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Une famille ordinaire américaine, les Keller, après la Seconde guerre mondiale. Ils avaient deux fils, tous deux partis combattre, et l'un d'eux, Tom, a disparu pendant le conflit. Bien que Chris, le fils survivant, et Joe, le père, soient persuadés de la mort de Tom, la mère, Kate, s'obstine à attendre son retour. Et l'on apprend que Chris va épouser Anne, l'ancienne fiancée de Tom - tous deux sont tombés amoureux. J'ai très vite songé au film Still walking de Kore-eda, qui démarre sur des bases assez identiques, et dont le noeud est la mort du fils aîné et ses conséquences sur la famille. Mais rien de tel ici, parce qu'avant d'être un drame familial, Ils étaient tous mes fils est un drame profondément social.

Petit à petit, il s'avère que quelque chose couve depuis des années au sein de cette famille. L'acte I dévoilera, par petites touches, que Joe Keller, qui dirigeait une usine d'armement avec son associé (le père d'Anne), fut accusé pendant la guerre d'avoir laissé passer des culasses défectueuses qui, tenues pour parfaitement exploitables, furent montées sur des avions et causèrent la mort de vingt-deux pilotes. Joe, acquitté au détriment de son associé, qu'on a envoyé en prison, raconte la chose de façon plutôt légère : il a été injustement accusé, le père d'Anne a cherché à lui faire porter le chapeau, on l'a conspué, mais il n'en veut à personne et tout est rentré dans l'ordre. Sauf qu'à la toute fin de l'acte, le frère d'Anne, avocat, annonce qu'il vient se joindre à la petite réunion familiale... C'est donc à l'acte II, plus court mais plus intense, que va se démêler l'écheveau : Joe est le véritable responsable de l'escroquerie des culasses. Et l'acte III, encore plus court, trouvera sa conclusion dramatique, mais inévitable.

Arthur Miller avait précisé à propos de cette pièce que, si elle portait un message en termes de moralité, il ne s'agissait pas ici de bien ou de mal. Ce qui est pointé du doigt, ce sont les compromis moraux que chacun fait plus ou moins avec ses propres principes - et dans le cas de Joe Keller, c'est plutôt plus que moins -, les mensonges que l'on se raconte pour justifier ces compromis, et la volonté d'en profiter en toute impunité, sous prétexte qu'on veut gagner de l'argent pour sa famille, par exemple ; qu'y a t-il, ma foi, de mal à ça ? Joe Keller n'envisage pas un instant de subir les conséquences de ses actes. Pourtant, les conséquences sont là et bien là, sous ses yeux (et il n'a pas fini d'en découvrir les douloureux méandres) : le père d'Anne est en prison à sa place et des pilotes sont morts. Et puis il y a Anne, qui n'a jamais voulu croire à l'innocence de son père, Chris, qui a toujours cru les yeux fermés à la moralité du sien, et Kate, la mère, qui pressent toute cette malhonnêteté et qui cherche à protéger la famille avant tout, ne supportant pas la désagrégation de toutes ses valeurs, niant tout ce qui la dérange et l'empêcherait de vivre. Mais au-delà, il y a cette société américaine qui s'est enrichie avec la guerre, cette société de consommation qui met le profit par-dessus tout et pousse ses citoyens à faire fi des valeurs d'honnêteté et autres broutilles - chacun portant une part de responsabilité dans cette absence de moralité indécente, mais tellement courante qu'elle est devenue une habitude, voire une règle de vie.

On a beaucoup parlé d'Ibsen à propos du théâtre de Miller, et lui-même s'en est expliqué (en disant que c'était tout à la fois vrai et faux) : dans Ils étaient tous mes fils, la construction de la pièce ressemble effectivement assez à celle d'Une maison de poupée, par exemple. Lorsque débute la pièce, tout est déjà lancé, le drame est déjà joué, et ce qu'il reste à voir, c'est la façon dont les personnages en souffrance vont se tirer d'une situation quasiment inextricable. le langage, les personnages, le cadre ordinaires vont de plus plonger le lecteur directement dans une intrigue qui va rapidement leur sembler familière, et dont les tenants et les aboutissants, s'ils ne leur sont pas donnés d'emblée, vont leur apparaître, effrayants, dans toute leur essence.

