Ce tome fait bien évidemment suite à Slaine, Tome 1 : Geste des invasions qu'il faut avoir lu avant.
Slaine n'est plus Haut Roi d'Irlande. Les Fomorians sont plus forts que jamais et ils sont alliés aux atlantes. L'avenir s'annonce très sombre. Avec une poignée de guerriers de sa tribu, Slaine se dirige vers Tara, la capitale, pour s'interposer devant les envahisseurs fomorians et atlantes. En chemin, il croise une escouade d'atlantes avec à leur tête Scota, la compagne de Gael.
Slaine finit par arriver à Tara où il est accueillie par les guerrières gardiennes du lièvre sacré de la déesse Danu. Slaine doit absolument aller parlementer avec elle pour s'assurer de sa collaboration dans le plan qu'il a conçu. le temps presse, car bientôt la cité est assiégée.
Le premier tome m'avait vraiment transporté dans un autre monde et il s'achevait sur une situation tendue qui ne m'a pas laissé d'autre choix que de lire la suite. Dès le début de ce tome, tous les clichés propres à ce type de récit (fougueux barbares découpant de l'envahisseur au kilomètre) agressent le lecteur. Et
Pat Mills se sert de chaque combat pour nous fourguer des dialogues épuisants entre opposants, comme si échanger des coups d'armes tranchantes n'accaparait pas toute leur attention. Il m'a fallu un bon tiers de ce tome avant de pouvoir éprouver un peu de plaisir à la lecture. Mais une fois le sentiment d'immersion éprouvé, impossible de lâcher ce récit.
L'élément clef qui a généré les bonnes vibrations est la nature hallucinante (au sens propre) des illustrations. Ce tome (comme les 2 autres de la trilogie) est illustré par
Clint Langley dans un style qui mélange des photos avec gros travail sur photoshop ou équivalent et des compléments à la peinture.
Clint Langley dispose d'une maîtrise exceptionnelle de l'illustration assistée par ordinateur. Je vous recommande de lire cette bande dessinée dans un environnement avec une forte luminosité pour en distinguer tous les détails et toutes les nuances. Il utilise l'informatique pour doter chaque élément de décor, chaque vêtement et chaque arme d'une myriade de détails qui donnent une texture et une présence sans équivalentes à chaque chose. Son aisance avec cet outil lui permet de dépasser le simple copier-coller pour rendre réel les boucliers finement ouvragés, les rochers granitiques, les bas reliefs sur les pierres, les différentes essences de bois, la texture des feuilles, etc. Et les personnages sont traités de la même manière : il ne manque pas une seule nuance aux tatouages tribaux, les êtres surnaturels acquièrent une matérialité tridimensionnelle. Il faut être honnête : cette approche de l'illustration ne peut pas plaire à tout le monde. Par instant, le lecteur peut avoir l'impression de lire un roman-photo des aventures de Slaine, plutôt qu'une bande dessinée. C'est bien cet aspect là qui a fini par me convaincre. L'accumulation de cadavre, de têtes tranchées et de giclées de sang n'a pas beaucoup d'attrait à mes yeux, sauf que là cette débauche d'effets visuels finis par faire naître un vrai sentiment d'écoeurement. Il est impossible de rester insensible à la "vérité" photographique du récit.
Clint Langley n'oublie pas pour autant de construire de véritables séquences et de soigner ses cadrages et ses angles de vue.
Grâce à cet illustrateur hors du commun, les artifices narratifs de
Pat Mills finissent par prendre sens et être acceptables. le lecteur est plongé dans un opéra gore et fou dans lequel les protagonistes enchaînent des tirades et des dialogues au beau milieu des champs de batailles. Une fois accepté ce mode d'exposition, il devient possible d'apprécier les horreurs et les déchirements du scénario. Les individus sont broyés par la machine de guerre et le destin inéluctable. Il n'y aura pas d'issue heureuse. Au-delà des boucheries des affrontements,
Pat Mills continue d'utiliser intelligemment et différemment les légendes celtiques. Les méchants sont très réussis et vraiment horribles : ils pervertissent l'humanité au travers d'un asservissement parasitique contre nature. Et la demande d'aide à la déesse Danu prend une forme inédite, fortement teintée de second degré, dans une misogynie ironique et bienvenue.
Je ne manquerai pas de lire la conclusion de ces invasions dans le tome 3. Et j'irai jeter un coup d'oeil attentif dans ABC Warriors, Tome 1 : La guerre Volgan réalisés par la même équipe (
Pat Mills &
Clint Langley).