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Henri Fluchère (Préfacier, etc.)Paul Rivert (Traducteur)
EAN : 9782070362615
448 pages
Gallimard (27/11/1972)
3.72/5   620 notes
Résumé :
"Ceci n'est pas un livre... C'est une insulte sans fin, un crachat à la face de l'art, un coup de pied aux fesses de Dieu, à la Destinée, l'Amour, la Beauté..."
En quelques phrases, Henry Miller a tout dit. Écrit à Paris, Tropique du Cancer défie toutes les lois sages de la littérature. L'œuvre, autobiographique, se veut autant un exercice de libération que d'affirmation de soi de l'écrivain, qui s'y livre tout entier, au fil de ses années vécues en France, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (38) Voir plus Ajouter une critique
3,72

sur 620 notes
Ah Henry Miller ! Il y a 6 mois je ne connaissais pas cet auteur et je viens maintenant de terminer le deuxième ouvrage issu de sa plume. Comment j'en suis arrivé là ? Une collègue (prof de français, elle a quand même un moment dans sa vie posé ses fesses dans une fac de lettre) me l'a conseillé. Elle m'a dit, textuellement « tu aimes Zola ? Alors, tu aimeras Miller »

Ce postulat posé, je dois vous avouer que je n'ai vu aucun rapport entre ces deux auteurs. Si je devais classer Miller, je le ferais parmi les inclassables justement ! "Tropique du Cancer" n'est pas vraiment un roman… encore que. Ce n'est pas non plus à proprement parler un essai philosophique… encore que. Ce n'est pas 100 % autobiographique… encore que.

Dans cet ouvrage, Miller nous parle de ses années en France principalement à Paris. Ses errances, ses galères, son rapport à la femme (qui en dehors de son véritable amour dont il parle peu consiste à « lever des poules » et fréquenter des prostituées… souvent payées par ses potes, car il n'a pas les moyens), sa vision du monde, ses beuveries, ses petits boulots… Il s'avère être un personnage adorable (et il aurait sûrement haï qu'on dise cela de lui) et détestable à la fois. Il peut être un odieux con misogyne, et une personne empreinte d'une profonde humanité.

Il donne l'impression de s'en foutre de tout, rien ne compte, rien n'est grave. du moment qu'il trouve à manger tout va bien, et il sait y faire ! Il sait être copain avec les bonnes personnes qui vont le régaler, il nous livre ses petits trucs pour « taper » les copains. Quand c'est son tour d'avoir de l'argent en poche, il régale. le lendemain ? Connaît pas !

Soyons honnêtes, le lire est parfois ardu. de premier abord cela peut même être rebutant. J'ai d'ailleurs préféré "Tropique du Cancer" à "Tropique du Capricorne". Réponse de ma collègue (encore elle !) : « c'est parce qu'entre-temps tu t'es habitué au style ».

Parlons-en de son style ! Quelle plume ! Quelle écriture ! On dirait qu'il écrit sans effort (et c'est ce qu'il veut nous faire croire), que les mots arrivent comme ça, directement de ses pensées au papier. C'est parfois fouillis, parfois dense, mais c'est chaque fois magnifique !
Quand vous fermez du Miller, vous ressentirez diverses sensations : de la fierté d'être arrivé au bout, de la frustration de n'être pas sûr d'avoir tout compris, du soulagement et l'envie de lire quelque chose de plus simple doublé d'une furieuse envie de relire du Miller parce qu'à mon sens, une fois que l'on a découvert ce style, on a envie d'en reprendre une bonne tranche.

Henry Miller c'est un peu comme de la picole : on sait qu'on risque d'avoir mal au crâne, mais bon Dieu quelle euphorie quand on est plongé dedans !
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Il faut le suivre Henry Miller, dans ses pérégrinations, ses errances, dans ses réflexions personnelles, dans ces délires et ses hallucinations. Il a un regard acerbe ce correcteur orthographique, cet écrivain en recherche d'un sens à tout ce chaos de la vie Parisienne de la fin des années vingt. Entre des rues de la capitale, il oscille entre rêve et réalité, entre la faim tenace qui ne le quitte jamais et la quête de conquêtes monnayables.
La nécessite de la survie le traine de toute part, les rencontres sont inévitables, les personnages improbables; sont ils des artistes où sont-ils tous juste fous (haha!)?

