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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Willy Loman est un commis voyageur de la fin des années quarante, qui doit avoir autour de la cinquantaine et a toujours cru au mensonge du rêve américain. Il a voulu acheter une tranquille petite maison pour sa famille - sa femme Linda, son fils aîné Biff, qui ne vit plus avec eux, et Happy, le cadet. La petite maison tranquille s'est retrouvée emmurée dans un ensemble d'immeubles, et le rêve américain s'est mué en cauchemar. Malgré tout, Willy Loman fait encore semblant d'y croire, alors qu'il gagne à peine sa vie, se traînant de ville en ville, son chiffre d 'affaires baissant chaque année davantage. Il reporte ses espoirs sur ses fils : Biff, rétif aux projets illusoires de son père et maintenant d'assez mauvaises relations avec lui, revenu pour un temps sous le toit familial, et Happy, qui lui, croit encore pouvoir "réussir". Linda a compris depuis longtemps que son mari n'était pas un bon commercial, que les fins de mois seront toujours difficiles, et elle écoute ses rodomontades sans illusions, mais avec tendresse, se rendant compte à quel point son mari est malheureux (ce qui échappe aux deux fils), mais ne pouvant pas grand-chose pour lui. Willy se referme sur lui, refuse la plupart du temps d'avouer sa détresse, se mure dans une dignité factice et inutile. On ne saura jamais ce qu'il vend ; lorsqu'on posait la question à Miller, celui-ci répondait que Willy Loman se vendait lui-même.

C'est une pièce âpre, amère, terriblement réaliste. Une pièce politique, bien entendu, puisqu'Arthur Miller dénonçait ici, en 1949, comme il l'a souvent fait, les dégâts du capitalisme et des illusions que le gouvernement américain vendait à sa classe moyenne et à ses citoyens en général ; illusions qui sont toujours d'actualité, aux États-Unis et presque partout dans le monde, à travers l'invention du concept du fameux ascenseur social, dont on voit aujourd'hui qu'il fonctionne plus que jamais à vide. Willy Loman, comme tant d'autres, a cru toute sa vie qu'il fallait gagner de l'argent, que là était le Graal. Or, non seulement il passe à côté de sa vie, mais il ne sait même pas comment gagner de l'argent. C'est un homme déphasé, qui ne correspond pas à l'image qu'on lui a toujours renvoyé de l'Américain idéal, celui qui doit gagner de l'argent pour l'argent - et qui est pourtant le fruit de la société de consommation et de l'idéologie capitaliste et libérale - une idéologie qui se révèle chez Miller, une fois de plus, destructrice.

C'est une pièce aussi terriblement efficace, dès le titre qui annonce la fin du drame. Une pièce en deux actes, où Willy Loman se raccroche encore, dans une première partie, à ses rêves qu'il sait pourtant perdus à jamais ; et où l'instabilité mentale s'installe peu à peu, dans une seconde partie, Willy se raccrochant alors à son passé, parlant tout haut et seul, ou du moins avec des personnages issus de sa mémoire, invisibles à ses proches mais visibles du lecteur/spectateur. Tennessee Williams ayant influencé Miller et Albee, j'imagine que la scénographie de la ménagerie de verre n'est peut-être pas pour rien dans ces flash-back, le côté un peu kitsch en moins. C'est que chez dans Mort d'un commis voyageur, on va droit au but, et que si on voyage dans la mémoire de Willy Loman, le ton reste d'un réalisme acerbe : pas de chichis dans les dialogues, ni dans la construction des personnages. Ibsen n'est encore pas très loin, en ce sens que dès le début de la pièce, la situation dramatique est déjà à l'oeuvre depuis longtemps, et que ce sont les réactions et les choix de Willy Loman qui vont constituer l'argument de la pièce ; le pire étant que Willy Loman, qui dira valoir plus cher mort que vif, va transmettre l'idéologie qui va le tuer à son plus jeune fils.

Il paraît qu'il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires... M'est avis qu'il faudrait également plus d'Arthur Miller en ce bas-monde.


Challenge Théâtre 2017-2018
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La mort du rêve américain avant l'heure vu que cette pièce de théâtre a été écrite en 1949. Miller le visionnaire!

Sublime de bout en bout.

Les récompenses littéraires ne sont pas toujours le gage d'oeuvres à graver dans le marbre, mais ici, ce prix Pulitzer (théâtre) de 1949 n'est pas usurpé.
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Relecture de cette pièce magistrale, totale. Une maîtrise parfaite du début à la fin. Ça déborde de génie. On ne peut que vouloir le même niveau pour les prochaines lectures..
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La pièce "Mort d'un commis voyageur" est incontestablement un monument du théâtre américain.
Arthur Miller y décrit les conséquences ordinaires des grandes mutations imposées par l'emballement du capitalisme dans l'Amérique des années 1940. Il met en scène Willy Loman, un voyageur de commerce reconnu pour ses compétences professionnelles qui se retrouve rétrogradé en bas de l'échelle quand ses patrons jugent qu'il n'est plus assez rentable. Il se débat contre l'irrémédiable mais sa réalité familiale et personnelle est mise à mal.
J'ai beaucoup aimé ce texte parce qu'il traite de l'amour filiale et du rêve de réussite sociale dans la jungle de la vie américaine. C'est surtout une critique du "Dream come true" sans concession.
Dès que j'en ai l'occasion, je vais voir la pièce au théâtre et je regarde le film avec Dustin Hoffman.

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Que la fin de la pièce est poignante!
Au-delà de la critique acérée du rêve américain, je retiens aussi la description d'une famille qui cherche à rester soudée et qui n'y arrive pas. Linda ne s'est plus comment réconforter son mari Willy. Ses grands enfants, Biff et Happy, n'ont pas réussi à s'insérer. Sans doute trop bercés dans leur jeunesse par les rêves de réussite du père, ils doivent se rendre à l'évidence qu'ils ont raté leur vie au crible du mode de vie américain idéalisé. L'un traumatisé au pire moment par la découverte d'un secret de son père, l'autre visiblement trop volage. Ensemble, ils peinent à communiquer avec lui et sont pris dans les éternels arrangements avec la vérité, dans les petits mensonges pour embellir la morne réalité.
Ce commis voyageur en fin de carrière n'en peut plus mais il garde une fierté inutile qui ne lui permettra pas de se raccrocher à la moindre bouée.
Cette descente aux enfers est vraiment bouleversante. L'émotion est bien présente lors de la lecture de cette pièce car les didascalies sont nombreuses et efficaces dans leur suggestion.
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