Miller, dramaturge engagé ? Oui, sans aucun doute, et c'est tant mieux.


Challenge Théâtre 2017-2018
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Parue aux USA en 1947 et disponible en français depuis le 2 février dernier, "Ils étaient tous mes fils" est une pièce en 3 actes de l'écrivain et dramaturge américain Arthur Miller, auteur notamment de "Mort d'un commis voyageur", "Les Sorcières de Salem" ou encore de "Les Misfits".

Assis à lire les petites annonces dans son jardin, Joe Keller voit débarquer son fils Chris qui lui annonce l'arrivée imminente d'Annie, la jeune femme qu'il a l'intention de demander en mariage.
Devant la surprise de son père, Chris tente de le convaincre de lui témoigner son soutien au moment où il annoncera la nouvelle à sa mère.
Il faut dire que Kate Keller aurait certainement des raisons de s'opposer à ce mariage compte tenu du fait qu'Annie était auparavant fiancée à Larry, son autre fils disparu durant la guerre et dont elle n'a jamais accepté de reconnaître la mort.
Alors que les messes basses vont bon train, la petite famille reçoit la visite impromptue de George, le frère d'Annie qui est bien décidé à confondre Joe dans une affaire de joints de culasse défectueux vendus durant la guerre.
Se pourrait-il que la justice ait mis à tort son père derrière les barreaux en lieu et place de Joe, son ancien associé ?

Bien que je connaissais Arthur Miller de nom et de par son mariage avec Marilyn Monroe, je ne l'avais encore jamais lu.
C'est maintenant chose faite et je ne regrette absolument pas le voyage dans cette Amérique d'après guerre aux valeurs douteuses !
J'ai été soufflée par la capacité de l'auteur à évoquer tant de sujets en si peu de pages et par la seule force du dialogue.
Au centre de la pièce (et du débat) se trouve Joe Keller, un homme pressenti comme pragmatique, préférant les petites annonces aux informations et qui, au motif de faire le bonheur et la fierté de ses enfants, semble substituer l'argent à toute valeur morale.
Sa femme Kate, qui occupe le rôle de "Maman", se fait la complice tourmentée de son mari, l'accompagnant dans ce souci de sauver les apparences, de protéger sa famille en dépit des circonstances tandis que son mari et son fils tâchent de préserver ses nerfs.
Bien que dépourvue de lucidité quand il s'agit d'évoquer son fils disparu, cette maman poule se montre plus clairvoyante qu'elle n'y paraît.
Leur fils Chris aspire à vouloir mener une vie à contre-courant tout en restant l'obligé de son père. Avec Anne et George, il incarne la naïveté et la jeunesse trahie par les secrets du monde adulte.
Tous les personnages de ce huis-clos assument parfaitement leurs penchants naturels, à commencer par Joe Keller qui tirera une énorme leçon de ses actes passés mais pas de la meilleure manière qui soit car ce sera encore une fois son individualisme, la conscience d'avoir perdu ses biens les plus précieux, qui lui fera mesurer toute l'ampleur d'une décision qu'il pensait être la bonne.

Les secrets de famille prennent ici une tournure dramatique. L'admiration des enfants pour leurs aînés vole en éclats et l'on entend d'ici Arthur Miller ironiser sur les profits tirés de la guerre et le beau modèle d'honnêteté transmis à la nouvelle génération.
Même si j'ai senti le vent venir au fil de cette tension croissante, je me suis demandée sur quelle leçon Miller ferait tomber le rideau.
La conclusion s'avère pour le moins amère dans ces dernières lignes qui voient rapidement se succéder le déni de responsabilité, la prise de conscience mal placée et finalement la lâcheté tandis qu'il se murmure que quand la justice des hommes fait mal son boulot, une autre s'en charge.

