Julio Orgaz est éditeur et à ce titre il vit plus ou moins de l'imaginaire des autres. Pourtant son imaginaire à lui est en panne, il lui joue même des tours. C'est pourquoi il a commencé une psychanalyse auprès de Carlos Rodo, analyste renommé. Après chaque séance, il va se promener dans un parc à proximité et c'est là qu'il rencontre Laura à laquelle il s'attache de plus en plus. Incidemment il parle d'elle à son analyste, incidemment encore il parle de son analyste à Laura....
Raconté comme ça, ça ressemble à un vaudeville. Mais ici le ton n'est pas à la plaisanterie. A sait tout sur B et C. B sait que A va chez C. C croit ne rien savoir, mais est-ce tout à fait exact ?
Ecrit par un romancier espagnol assez célèbre dans son pays, ce roman recèle de bonnes idées, peut-être pas complètement abouties. Un auteur à suivre en tout cas.
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Voilà pour quoi j'ambitionne d'écrire un roman où s'articuleraient, formant un seul corps, ce qui arrive et ce qui n'arrive pas. La difficulté, ce serai d'exprimer ce qui m'échappe, et de l'exprimer sans avoir besoin de le connaître.
"J'ai déjà un bon début : imaginons le personnage principal, un homme mûr, qui un jour commence à entendre inopinément L'Internationale. Et cela le conduit, comme moi, jusqu'au divan d'un psychanalyste. Et du divan du psychanalyste il se retrouve dans les bras d'une femme rencontrée dans un parc. et cette femme n'est pas celle qu'on croit. Et le personnage...
Soudain il se sentit fort. Il remarqua que son état fébrile décuplait cette puissance, car un écrivain, un bon écrivain, doit posséder jeune faille, une fissure, une faiblesse qui remette en cause son triomphe.
Ma folie présumée ne m'a pourtant pas empêché de réussir dans la vie, si l'on estime que la réussite se résume à cela : obtenir un salaire suffisant, un pouvoir suffisant, une autonomie personnelle suffisante...
Mais peut-être que réussir c'était écrire, c'était d'abord écrire. Ecrire un livre nourri de mon savoir et de mes ignorances.
Etre écrivain, c'est un problème de tempérament ; l'écrivain le plus pur est celui qui n'écrit pas une seule ligne de toute sa vie : il vaut mieux ne pas courir le risque d'un échec là où on joue le plus gros.
On ne peut pas écrire et vivre en même temps, être écrivain et personnage de roman.
Payot - Marque Page - Juan-José Millas - Une vie qui n'était pas la sienne