Ce qui est "terrible" lorsqu'on entend aujourd'hui l'expression "chasse aux sorcières", c'est qu'on pense immédiatement à cette rhétorique vidée de son sens initial par des Trump ou des
Marine le Pen pour lesquels
L Histoire peut être revisitée, manipulée, dévoyée et récupérée à leur profit.
La pièce de théâtre d'
A. Miller suscite suffisamment de frustration, d'indignation et d'exaspération face à l'ignorance crasse, à la mauvaise foi, au mensonge, à la malhonnêteté, à l'hypocrisie, à la bêtise et au fanatisme, que lorsqu'on voit ces instillateurs de haine se transformer en victimes à partir des mêmes procédés, des mêmes ingrédients qui envoyèrent naguère à la potence, sur la chaise électrique ou poussèrent des innocents au suicide, on se sent plus mal encore, parce que le mal est toujours là mais qu'il a su s'adapter au cerveau de certains humains contemporains imprégnés d'un "puritanisme" moderne aux allures de réseaux dits sociaux, de fake news, de théories complotistes, nouveaux totems d'une nouvelle religion.
Il n'est qu'à penser aux QAnon pour s'en convaincre.
Salem dans le Massachusetts fut en 1692 le théâtre (la vie n'est que ça...) d'une chasse aux sorcières historique, qui fit 19 victimes innocentes, innocence qui fut reconnue quelques années plus tard. Les malheureuses furent réhabilitées... mais on ne put pas leur rendre la vie.
C'est cet évènement historique qui a inspiré au dramaturge sa célèbre pièce, écrite en 1953 ( date de ma naissance... mais là, pour le coup, ça n'a rien à voir avec le sujet... juste une digression auto-dérisoire...)... en plein maccarthysme, époque de terreur américaine connue sous le nom de " Peur rouge " et justement qualifiée de chasse aux sorcières.
A. Miller et ses amis en furent victimes, et ne pas lire et comprendre sa pièce sous ce prisme ( mais pas uniquement ) est, à mon sens, une mésinterprétation.
Le révérend Parris, homme cupide, tout entier voué à Mammon, surprend sa fille Betty, sa très belle nièce Abigaïl et d'autres jeunes filles dansant nues le soir dans les bois accompagnées de Tituba la servante noire du révérend.
S'ensuit pour Betty une crise "cataleptique" qui va, par l'opportunisme et la manipulation d'Abigaïl se transformer en hystérie collective et en règlements de compte en tous genres.
Car Abigaïl, jeune et belle femme peu farouche, a été la servante de
John Proctor, un fermier, et de sa femme Elisabeth.
John n'a pas pu résister aux charmes de la belle Abigaïl. Les amants surpris par l'épouse, la jeune maîtresse est renvoyée.
Amoureuse, orgueilleuse et revancharde, Abigaïl saisit l'occasion qui se présente pour, aidée par de jeunes filles "pures" et sous son emprise, convaincre "l'inquisition et ses juges" que
Salem est devenue l'antre du Diable.
Usant de tous les subterfuges dont elle dispose, elle va profiter de la superstition ambiante, de l'ignorance des uns, de la faiblesse des autres, du fanatisme des gens de pouvoir et de leurs lois, pour dénoncer ... des innocentes.
L'engrenage est en marche. Rien, sinon la potence, ne pourra l'arrêter.
Je ne veux pas en dire plus ; le décor est posé, à vous de lire la pièce !
Ce qui fait que de telles oeuvres sont "grandes" ou moins... ou pas, c'est qu'en plus du fond, elles véhiculent des personnages qui ont du corps, de la consistance, de l'épaisseur... bref, une présence. Et en l'occurrence, dans - Les sorcières de
Salem -, c'est plus que le cas.
En dehors des protagonistes déjà cités, j'ai une véritable tendresse pour Gilles Corey ( je l'adore ! ), pour Rebecca Nurse ( une très très belle personne ), une sympathie empreinte d'amertume pour le révérend
John Hale, et une farouche détestation pour Danforth.
La pièce se lit facilement. Quand vous êtes dedans, vous ne la lâchez plus.
Elle est vivante, actuelle, frustrante ( je l'ai déjà dit ), passionnante et fort émouvante.
Elle nous parle, nous interpelle et nous met en garde.
Une oeuvre qui, dans le contexte actuel, n'a jamais été aussi nécessaire, voire salutaire ( ? ).