Autant vous dire que je compte bien découvrir d'autres oeuvres d'Arthur Miller !
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Ils étaient tous mes fils d'Arthur Miller est un classique qui perdure en raison de la force de sa tragédie et de la pertinence de ses thèmes aujourd'hui encore. Arthur Miller nous met en face d'une confrontation entre les secrets du passé et les révélations présentes.
On est là dans un théâtre américain, proche de celui de Tennessee Williams, un théâtre de huis clos familial – ou de ce qui ressemble à une cellule familiale – héritier des norvégiens Henrik Ibsen ou Bjørnstjerne Bjørnson. Nous sommes dans une tragédie encore capable d'émouvoir les spectateurs modernes. 

Ils étaient tous mes fils nous contraint à évaluer nos vies et les valeurs que nous prônons par rapport à nos choix et à nos décisions, une vie que Jim résume parfaitement:
«On en arrive toujours à un compromis. Franck a raison dans un sens : tout homme a son étoile. L'étoile de son intégrité morale. Et toute sa vie, il essaie de s'y accrocher. Une fois qu'elle est éteinte, elle ne se rallume plus.»

Ce sérieux extrême du texte n'empêche pas quelques répliques succulentes, ainsi le médecin Jim, qui s'adresse à Madame Keller, tout en allant embrasser sa femme:
«Quel métier que celui de mari de la femme d'un médecin» Ou cette même Madame Keller, dans le deuxième acte, «Dis donc, toi... Je n'ai pas besoin d'un lévrier pour avoir du chien...»

Un très beau texte pour une pièce qui à chaque mise en scène trouve de nouveaux éclairages.
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Ils étaient tous mes fils est une pièce de théâtre en trois actes du dramaturge américain Arthur Miller (La mort d'un commis voyageur, Les Sorcières de Salem) et écrit en 1947.

L'action de la pièce se situe dans l'après-guerre, elle met en scène les Keller, la famille américaine typique d'une banlieue prospère mais profondément marquée par la disparition au combat de leur fils Tommy.
Kate, la mère, reste convaincue que son fils n'est pas mort, dans le déni total, c'est devenu pour elle une obsession et elle ne tolère pas qu'on s'oppose à cette idée. Chris, le fils cadet, est celui sur qui le père Joe a reporté toutes ses ambitions sociales. Mais Chris, amoureux de Annie l'ancienne fiancée de Tommy, compte bien profiter de sa venue chez eux pour annoncer à ses parents leur intention de se marier. Joe lui est un self-made man, fier patron d'une usine où il a grimpé tous les échelons.
Mais voilà, la réussite de Joe est basée sur un crime. Vingt deux pilotes américains se sont écrasés au cours de leurs missions à cause de culasses défectueuses tout droit sorties de l'usine de Joe. Et c'est l'ex-partenaire de Joe, le père d'Annie, qui est emprisonné accusé par lâcheté par Joe.
La pièce se déroule sur une seule chaude journée d'été qui sera bouleversée par les révélations de George, le frère d'Annie, obligeant chacun à faire face à son passé et à ses responsabilités présentes.

À l'instar de la plupart de ses oeuvres, Arthur Miller expose ici «la tragédie de l'homme ordinaire», le revers du rêve américain, la face cachée du capitalisme et de la réussite sociale.
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Reflet du climat social et économique de l'après-guerre, Ils étaient tous mes fils possède déjà tous les ingrédients qui feront la réussite des pièces ultérieures d'Arthur Miller.

Derrière la banalité quotidienne d'une famille américaine typique, le dramaturge nous fait entrevoir la tragédie.

La pièce se déroule sur quelques jours, dans une petite ville américaine, peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans un cadre unique : la cour de la maison de la famille Keller.

Le quotidien presque paisible dans lequel vivait cette famille se trouve bouleversé par la venue de deux personnes surgies de leur passé. Il en découle un retour en arrière qui conduit peu à peu à un dénouement inattendu et pour le moins dramatique.

Ecrite en 1946, représentée pour la première fois en 1947 aux Etats-Unis et dès 1949 en France, cette pièce permet à Arthur Miller d'aborder la thématique du deuil avec le fils porté disparu à la guerre mais aussi et surtout les questions d'argent et de culpabilité qui sont au centre de ce drame.

Comment accepter que le monde n'est pas parfait et que certains hommes feraient tout pour de l'argent et pour leur famille ? Y compris envoyer à une mort certaine des aviateurs pour cause de pièces défectueuses.

