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Critique de Presence


Ce tome regroupe les 29 premiers épisodes de 3 ou 4 pages de la série, parus en 1979. C'est le premier tome de la série.

En 1916, Charley Bourne, un jeune homme de 16 ans, ment sur son âge et s'engage dans l'armée anglaise afin d'aller combattre pour son pays. Il est affecté en tant que trouffion (tommy) en France, dans les tranchées de la Somme. Il découvre la vie dans les tranchées, les bombardements, les tireurs d'élite, les sorties vers les lignes ennemies, les alertes au gaz, etc. La grande offensive de la bataille de la Somme se prépare. le premier juillet 1916, le commandement ordonne aux tommies de marcher vers les lignes allemandes qui viennent d'être pilonnées par des bombardements aériens. Une victoire rapide est assurée.

Dans la préface, Pat Mills (le scénariste) explique que son objectif avec cette série était de montrer la guerre de 1914-1918, sous un autre jour que celui de la bravoure au combat, de la testostérone en action, ou des hauts faits militaires. Il a donc choisi un personnage principal pas très futé, pas particulièrement costaud, mais quand même courageux. Il place Charley Bourne dans les tranchées peu de temps avant le début de l'offensive de la Somme et de la journée qui a occasionné les plus grandes pertes en vies humaines de soldats anglais en une journée, de l'histoire de leur armée.

Dès la troisième page, Charley Bourne est sur le champ de bataille, dès la quatrième il a rejoint son unité d'affectation et il est dans les tranchées. Pat Mills emploie une narration rapide qui permet d'avoir 1 à 3 scènes en 3 ou 4 pages, avec un développement significatif à chaque épisode, et parfois un suspense en fin de séquence. Il y a quelques bulles de pensées, et des cellules de courts textes explicatifs de ci, de là, ce qui correspond à une volonté de ne pas risquer de passage incompréhensible dans la mesure où ces bandes dessinées étaient destinées à un public de jeunes adolescents. Il insère des facsimilés de texte de cartes postales envoyées par Charley à ses parents ou à son frère, en insérant des fautes d'orthographes pour bien rendre compte de son faible niveau d'éducation. Enfin il développe le caractère et la personnalité d'une demi-douzaine de soldats avec lesquels Charley se lie d'amitié.

L'intégralité de la série est illustrée par Joe Colquhoun, en noir & blanc, avec de 6 à 10 cases par page. Cette bande dessinée anglaise est au format des albums cartonnés français. Ce dessinateur qui s'encre lui-même a effectué des recherches de références d'époque à la hauteur du travail effectué par Pat Mills. Il insère un niveau de détails important quelle que soit la scène concernée : explosion d'obus, corvée de patates, avancée en dehors des tranchées, déploiement d'une nappe de gaz, ou chevauchée de la cavalerie. Il donne un visage distinct à chaque soldat, avec des traits légèrement appuyés pour qu'ils soient aisément reconnaissables malgré leurs uniformes identiques. Colquhoun n'insiste pas sur les détails gore, mais ses dessins ne laissent pas de place au doute quant à l'horreur des différentes situations. Complètement au service du scénario, il prend grand soin d'éviter les cadrages ou les exagérations qui pourraient glorifier la violence ou rendre esthétiques les souffrances des soldats. Il utilise un encrage un peu appuyé qui combiné avec le niveau de détails induit une lecture plus posée de ses planches, le temps pour l'oeil d'assimiler chaque case. Il réussit à immerger le lecteur dans chaque endroit, sans provoquer de sensation de lassitude ou de répétition de passer d'une tranchée à une autre, ou d'un terrain parsemé de fils de fer barbelé à un autre.

Les premières pages de ce tome prennent gentiment le lecteur par la main pour l'emmener dans les tranchées, et lui faire vivre les séquences de combats plus ou moins actives (par exemple quand les tommies subissent les bombardements). La narration répète régulièrement certains éléments, du fait de la sérialisation initiale en courtes séquences. Toutefois, Pat Mills ne bascule jamais dans les dialogues explicatifs ou scolaires ; il garde un équilibre digeste entre l'exposition des pratiques et l'action. Petit à petit, le lecteur se prend de sympathie pour ces soldats très ordinaires, convaincus de leur devoir envers leur patrie, et respectueux de l'ordre établi et de la hiérarchie (même s'ils la critiquent de temps à autre). Mills ne verse ni dans le misérabilisme, ni dans le sensationnalisme, il reste plutôt factuel. Au fur et à mesure, il est impossible de résister à l'inanité des affrontements. le point de vue allemand est rarement donné (parfois sous forme caricaturale), mais Charley et les autres finissent par découvrir des soldats en face d'eux, aussi jeunes, aussi malhabiles, autant réduits à l'état de pions, voire de chair à canon qu'eux-mêmes. de temps à autres, il devient évident que le parti pris de Mills de rester au niveau du soldat se double de quelques commentaires sociaux bien sentis sur quelques gradés qui perçoivent cette guerre comme une sorte de sport intellectuel où les soldats sont autant de pions à déplacer, sans avoir à se soucier de leur survie. Quelques éléments glissés de ci de là rappellent au lecteur que les grands gagnants de cette guerre sont essentiellement les fabricants d'armement qui ont vu leur chiffre d'affaires s'envoler comme jamais.

Malgré quelques tics de narration un peu pédagogiques, "Charley's war" emmène le lecteur au niveau du soldat dans la guerre des tranchées de 1914-1918, aux cotés des soldats anglais. le travail de recherche de Pat Mills et de Joe Colquhoun ressort à chaque case, sans que le récit ne devienne un manuel d'histoire, ou une ode aux vaillants guerriers. Il y a là à la fois un travail de mémoire, et à la fois une évocation vivante sans être racoleuse ou romanesque de la condition de soldats à la merci des tirs ennemis et des stratégies hasardeuses d'un état major pas toujours très compétent. Les épreuves de Charley continuent dans "1er août 1916 - 17 octobre 1916".
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