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Critique de karmax211


Retour au théâtre. Et pas avec n'importe quelle pièce. - Mort d'un commis voyageur - est devenue un classique du genre parce qu'au moment où le public l'a découverte, elle était... comme a pu l'être le roman de Steinbeck - Les raisins de la colère -, le constat glaçant d'une société où l'homme n'est qu'un instrument, voire un serviteur éphémère de Mammon, dont on se débarrasse lorsqu'on le juge hors d'usage, lorsque l'âge, la maladie ont entamé ce qui le rendait utile : sa soumission d'esclave à la productivité, à la rentabilité, au Veau d'Or.
Comme le chante Eddy Mitchell, Willy, commis voyageur depuis plus de trente ans sur les routes de province... n'aurait pas dû rentrer ce soir où il a eu un accident de voiture, enjambant un parapet... chutant dans un cours d'eau à sec. Il n'aurait pas dû rentrer après chacun des autres accidents qui se sont succédé. Car Willy, 63 ans, marié à Linda, père de deux grands enfants Biff et Happy, est au bout du rouleau. Sa femme le sait, elle qui a découvert un tuyau près de la chaudière, un tuyau dont Willy a fait un autre instrument pour une autre tentative de suicide qu'elle craint proche.
Elle en informe ses deux enfants, anachroniquement des Tanguy, des ratés, des paumés, lesquels en dépit de leurs failles, et pour Biff d'un trauma lié à un évènement dans son adolescence avec son père, vont essayer de l'aider à reprendre goût à la vie, dans un projet insensé, voué d'emblée à l'échec, mais auquel toute la famille va se raccrocher comme à la dernière bouée crevée d'un naufrage annoncé.
C'est l'occasion pour Arthur Miller de dénoncer les travers, les hypocrisies, les mensonges, le miroir aux alouettes du " rêve américain" et de son mode de vie hanté par des Chimères.
Car la famille Loman vit au milieu de ces chimères, y croit et les alimente, au prix d'un véritable amour floué entre ce père, cette mère et leurs deux enfants, qui ne peuvent que tricher, car l'illusion ne tolère pas la vérité, l'illusion ne consent qu'à vous accompagner qu'à l'unique condition que vous acceptiez de composer avec la vérité, de la sacrifier pour des non-dits, pour des mots insincères, pour le mensonge.
Et cet amour travesti par le jeu de dupes auquel l'ordre social vous convie sans vous laisser le choix, va mener ces êtres privés de défenses, dans l'incapacité de se révolter contre ce qu'ils ne peuvent empêcher, au drame sacrificiel et absurde.
La pièce n'a pas pris une ride et demeure plus que jamais d'actualité.
Sa langue est d'aujourd'hui ; elle est simple, vraie, authentique... sans effets, sans fard.
Ses personnages sont contemporains.
Son architecture n'est pas à réinventer... sa conception originelle est épatante.
Et plus que tout, cette pièce a une charge d'émotion qui ne cesse d'interpeller.
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