La lecture est déroutante, elle demande un lâché prise, mais quelle écriture! Il m'a fallut quelques dizaines de pages pour le comprendre, sans cela mon aventure avec Henry Miller se serait arrêtée là. Il faut juste se laisser porter et accepter de ne pas tout saisir dans le flux qui semble sortir de lui comme un intarissable ruissellement. Il est probable que de nombreux passages soient bruts, non retravaillés, ce qui donne en partie à l'ouvrage le charme de la pensée instantanée, de la parole sans la censure. L'effort en vaut la chandelle.
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Tropique du Cancer appartient à cette catégorie de livre dont je connaissais tout à fait le nom et la renommée... mais pas du tout le sujet ! Au vu du titre, et parce que je pense que je savais aussi qu'il s'agissait d'un auteur américain, je m'imaginais confusément un récit à la Conrad, sur une île tropicale remplie de moustiques...

Pour ceux qui en seraient au même niveau que moi à l'époque, n'attendez pas trop d'exotisme ici, si ce n'est celui d'un Américain à Paris. Ce que nous offre Miller, c'est une autobiographie volontairement choquante, mélange assez jouissif, patchwork qui vous fait passer par tous les sentiments. Il reste choquant à notre époque, surtout finalement par une misogynie assumée qui devait sembler beaucoup plus naturelle à l'époque. A son époque, c'est plutôt certaines scènes sexuelles décrites de façon très crues qui ont pu justifier des actions en justice pour obscénité à sa sortie aux Etats-Unis, en 1961.... plus de 25 ans après sa sortie en France pourtant.

Le grand talent de l'auteur se révèle notamment dans des envolées surréalistes oniriques où des pépites surgissent du fouillis habituel de ce genre. Des passages philosophico-désabusés sur l'humanité, le rôle des artistes, la religion sont extraordinairement profonds. L'alternance avec des scènes du quotidien d'artistes débauchés à Paris, ressemblant parfois aux personnages d'un certain Steinbeck dans son Tortilla Flat par exemple. Ils sont le plus souvent pitoyables avec les airs de grandeur qu'ils cherchent à se donner dans leur misère ou leurs débauches.

Quand on commence sa lecture, on se dit d'abord "Mais où donc suis-je tombé ?". L'auteur semble rechercher un lecteur courageux, persévérant, et il ne lui offre réellement le coeur de son récit qu'après avoir tenté de le perdre dans ses élucubrations. Mais j'ai eu l'étrange impression que la profondeur du propos n'était possible que grâce à une certaine futilité de l'enrobage. Les transitions entre les sujets sont subtiles et certaines constructions stylistiques sont tout simplement géniales. A titre d'exemple, l'auteur ironise d'abord sur les concerts de musique classique, lieu parfait de l'ennui mondain, auto-torture que s'imposent des gens qui n'y comprennent rien... avant de faire s'envoler ses phrases avec la musique quand il est lui-même transporté, comme à son corps défendant.

Le livre regorge de moments comme celui-là, comme une montagne russe littéraire, où les descentes ne sont grisantes que parce que les montées auront été d'autant plus lentes et raides.Le voyage que propose Miller ne conviendra sans doute pas à tout le monde, mais j'y ai trouvé ce que je viens régulièrement chercher en littérature: l'étonnement, le trouble et l'admiration devant le talent.
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Je commence par une introduction frappante de l'oeuvre par l'auteur, qui en dit long sur ce qui nous attend

"Je n'ai pas d'argent, pas de ressources, pas d'espérances. Je suis le plus heureux des hommes au monde. Il y a un an, il y a six mois, je pensais que j'étais un artiste. Je n'y pense plus, je suis! Tout ce qui était littérature s'est détaché de moi. Plus de livres à écrire, Dieu merci! Et celui-là alors? Ce n'est pas un livre. C'est un libelle, c'est de la diffamation, de la calomnie. Ce n'est pas un livre au sens ordinaire du mot. Non! C'est une insulte démesurée, un crachat à la face de l'Art, un coup de pied dans le cul de Dieu, à l'Homme, au Destin, au Temps, à la Beauté, à l'Amour! ... à ce que vous voudrez. Je m'en vais chanter pour vous, chanter en détonnant un peu peut-être, mais chanter. Je chanterai pendant que vous crèverez, je danserai sur votre ignoble cadavre..." Henry Miller

Un mot sur l'auteur ne sera pas de trop non plus pour comprendre ce roman totalement hors norme, façonné de pensées décousues d'un homme anticonformiste, complètement révolté et atypique, voir inclassable.
Henry Miller est un romancier américain né en 1891 à New-York. Il s'est éteint le 7 juin 1980 en Californie. Ses oeuvres sont largement autobiographiques, dont le style cru et choquant a suscité une série de controverses dans une Amérique puritaine. La jeunesse de Miller est marquée par l'errance; enchainement de petits boulots, brèves études. En 1924, il abandonne tout et décide de se consacrer à la littérature.

