaient partie d'univers politiques distincts qui façonnaient leurs objectifs et aspirations politiques, chacun ayant ses propres prétentions et enjeux impérialistes. On se croirait aujourd'hui !


Au gré de 24 chapitres et de près de 900 pages, il explique les guerres, les rituels de paix, les stratégies, les luttes locales, en passant par l'opposition entre la France et la Grande-Bretagne, pilier de ces années-là, la question nordique, l'empire Ottoman, les Amériques, la Chine, etc.


Le récit est agrémenté de citations et de dialogues savoureux, tel cet échange entre l'amiral Sir John Jervis commandant une escadre de 15 navires, et ses capitaines découvrant une immense flotte espagnole venant à leur encontre, et sortant du brouillard :

"- Il y a 8 navires de ligne Sir John,
- Fort bien monsieur,
- Il y en a 20 Sir John,
- Fort bien monsieur,
- Il y en a 25 Sir John,
- Fort bien monsieur,
- Il y en a 27 Sir John !
- Assez, monsieur, il suffit : les dés sont jetés, et s'ils sont 50, je passerai au milieu d'eux."

Et c'est ce qu'il fit. Jervis coupa la ligne espagnole en deux et ses équipages, plus aguerris et mieux commandés, surclassèrent leurs ennemis.


Cette tactique est d'ailleurs celle que Napoléon va utiliser lui-même sur les champs de bataille « marcher divisé et combattre uni » pouvant résumer l'origine de ses plus fameuses victoires. Elles seront finalement déployées par ses opposants pour le mener à sa perte à Waterloo.


Comme il est impossible de résumer ce livre tellement il est riche, je fournirai une illustration sur un sujet qui m'a toujours surpris sans en connaître exactement la source. La chute de l'empire portugais. Alors qu'il avait conquis d'immenses territoires au cours des siècles passés, s'étendant des Amériques, à l'Afrique et à l'Asie, ce pays a été rétrogradé en une génération. Alexander MIKABERIDZE apporte son interprétation de ce phénomène. Il le lie aux actions de Napoléon au cours de l'année 1807, son alliance avec les Espagnols et son invasion du Portugal. le pays fut vidé de sa richesse, celle des personnes comme celle de l'Etat, de la plupart de ses dirigeants et de quasiment toute sa puissance maritime, le départ de la Cour royale qui resta 13 ans au Brésil, aboutissant à ce qu'une maison royale régnante européenne s'établisse entièrement dans ses colonies d'outre-mer. le monde transatlantique bascula ainsi d'Europe en Amérique.


Le lien entre ce passé ancien et l'actualité la plus dangereuse de notre époque concerne la Russie. Alexander MIKABERIDZE explique comment la vision de la société en Russie diffère de celle héritée des lumières et de la révolution française. le monde slave voit la société comme une entité historique qui se déploie au fil des siècles, immuable dans ses valeurs essentielles. Alors qu'en occident, nous appréhendons la société comme une accumulation d'individus respectant des valeurs communes. Ce qui a pour conséquence que la Russie tente de se protéger de l'occident par l'invasion et la mise en place d'un glacis aux marches de son empire, qu'elle n'aura de cesse de vouloir développer. Toute allusion à ce qui est en train de se jouer en Ukraine actuellement n'est pas infondée.


Au début du 19ème siècle, cette stratégie, couplée aux poussées napoléoniennes, conduisirent les Russes à grignoter l'empire Ottoman, rongé à ses marges notamment par les iraniens, alliés occasionnels des français, puis des anglais. le vide laissé par les Ottomans dans la péninsule arabique permit alors la prise de pouvoirs par les wahabites, alors que la Géorgie était envahie par les russes.


Un ministre russe affirmait ceci en 1802 : « dans son étendue actuelle, la Russie n'a plus besoin de s'agrandir, il n'y a pas de voisins plus dociles que les Turcs et la sauvegarde de notre ennemi naturel devrait être à l'avenir la base de notre politique ». Que ces paroles raisonnent clairement aujourd'hui si l'on veut comprendre un tout petit peu les relations géopolitiques dans le Caucase.


Le livre se clos sur la fin de Napoléon BONAPARTE, l'Ile d'Elbe, les 100 jours et l'exil de Sainte Hélène, où ce grand personnage forgea sa légende qui évolua rapidement en un mythe puissant, celui d'un Empereur bienveillant, dirigeant national populaire et fort.