Arhtur Miller nous invite à nous interroger sur la nature humaine et ses faiblesses, et rappelle que chaque décision a des conséquences, ici, réellement dramatiques.

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Le théâtre américain d'après-guerre (celui entre autres de Tennessee Williams, d'Edward Albee et d'Arthur Miller) inventa une morale , gorgée de mélancolie, remarquable dans son ensemble. Pourtant All my sons est certainement la pièce que j'apprécie le plus, qui mêle intrigue familiale, mensonge de guerre, faiblesse humaine et manifestation quasi-divine avec plus de finesse que nulle autre à mon sens. L'auteur y peint un homme d'apparence respectable, assuré et rassurant, mais profondément tiraillé entre ses sentiments (son égoïsme, son patriotisme, l'amour qu'il porte à ses enfants, etc.), qui le poussèrent à agir comme il jugea le meilleur et à faire des choix difficiles sinon impossibles. Ayant à vivre avec sa propre conscience, cherchant à se rassurer lui-même et à oublier, il sera finalement jugé et condamné par ceux-là même qu'il aime plus que tout au monde et pour lesquels il fit ce qu'il fit.
Le théâtre de Miller met en scène des individus dépassés par un mouvement auquel ils appartiennent (la guerre, la chasse aux sorcières, la société), qui les poussent à prendre des décisions insensées, mais tellement humaines qu'on les retrouve tout au long de notre histoire et même dans chaque famille… Tout le monde a tort, tout le monde a raison dans un monde tragique : agir dans l'intérêt de ses enfants est noble et respectable, mais qui sont nos enfants? ne sommes nous pas tous frères et soeurs, et les enfants des autres ne sont-ils pas un peu les nôtres aussi?
Je conseille l'édition de Methuen World Classics : Arthur Miller PLAYS : ONE (Avec : Death of a salesman, The crucible, A memory of two mondays, A view from the bridge, ainsi qu'une passionnante introduction par Arthur Miller lui-même).
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J'avais quitté d'une déception immense cet Arthur Miller qui eut la bassesse de publier Les Misfits que je lus comme un récit et non comme le support scénaristique d'un film que la critique juge encore souvent culte, mais dont je n'ai pas vu une seule minute. Après Mort d'un commis voyageur qui resta longtemps pour moi un chef d'oeuvre de sensibilité (j'y vis trop tard, et à dire vrai tout récemment, le défaut essentiel qui consiste en cette morale convenue faisant injustement de Willy une sorte de traître indigne et saccageur d'une bonne famille américaine, pauvre être esseulé, au fond, à qui on attribue tous les torts par facilité et conformisme chrétien), et après Les Sorcières de Salem dont la dénonciation des superstitions imbéciles me plut assez sans toutefois me ravir, j'étais venu aux Misfits peut-être avec trop d'admiration et d'espoirs : je n'avais pas anticipé que cet ouvrage n'était à peu près qu'un prétexte à recycler une épouse envahissante et sans activité ou, du moins, à lui offrir un rôle cinématographique plus ample que ce qu'elle avait incarné jusqu'alors. Ce compromis conjugal, d'un point de vue strictement littéraire, donna lieu à un échec cuisant qui me paraît exactement le fruit d'une paresse et des facilités narratives les plus honteuses. Ce livre est un vide stylistique et émotionnel, à mon sens. Inutile même d'en reparler : je ne le mentionne que pour démontrer, puisqu'il m'a fallu plus de deux ans pour revenir à Arthur Miller, que je ne pardonne pas les insuffisances délibérées des écrivains, je veux parler de ces fautes qui les incitent, par penchant vers la simplicité et par goût de popularité, à commettre et à publier sans vergogne des excréments tout à fait nouveaux et manifestement hors de leur patte ordinaire, du moins en-deçà évidemment de leurs capacités.
Ils étaient tous mes fils, théâtre, raconte le retour au domicile parental de Chris Keller, qui nourrit le projet d'épouser Anne, l'ex-fiancée de son frère Tom porté disparu dans les combats aériens de la Seconde Guerre mondiale. Kate, la mère de Chris, qui ne parvient pas à se figurer l'aîné mort et à faire son deuil, attend désespérément son retour, et voit d'un mauvais oeil ce projet de Chris qu'elle considère une trahison. le père, Joe Keller, industriel prospère et pragmatique qui désire avant tout le bien de sa famille, tire avec lui une mauvaise réputation, celle d'avoir vendu à l'armée américaine des culasses défaillantes pour chasseurs, affaire pour laquelle il a été relaxé et un autre homme, le père d'Anne travaillant alors avec lui comme associé, reconnu coupable et mis en prison.
Cette pièce est convenable, en dépit d'une intrigue très simple et d'une composition un peu élémentaire voire académique. La plongée s'opère dans un quartier de banlieue, avec ses dialogues ordinaires et drôles, voisinage, amitiés. Une chape dès le début pèse sur les Keller, à cause notamment de la mère qui nourrit des espoirs insensés et s'obstine aveuglément contre l'évidence de la mort de Tom : on devine les luttes à venir de Chris pour faire accepter son bonheur, et l'arrivée prochaine de George, frère d'Anne devenu avocat, après s'être longtemps entretenu avec son père encore détenu, annonce une crise imminente où l'on suppose que Joe sera violemment mis en cause. Cette tension tacite, palpable et riche en délicatesses, est ce qui constitue le propre de la tragédie, dont la résolution épineuse suscite le suspense. le lecteur entre dans cette situation non sans passion, bien que son appétit littéraire, s'il me ressemble, puisse s'en trouver un peu insatisfait ou frustré.
