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Critique de Presence


Ce tome commence sur le schéma bien rodé d'un ABC warrior qui raconte un souvenir ayant trait à la guerre Volgan, un affrontement désespéré au cours duquel il rencontre le mystérieux Zippo. Steelhorn sort du lot pourtant fort hétérogène des ABC Warriors, à la fois de par son apparence (tête en diamant), mais aussi de par son histoire (avec repaire secret, comme un bon vieux superhéros).

Puis le lecteur découvre les actions d'un activiste contre le gouvernement martien en place, dont le principal mode de protestation consiste à inscrire des graffitis, dont certains à la gloire d'un mystérieux Kroll. le cours de récit revient alors au temps présent, à Marineris, sur Mars, dans le quartier de Mekana. Les êtres humains ont instauré une dictature qui impose le silence en public pour les citoyens. Les ABC Warriors sont venus pour délivrer l'un des leurs qui a été condamné à mort. Ils interviennent alors que la cérémonie d'exécution arrive à son terme.

Les 2 créateurs (Pat Mills pour le scénario, et Clint Langley pour les illustrations) avaient entraîné le lecteur dans un univers de science-fiction sans concession, avec une forme narrative un peu lourdaude dans les 2 premiers, compensée par l'amour des personnages que leur porte le scénariste, et les illustrations hallucinées. Avec ce troisième tome, le lecteur découvre que Pat Mills a trouvé son second souffle, et a assoupli son style. Pour commencer, Steelhorn diffère vraiment de ses acolytes : il dégage des relents de superhéroïsme (inattendu de la part de Mills qui hait les superhéros, cf. Marshal Law, en anglais) avec sa base secrète, ses actions pour défendre la veuve, l'orphelin et la patrie, et ses 2 boucliers à l'effigie d'un drapeau évoquant celui des États-Unis. En prime il comporte des éléments de science-fiction intrigante avec son cerveau imprimé dans un diamant, et son arme sortant de l'ordinaire. Ces caractéristiques permettent au lecteur de tout de suite éprouver une forte empathie pour le personnage et sa situation. Comme pour les autres, cette bataille est originale, et le suspense fonctionne du début jusqu'à la fin.

Avec le passage consacré au grapheur, le lecteur se sent revenir à la grande époque des histoires de Judge Dredd (pourtant écrites par Alan Grant et John Wagner, et non par Pat Mills) quand la BD anglaise comportait un commentaire social sur la soif de liberté de la jeunesse, et la norme oppressive imposée par la société. Ces pages se lisent toutes seules et font souffler un vent de rébellion irrésistible, ainsi qu'un humour vache qui tourne aussi en dérision les rebelles. Pat Mills est dans son élément et il ramène le spectre de la milice toute puissante dans un état totalitaire qui fait froid dans le dos, sans paraître un stéréotype usé et vieilli. Évidemment le sauvetage de l'ABC Warrior réchauffe le coeur, mais Mills frappe encore plus fort et dans encore un autre registre avec l'identité du meneur de la rébellion.

Clint Langley fait encore plus fort. Difficile à croire, impossible à imaginer, et pourtant il le fait. Dès la première pleine page de la vaste cuve de métal en fusion où va être plongé l'ABC Warrior, Langley propose une vision hallucinée de Marineris, avec un clone de Lemmy Kilmister en monsieur loyal. Chaque grue, chaque construction dispose d'une profusion de détails et de textures palpables, mais Langley a amélioré de manière spectaculaire la lisibilité de ses illustrations. Pour ce tome chaque case dispose d'un élément directeur qui ressort et qui guide le lecteur dans son approche du déchiffrage : Langley indique par où commencer, pour après se repaître de tous les détails toutes les nuances. Les plaques des robots portent toujours les marques des combats et de l'usure, ils sont toujours aussi inhumains et magnifiques. Ils ont également gagné en majesté, en présence.

La première double page consacrée à Steelhorn resplendit de son statut de héros. Il est le défenseur des opprimés, le sauveur, un vrai héros. Face à lui les robots ennemis fondent et se disloquent sous l'effet de son arme exceptionnelle et Langley donne tout ce qu'il a. La tête de Steelhorn revêt une apparence mécanique terrifiante, rendue encore plus étrange par le joyau. Sous les coups du marteau Vortex, les métaux se déchirent, se liquéfient, en révélant le squelette structurant ces machines de guerre. La scène est infernale, le spectacle est grandiose, les détails sont infinis, le spectacle est total et lisible. Langley déploie une créativité sans borne pour inventer des visuels magnifiques et innovants. Un robot est possédé par un virus, Langley illustre l'éradication du virus par des cases inoubliables, sans tomber dans le plagiat d'autres illustrateurs, ou dans le simplisme ; il magnifie vraiment le scénario.

Marineris se compose de grues géantes desquelles pendent des chaînes sans fin, Langley respecte scrupuleusement la constitution des grues réelles, tout en créant un enchevêtrement impossible de chaînes pour obtenir une vision fantasmagorique inoubliable. Volkhan offre à Mek-Quake la conduite d'un terra-former capable de détruire 500.000 tonnes de ville par jour. le lecteur découvre l'énorme engin de destruction dans une double page délirante, imposante, écrasante, terrifiante, géniale. Volkhan dispose de 12 disciples robotiques apprêtés pour la guerre : une double page hypnotisante d'autant de nouveaux robots mortels. Et l'apparence et l'expressivité de Kroll apporte une touche d'humour horrible de par la nature de ce personnage.

Ce tome est une apothéose narrative et visuelle : Pat Mills et Clint Langley ont franchi un nouveau palier de lisibilité, tant pour le scénario que pour les illustrations. L'effort qui était nécessaire précédemment ne l'est plus et les pages se dévorent facilement, pour mieux se savourer avec une relecture immédiate. Ces 2 créateurs d'exception ont conjuré des visions d'un autre monde dont l'intensité prend le lecteur à la gorge, sans pitié.
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