Les derniers mots seront ceux De CHATEAUBRIAND « le monde appartient à BONAPARTE ; ce que le ravageur n'avait pu achever de conquérir, sa renommée l'usurpe. Vivant, il a manqué le monde, mort il le possède ».
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2021 sera l'année Napoléon (15 août 1769 – 5 mai 1821). « Les guerres napoléoniennes, une histoire globale » est paru en novembre 2020. Et, comme le dit Thierry Lentz, Directeur de la Fondation Napoléon « Personne ne pourra comprendre cette époque sans avoir lu cet ouvrage. » le propos de ce pavé de plus de 1000 pages est de démontrer comment et pourquoi les guerres napoléoniennes et ceux qui les ont conduites ont influé sur le cours de l'histoire dans le monde entier.

Né en 1978 en Géorgie, l'auteur enseigne l'histoire européenne à l'université de l'Etat de Louisiane. On ne peut donc le taxer de chauvinisme. Cependant, il ne cache pas sa fascination pour le personnage, ses qualités d'homme de guerre, d'administrateur, de fin manoeuvrier, ses erreurs et son entêtement aussi … Autre point fort : la place prépondérante de l'Angleterre et de son empire colonial dans le monde du XIXème siècle.

C'est l'Assemblée législative qui vote la déclaration de guerre à l'Autriche en avril 1792, premier acte d'une conflagration de 23 ans qui va engloutir tous les pays européens et s'étendre outre-mer jusqu'aux Amériques, aux Antilles, à l'Afrique et jusqu'en Asie. Les guerres déclenchées par la France démontrent l'échec du projet de conciliation des idéaux républicains avec le colonialisme et l'expansion territoriale : nous mesurons mal aujourd'hui combien la France révolutionnaire, après sa victoire contre la 1ère Coalition (il y en aura 7 en tout) envisageait la poursuite de son expansion à travers ses militaires opportunistes, la conviction idéologique et les avantages économiques encourageant leur comportement agressif.

Dans le processus révolutionnaire, les guerres jouent un rôle crucial : les journées les plus sanglantes sont toutes des réactions à des affaires étrangères. Elles ont produit aussi une génération nouvelle de chefs militaires qui se sont illustrés au combat et non désignés par la naissance, pressés de jouer un rôle politique. le gouvernement civil, dépassé par les problèmes économiques hérités de l'Ancien régime, s'en remet aux militaires pour conserver son pouvoir. Bonaparte est l'homme de la situation.

George III d'Angleterre considère que les idées révolutionnaires finiraient par « détruire toute religion, loi et subordination, sans la moindre inclination – après cette destruction – à bâtir quoi que ce soit. » En 1802, la paix d'Amiens signe la fin des guerres révolutionnaires et consacre la suprématie de l'Angleterre sur les mers et la supériorité de la France sur le continent. La trêve durera 420 jours. La troisième Coalition voit le triomphe de Napoléon (Iena, Austerlitz, Friedland) qui domine l'Europe. Avec le blocus continental, il tente de résoudre l'impasse militaire par des moyens économiques.

Et c'est là que réside l'intérêt de ce livre : l'approche économique des guerres et leur impact sur les pays même lointains, la décision funeste d'envahir l'Espagne et le Portugal et l'explosion de leurs empires coloniaux, la lutte pour les bases de ravitaillement des flottes (Malte, le cap, Ceylan, Maurice ...), la guerre de course, la conquête de l'Inde par la Compagnie anglaise, l'entrée en guerre de la Russie et son désir de s'implanter dans les Balkans aux dépens de l'empire ottoman. le blocus continental, sorte d'auto-embargo destiné à étouffer le commerce extérieur anglais et promouvoir l'industrie intérieure européenne ne durera pas assez longtemps pour produire ses effets. Il provoque en revanche crise économique et retard technologique tandis que les profits dégagés par l'Angleterre sont investis dans sa révolution industrielle naissante.

En 1811, Napoléon a 42 ans, son empire est à son apogée, la France compte 130 départements mais plus aucune colonie outre-mer. En 1814, après la retraite de Russie, la Sixième Coalition a pour objectif de le détrôner. Les quatre Grandes puissances - Angleterre, Russie, Autriche et Prusse - se réservent la reconstruction de l'Europe et proposent que la France en revienne à ses frontières de 1792. Une étonnante clémence vis-à-vis de la France. Puis il y aura les Cent jours et Waterloo. Tout sera réglé au Congrès de Vienne. Mais la France sera de nouveau gouvernée par les Bourbons.

Les pertes humaines sont considérables dans le monde entier (en Europe, environ 4 millions de personnes (dont 1,5 million de français, en grande partie de maladies, entre 1792 et 1815, soit 2,5% de la population), l'Europe est dévastée, des catastrophes climatiques provoquent des famines, une période de crise économique durable suit la levée du blocus continental qui conduit à des accords bilatéraux et à des barrières douanières.

De l'Amérique à l'Extrême-Orient, les guerres napoléoniennes ont eu des répercussions politiques, culturelles et militaires sur tous les continents, bouleversant l'histoire et redessinant la carte du monde.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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