Car c'est un travail un peu scolaire, à mon goût, que nous livre ici Miller, sans génie ni grandeur, sans audace ni inattendu. Il est vrai que cette histoire préfigure beaucoup les thèmes de Mort d'un commis voyageur, et qu'en comparaison elle apparaît pauvre, notamment parce que sa construction n'est pas aussi ingénieuse ni ses enjeux aussi profonds : il ne faudrait pas avoir lu celle-ci après l'autre, mais est-ce qu'on choisit toujours ? C'est un peu vainement, aussi, qu'on doit chercher des répliques pathétiques ou dont l'expression atteindrait à quelque sommet artistique, et l'on se sent quelquefois patauger dans ce quotidien américain parmi une situation figée dont on devine sans trop de mal les conséquences. Les ressorts dramatiques manquent de finesse selon moi, même les personnages, pourtant relativement attachants, sont des types un peu convenus entre le fils plein d'illusions et d'amour, la mère obstinément névrosée et le père empli de clichés de virilité sur la nécessité première de la réussite notamment financière. C'est, je crois, ce qui m'importune, en fin de compte, avec Arthur Miller : ses créatures qui évoluent dans des milieux sclérosés d'usages et de préjugés, mais le dramaturge lui-même ne parvient pas à cacher qu'il adhère en partie à ces valeurs controuvées : il croit, en particulier, à toutes ces vanités de propreté américaine, à tous ces scrupules judéo-chrétiens où un amour uniforme doit représenter le fondement des rapports entre individus et souder les familles ; ce Miller-là n'est pas un homme profond, en dépit même des poursuites qu'il dut subir de Mac Carthy à cause de ses affinités communistes. C'est un être d'épreuve sans aucun doute, mais ce n'est pas un être qui trouva à élire des moyens extraordinaires contre ces épreuves : il a fourbi ses armes, selon moi et pour ainsi dire, au râtelier des sentiments conventionnels. En vérité et quoi que les critiques diront, il faut que ses personnages évoluent sans jamais mettre fondamentalement en perspective leur système de valeur, ce ne sont que des nuances et des pratiques qui provoquent en eux des dilemmes, jamais des renversements et des actes initiateurs. Les dénouements, aussi terribles soient-ils, viennent toujours de ce que des individus ont fini par admettre la nécessité de leur abnégation, et c'est poisseux comme tout, à mon avis. le théâtre de Miller, à ce que j'en ai lu, manque de grandes figures braves, le « bon » n'y est incarné que par des gentils et des mièvres, des objecteurs de conscience, il ne s'agit que de sympathiques pour spectateurs en perpétuelle quête de confirmation et non de révolution ou d'édification : on n'apprend rien avec Miller, on n'est pas transfiguré, comme en ces films où l'on est ému pour la seule raison qu'on se croit représenté à l'écran. C'est un défaut de philosophie, et de pensée, et de détachement, et de grandeur, quand on croit disserter de valeurs, de n'avoir jamais fondamentalement réfléchi à ce dont on parle : on se contente alors sans trop s'en apercevoir de suivre une routine, et l'on ne distingue pas qu'une autre routine au fond, comme l'anticommunisme ou l'antisémisme, est justement la nature même ce que l'on combat.
À quelques intuitions près, comme dans l'extrait suivant, mais qui ne durent guère et où l'on envisage, mais en l'effleurant juste, une autre voie morale et d'épanouissement possible, Arthur Miller est probablement l'heureux dramaturge des bienheureux qui n'aspirent, sans le savoir, qu'à être rassurés avec émotions – ce qui n'est, je ne sais pas, peut-être déjà pas si mal.
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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Une très belle découverte que ce dramaturge. Ses dialogues maîtrisés révèlent sa technique de la langue américaine ainsi que sa posture dans les années 40 et 50. "Ils étaient tous mes fils" est une pièce de théâtre écrite en 1947. Dans la maison familiale, se réunissent les parents Joe et Kate Keller ainsi que leur fils cadet. le fils aîné, pilote durant la seconde guerre mondiale a disparu depuis plusieurs années. Il est mort en mission. Pourtant, sa mère attend son retour. le frère cadet, Chris décide d'épouser la fiancée de son frère. Anne les rejoint puis le frère d'Anne, avocat qui est opposé à ce mariage.
Un drame est à l'origine de ce retour liant les deux familles. Joe a menti ce qui a coûté la vie à plusieurs pilotes. La culpabilité ronge les dialogues.
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La carlingue tourbillonne dans le ciel, en chute libre, comme une toupie. Dedans, il y a un homme, un soldat, un fils, un frère, un fiancé. Il s'appelait Tommy. Il aurait dû revenir, épouser Annie, embrasser sa mère, reprendre l'entreprise de son père et finir sa vie heureux, mais il en a été autrement.