En 1928, délaissant femme et enfant, il se rend en Europe et s'installe en France jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Il vit misérablement, dort dans la rue, lutte contre le froid et la faim. Mais comme il le dit sur plusieurs supports que j'ai parcourus, c'est comme cela qu'il se sent heureux et surtout libre.

Ce roman "Tropique du Cancer", publié en 1934, entraînera aux Etats-Unis des procès pour obscénité, selon les lois contre la pornographie en vigueur à l'époque. En 1964, la Cour Suprême casse le jugement de la Cour d'Etat en affirmant la valeur littéraire de l'oeuvre de Miller. Ce choix de l'auteur de lutter contre le puritanisme fit beaucoup pour libérer les tabous sexuels dans la littérature américaine, à la fois d'un point de vue moral, social et légal. Il continuera à écrire des romans, tous censurés aux Etats-Unis pour obscénité.

Mon avis sur cette oeuvre

Un conseil de lecteur, il faut s'accrocher! Approcher et aborder pour la première fois un roman d'Henry Miller demande à mon sens un peu de concentration et une largeur d'esprit malléable. Si vous voulez faire connaissance avec l'une de ses oeuvres, mettez de côté votre esprit cartésien et oubliez votre caractère rationnel! Je m'y suis lancé car je voulais absolument approcher ce classique de littérature dite étonnante et fascinante. Ce "roman" sans style précis est totalement impossible à classer, à définir. L'auteur nous emmène dans son antre malsain, dur et choquant. Henry Miller enchaîne les mots, avec adresse, mais sans réellement suivre un fil rouge. Une série de mots, de phrases, de paragraphes pour exprimer son quotidien dans un Paris qu'il découvre. Henry Miller s'est lancé le défit de ne rien corriger, ne rien supprimer et de laisser couler sa plume. C'est remarquablement difficile à suivre.

Le narrateur - l'auteur - débarque à Paris en laissant derrière lui sa vie américaine. Sans le sou, d'une chambre d'hôtel à une autre, Henry Miller nous dévoile de quelle manière il gère son quotidien dans la capitale française, tout en nous livrant sa façon de voir le monde. Il vivra au dépend des autres, profitant de la charité des amis qu'il rencontre, sans pour autant être envahissant. C'est un peu sa façon de voir les choses, vivre au jour le jour. Si quelqu'un veut bien l'aider à pouvoir manger, avoir un endroit où dormir ou à obtenir un peu d'argent, tant mieux, le cas échéant, il se débrouillera autrement. Il trouvera quelques petits boulots pour gagner un peu d'argent, afin de pouvoir se taper des "grues" et se remplir un peu la panse.

Des prostituées... Henry Miller nous parle de ces femmes de joie à profusion! Celle qui fait son travail remarquablement, sans état d'âme, en passant par celle qui bosse avec trop de sentiments, trop de tendresse - et mon Dieu que ça gâche tout pour lui! Henry Miller peut nous parler du vagin d'une prostituée en remplissant plus de dix pages de son roman! Descriptions, précisions, analyses... Franchement, lorsque je lis un bouquin j'attends autre chose qu'une description d'un organe génital... Et pourtant, je dois dire que son roman tourne beaucoup autour de ce sujet, trop à mon goût. A en attraper "la chaude-pisse", comme presque tous les personnages de ce livre. Si le lecteur suit les réflexions et le parcours de l'auteur dans la capital, il découvrira un Paris malsain et pervers. Comme les femmes décrites dans ce roman - des tas de viande - et pas que les "grues"...

Pour apprécier ce roman, il faut que le lecteur garde les passages qu'il a aimés et oublie le reste. Pour ma part, j'ai rapidement laissé une bonne partie de l'oeuvre derrière moi pour la simple et bonne raison que je n'ai rien compris! Et je soupçonne Henry Miller de n'avoir lui-même pas tout à fait saisi ce qu'il voulait parfois nous dire. J'exagère un peu bien entendu, mais est-ce qu'il n'a tout simplement pas réussi à faire passer son message? Henry Miller part subitement - sans nous prévenir! - dans des délires hors du commun. Des pensées profondes, des réflexions complexes sur le monde qu'il perçoit d'une manière pessimiste, remplies de métaphores et d'analogies. On perd le fil, obligatoirement, pas possible autrement. L'expression "sauter du coq à l'âne" prend toute sa valeur dans ce livre. Henry Miller nous décrit une scène, une rencontre, et tout à coup, il nous kidnappe et nous emmène dans son imagination, ses rêveries les plus saugrenues, les plus abracadabrantes et loufoques. Un personnage complexe, dur à cerner, déroutant. Il se qualifie lui-même d'inhumain. Et oui, rester humain c'est passer à côté de beaucoup de choses. Je vous laisse méditer et comprendre comme vous voulez.

