AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de caro64


" Ce livre parle des gens qui travaillent pour gagner leur vie, les gens qui se salissent et ne seront jamais propres. […] Pour toi, ce sont des personnages, pour moi c'est la famille, ceux avec qui j'ai grandi". Ainsi, en s'adressant directement à nous, lecteurs, le narrateur, T-Bird, va nous raconter sa vie. Et, il ne nous ménage pas ! Ses paroles sont remplies de haine et de rage. Autant vous dire que c'est un texte noir, très noir. Voilà un livre coup de poing, un livre dont on ne sort pas indemne.

Nous sommes en été, il fait 40°. T-Bird Murphy vit reclus dans un garage miteux au milieu de nulle part dans le Missouri mais il vient d'Oakland, en Californie. Comment a-t-il fini là ? Il ne le révélera pas. "Je ne peux pas le dire" dit-il. de là, il écrit un bouquin dans lequel il nous livre quelques épisodes de son existence révoltée contre une société qui l'exclut. Il parle de lui, de sa famille et de l'environnement totalement " White trash" (déchet blanc) dans lequel il a vécu. Il décrit des soirées abondamment arrosées, commente la vie de quelques-uns de ses amis, évoque ses petits boulots, la pauvreté, les contrastes sociaux, l'alcoolisme, les déviances sexuelles et aussi la forte solidarité qui existe entre les gars de son quartier. Sur un fond de musique des bas-fonds (passionné par la trompette, le jazz, il a été musicien…), T-Bird déverse ses souvenirs et noie dans le whisky l'amertume que lui inspire une société consumériste, rongée par l'image, par le désir de pouvoir et la soif inépuisable de l'argent.

Eric Miles Williamson ne livre pas seulement des flash-back, il livre un roman passionnant. La forme est un bel exercice de style, mais c'est aussi une manière pour l'auteur de mettre en relief l'humanité du narrateur. le lecteur a le sentiment d'être le dépositaire d'un message, de même qu'il participe activement à l'humanisation du personnage qui prend véritablement corps sous ses yeux. Personnage atypique à l'intérieur duquel se côtoient et s'affrontent faiblesses et forces, T-Bird percute son lecteur avec son parler mordant. Eric Miles Williamson évite soigneusement tout pathos et tout manichéisme, son Amérique n'est jamais réduite à une dualité simpliste où ne régneraient que le noir et le blanc. Pour autant, son roman n'est pas non plus gris, au contraire. Sa vision du monde, tout du moins de son entourage, se compose d'une multitude de métissages. Ni complaisant ni provocateur, n'ayant en aucune manière le projet d'offenser, l'auteur ne semble rechercher que la sincérité. C'est sans doute la raison pour laquelle on éprouve tant de justesse en découvrant sous sa plume la ville d'Oakland. Et quelle plume ! Trempée dans le vitriol mais poétique et musicale, elle nous emporte dès les premières pages et ne nous lâche plus. Un roman d'une incroyable puissance. Un roman que je conseille à tous ceux qui apprécient de voir la vérité en face et qui refusent d'être dorlotés par un livre.
Commenter  J’apprécie          253



Ont apprécié cette critique (24)voir plus




{* *}