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2,76

sur 300 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La sexualité (avec la mort) est, au moins en occident, le principal tabou de nos sociétés. Nos contemporains préfèrent généralement parler alors soit d'amour soit d'érotisme, deux dimensions pouvant être voisines mais qui offrent aussi l'avantage de créer une certaine distanciation, confortable, vis-à-vis du strict jeu des corps. L'amour complète mais aussi idéalise la relation sexuelle alors que l'érotisme l'intellectualise tout en la rendant plus ludique. Dans les deux cas c'est plus acceptable pour la très grande majorité des individus/lecteurs. Ce livre, unique en son genre, est très dérangeant… et a beaucoup dérangé. Il suffit de lire les critiques pour ne pouvoir d'ailleurs en douter.
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Ce livre ne parle pas de la vie amoureuse de Catherine M et il n'a rien d'érotique. Je le trouve par ailleurs réellement passionnant et je vais tenter d'expliquer pourquoi.
- Ce livre offre un témoignage presque clinique sur un mode de vie assez peu courant (gang bang, échangisme, exhibitionnisme, partouzes parisiennes, types inhabituels de rapports physiques…). Nous en entendons parler, le percevons via les codes de la publicité, certains le fantasment et/ou le jugent mais bien peu l'ont, même un temps, pratiqué. Ici nous sommes placés en spectateurs et comme questionnés, sans l'abri somme toute confortable des sentiments ou d'une forme d'excitation. Ce peut être un voyage enrichissant.
- L'auteur est une intellectuelle connue et qui, en prime, sait écrire. Elle cherche et sait trouver les mots justes pour exprimer ce qu'elle ressent (ou ne ressent pas). Elle ne se limite pas ici, comme il le lui a été reproché, à des « faits bruts ». Ce livre est construit et crée du sens.
- Ajoutons que, en critique d'art contemporain, Catherine Millet sait aussi dire beaucoup en peu de mots ou d'images. La couverture est, à ce titre, assez fascinante. le regard, au moins masculin, va d'abord vers ce corps nu, vers les seins mis en évidence, devine la toison pubienne, note la posture à la fois offerte et non érotique… puis s'oriente vers un visage tourné vers nous mais distant. le regard est largement absent et l'expression générale non dénuée d'une forme de tristesse…. Nous sommes très loin, dans cette photo comme dans le livre, de la simple accumulation dénuée de sens de rapports sexuels, tout aussi éloignés d'un univers vide d'émotions. Simplement ces dernières ne s'offrent pas avec la même évidente simplicité que le corps. L'ensemble est beau, intriguant et mélancolique.
- Catherine Millet, qui a eu des rapports sexuels très inhabituellement nombreux et variés à partir de ses 18 ans, devra attendre le double pour se demander le sens profond pour elle de ces diverses pratiques, pour se questionner sur son plaisir personnel comme sur le lien entre sa sexualité et ses sentiments… et pour tenter de mieux gérer cette dimension pourtant essentielle de sa vie. À ce titre son second livre (« Jour de souffrance ») me semble incontournable pour qui s'intéresse à tout ce qui transcende le « pur physique ». Cette femme intelligente et sensible semble fréquemment d'une incroyable naïveté. le regard à la fois précis et détaché qu'elle porte alors sur ses relations sexuelles mais aussi sur sa perception intime de ces dernières est d'une grande aide pour tenter de la comprendre. Au-delà comment ne pas se questionner sur les parts d'ombres de la sexualité de chacun, sur le rapport aux autres, sur les vulnérabilités humaines ? En ce sens ce livre mène du très particulier à des questionnements potentiellement universels.

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Il ne faut certainement pas lire cet ouvrage si vous êtes dans le jugement moral, vous serez choqués, déçus… et passerez à côté du sujet. Catherine Millet n'a rien d'immoral, elle est en revanche absolument amorale quant à la « pure rencontre des corps ». Il ne faut pas plus chercher ici la moindre trace d'érotisme, bien au contraire, et cette lecture me semble plus de nature à glacer le désir qu'à émoustiller quiconque. Enfin, si vous êtes une féministe considérant que le respect des femmes doit passer par une conduite sexuelle « adaptée » Catherine Millet pourrait bien vous horrifier tant elle peut souvent sembler servir de jouet.
En revanche si vous avez le désir de porter un regard sociologique sur un certain univers parisien et/ou sur qui a des pratiques inhabituelles ce livre a ses qualités. Si vous souhaitez vous intéresser à un portrait particulier de femme, incluant une profonde complexité, si vous savez faire preuve d'empathie et, parfois, de compassion, vous ne devriez pas rester insensible à ce qui reste une des autobiographies les plus troublantes que j'ai eu l'occasion de lire. Je n'ai pu quitter cette lecture sans ressentir une émotion et une très profonde sympathie vis-à-vis de l'écrivain mais aussi de la femme, belle et touchante, multiple et singulière. Et cet ouvrage, si sincère, m'a aussi amené à réfléchir à cette dimension de ma vie, à chercher chez moi les points aveugles. Si une femme aussi intelligente et aventureuse a si durablement ignoré beaucoup de ses mobiles sexuels profonds et ses besoins réels dans ce domaine qu'en était-il de moi ? Et de vous ?
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La structuration de ce récit demeure l'une des plus abouties et assez avant-gardiste. Bien plus qu'un déballage, au delà du contenu, il y a surtout le contenant.. comme une soupe décomposée en partie sèches, bouillon, morceaux de petite taille.. plutôt que les soupes classiques , certes délicieuses, mais sans surprise...
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Courageuse catherine M ; de se mettre à nu devant toute la France .
J'ai donc aimé , cela m'a aussi rappelé des souvenirs de certaines nuits fauves ...
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