Si j'ai aimé? Je crois bien que non. J'ai apprécié les rencontres de Miller, sa façon de nous les présenter. Les dialogues. J'ai aimé certains personnages, ces hommes et ces femmes qui vivent dans un Paris complètement différent qu'aujourd'hui. J'ai aimé son style d'écriture, bien que sybillin, lorsqu'il ne nous attire pas dans ses délires excentriques. Mais j'ai détesté ces trop nombreuses ruptures abstraites - poétiques? - qui à mon sens donnent un aspect très négatif de l'oeuvre. Je n'ai pas aimé ces parties de jambes en l'air, décrites d'une manière répugnante, abjecte et méprisable. Un chef-d'oeuvre? Pas à mes yeux, désolé.
Lien : http://passion-romans.over-b..
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Je ne m'attendais pas à un tel déferlement littéraire avec ce livre, qui charrie tant de choses dans son flot furieux. En revanche je pensais évidemment lire beaucoup de scènes scabreuses, puisque c'est le cliché qui entoure les livres d'Henry Miller. Mais la puissance de ce texte va bien au-delà des scènes très crues, qui lui ont pourtant valu de ne pas pouvoir être publié avant les années 1960 alors qu'il avait été écrit en 1934. Ce roman total, dans lequel les éléments autobiographiques sont présents mais réinventés, témoigne d'un très grand appétit de vivre contre les conventions de son époque.
Le Paris des années 1930 n'est guère enjolivé ! le narrateur, qui se veut écrivain, vit de travaux précaires, de débrouille et de parasitisme. Il trouve toujours un coin ou dormir et un ami compréhensif pour payer ses repas et surtout ses innombrables verres d'alcool. Mais le lecteur suspend son jugement tant la volonté de vivre du narrateur est grande et son refus de tout ce qui aliène définitif.
Les références littéraires sont nombreuses dans le texte (notamment Walt Whitman), qui souvent s'emballe et devient alors poème en prose. Je l'ai trouvé d'une étonnante fraîcheur. Mais n'est-ce-pas la marque des plus grandes oeuvres que de traverser le temps et de paraître avoir été écrites le jour même ?
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Si, à l'improviste et n'importe où, on se trouve face à face avec l'absolu, cette grande sympathie qui fait paraître divins des hommes comme Gautama et Jésus se glace et s'évanouit; ce qui est monstrueux ce n'est pas que les hommes aient fait pousser des roses sur ce tas de fumier, mais que, pour une raison ou pour une autre, ils aient besoin de roses. Pour une raison ou pour une autre, l'homme cherche le miracle, et pour l'accomplir, il pataugera dans le sang. Il se gorgera d'une débauche d'idées, il se réduira à n'être qu'une ombre, si, pour une seule seconde de sa vie, il peut fermer les yeux sur la hideur de la réalité. Il endure tout - disgrâce, humiliation, pauvreté, guerre, crime, ennui - croyant que demain quelque chose arrivera, un miracle ! qui rendra la vie tolérable. Et pendant tout ce temps un compteur tourne à l'intérieur, il n'est pas de main qui peut l'y atteindre et l'arrêter. Et pendant tout ce temps quelqu'un dévore le pain de la vie, et boit le vin, quelque sale grosse blatte de prêtre qui se cache dans la cave et l'ingurgite, tandis qu'en haut dans la lumière de la rue une hostie fantôme touche les lèvres et le sang est aussi pâle que l'eau. Et de ce tourment et de cette misère éternels ne sort aucun miracle, pas le moindre microscopique vertige de soulagement. Seules les idées, les idées pâles, amaigries qu'il faut engraisser par le massacre; idées qui sont dégorgées comme la bile, comme les tripes d'un cochon lorsqu'on éventre sa carcasse.
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Toute la difficulté avec Bessie, c'était qu'elle ne pouvait pas, ou ne voulait pas se considérer comme un simple coup à tirer. Elle parlait de passion, comme si c'était là un mot flambant neuf. elle était passionnée pour tout, même pour une chose sans importance, comme un petit coup à tirer. Il fallait qu'elle y mît son âme.
"Mais je suis passionné moi aussi, parfois",disait Van Norden.
"Ho! toi!" répond Bessie. "Tu n'es qu'un satyre épuisé. Tu ne sais pas ce que signifie la passion. Quand tu bandes, tu crois que tu es passionné."