Son père fournissait les pièces d'avion à l'armée américaine. Une famille de patriotes. Pourtant, il y a un traître. 22 culasses défectueuses. Mais qu'est-ce qu'il aurait pu faire ? C'était son entreprise, sa vie, son gagne pain, leur revenu à tous. C'était leur rôle à ces techniciens de se rendre compte de la bévue. Et puis l'accident. 22 soldats tombés.

Et sa femme comme une ennemie, à plus parler avec un mort qu'avec les vivants autour d'elle, à refuser d'admettre la fin, à culpabiliser Annie de ne plus l'attendre et Chris de voler la fiancée de son frère.

Chris, soldat, revenu de là-bas, complexé de ce retour, complexé de cette fortune qui l'attend et pour laquelle il n'a rien fait. Il doit travailler avec son père. le père Keller a tout construit pour cela. Des années de travail pour avoir quelque chose à transmettre, mais Chris ne comprend pas. « Je sais que tu n'es pas pire que les autres. Mais je te croyais meilleur. Pour moi, tu n'étais pas un homme, tu étais mon père« .

Il en faut du talent pour exprimer autant en si peu de mots. Magnifique pièce d'Arthur Miller qui nous plonge dans l'Amérique des héros pour l'égratigner un peu plus chaque scène. Il y a une étoile en moins sur le drapeau ce soir.
Lien : https://desruesetdeslivres.w..
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Cette pièce de théâtre traite de thèmes profonds tels que la responsabilité de ses actes, la moralité et les conséquences de l'action humaine.

Joe Keller, un homme d'affaires prospère, a fabriqué des pièces défectueuses pour l'armée pendant la guerre, ce qui a entraîné la mort de soldats américains. le conflit moral qui en découle est le point central de la pièce. Joe Keller représente un côté sombre de l'entrepreneuriat et de l'ambition, où le profit est placé au-dessus de la vie humaine.

Une méditation sur les choix moraux et éthiques auxquels les individus sont confrontés, et comment ces choix affectent les familles et la société dans son ensemble.
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