"Bon!... Peut-être après tout ce n'est pas de la passion, mais tu ne peux pas être passionné sans bander, c'est vrai ou non?"
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Je suis un homme libre-- et j'ai besoin de ma liberté. J'ai besoin d'être seul. J'ai besoin de méditer ma honte et mon désespoir dans la retraite; j'ai besoin du soleil et du pavé des rues, sans compagnons, sans conversation, face à face avec moi-même, avec la musique de mon coeur pour toute compagnie... que voulez-vous de moi? Quand j'ai quelque chose à dire je l'imprime. Quand j'ai quelque chose à donner, je le donne. Votre curiosité qui fourre son nez partout me fait lever le coeur. Vos compliments m'humilient. Votre thé m'empoisonne. Je ne dois rien à personne. Je veux être responsable devant dieu seul ... s'il existe!
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Côte à côte avec la race humaine, coule une autre race d'individus, les inhumains, la race des artistes qui, aiguillonnés par des impulsions inconnues, prennent la masse amorphe de l'humanité et, par la fièvre et le ferment qu'ils lui infusent, changent cette pâte détrempée en pain et le pain en vin et le vin en chansons. De ce compost mort et de ces scories inertes ils font lever un chant qui contamine. Je vois cette autre race d'individus mettre l'univers à sac, tourner tout sens dessus dessous, leurs pieds toujours pataugeant dans le sang et les larmes, leurs mains toujours vides, toujours essayant de saisir, d'agripper l'au-delà, le dieu hors d'atteinte : massacrant tout à leur portée afin de calmer le monstre qui ronge leurs parties vitales. Je vois que lorsqu'ils s'arrachent les cheveux de l'effort de comprendre, de saisir l'à-jamais inaccessible, je vois que lorsqu'ils mugissent comme des bêtes affolées et qu'ils éventrent de leurs griffes et de leurs cornes, je vois que c'est bien ainsi, et qu'il n'y a pas d'autre voie. Un homme qui appartient à cette race doit se dresser sur les sommets, le charabia à la bouche, et se déchirer les entrailles. C'est bien et c'es juste, parce qu'il le faut! Et tout ce qui reste en dehors de ce spectacle effrayant, tout ce qui est moins terrifiant, moins épouvantable, moins fou, moins délirant, moins contaminant, n'est pas de l'art. Tout le reste est contrefaçon. Le reste est humain. Le reste appartient à la vie et à l'absence de vie.
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La même histoire partout. Si vous voulez du pain, il faut entrer sous le harnais, il faut marcher au pas de chaîne. Sur toute la terre s'étend un désert gris, un tapis d'acier et de ciment. Production ! Encore des écrous et des boulons, encore du fil de fer barbelé, encore des biscuits pour chiens, encore des faucheuses mécaniques pour pelouse, encore des roulements à billes, encore des explosifs à grande puissance, encore des tanks, des gaz asphyxiants, du savon, de la pâte dentifrice, des journaux, de l'éducation, des églises, des bibliothèques, des musées, encore, encore, encore ! En avant ! Le temps presse.
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Un roman envoûtant sur celle qui fût la muse de l'écrivain Henry Miller.
Au fin fond de l'Arizona, une femme affaiblie s'est réfugiée dans le ranch de son frère. À ses pieds, des malles contiennent les derniers souvenirs de son grand amour : le sulfureux écrivain Henry Miller. Après leur coup de foudre dans un dancing de Broadway, elle l'a encouragé à écrire, a été son épouse et l'a entretenu pour qu'il puisse donner naissance à son oeuvre. Elle s'appelle June Mansfield. Tour à tour entraîneuse, serveuse ou comédienne, June n'a eu de cesse de brouiller les pistes. Sous la plume de l'auteur de Tropique du Cancer et d'Anaïs Nin, avec qui elle a formé un célèbre triangle amoureux, elle est devenue un personnage de fiction, mais n'a jamais livré sa vérité. Emmanuelle de Boysson nous entraîne dans le New York de la Prohibition et le Paris des années 1930. Elle fait revivre cette personnalité fantasque, ô combien attachante, et recompose le puzzle d'une existence aux nombreuses zones d'ombre. https://calmann-levy.fr/livre/june-9782702185117
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