Le point de vue qu'adopte dans ce livre Jean Claude Milner sur la révolution française s'articule autour de la remise en perspective des faits à la lumière de la réalité que connaissaient ses protagonistes. De l'acceptation d'époque du mot de révolution aux concepts de philosophie politique en cours, il trace un tableau le plus juste possible pour nous permettre d'appréhender ce qui a pu la guider, et en particulier la mener à l'instauration du régime de la terreur.
Deux figures majeures sont décrites: Robespierre et Saint Just. Au travers d'eux, Jean Claude Milner nous fait mieux comprendre les ressorts humains qui animaient la pensée de leur temps, et qui ont disparu dans les figures historiques construites autour de l'évènement révolution.
Au delà de cette remise en couleur, Jean Claude Milner s'attache aussi à éclairer ce qui donne à la révolution française son unicité, qu'on pourrait résumer en une forme de prépondérance du gouvernement par les idées, une honnêteté vis-à-vis de la volonté d'accomplissement d'un nouveau régime pour le peuple, et l'absence de référence avouée à un livre doctrine unique.
Jean Claude Milner s'appuie pour ceci sur la comparaison avec les révolutions russe et chinoise qu'il définit comme à part. On peut s'interroger sur la pertinence de la limitation à un tel spectre réduit, et les limites qu'elle implique sur la validité de la thèse suivant laquelle la révolution française serait à ce point incomparable à toute autre. La réflexion n'en reste pas moins très intéressante.
J'ai en revanche vu une différence notable entre d'une part le développement du livre, scrupuleux et argumenté dans son analyse de la révolution française, de même que dans sa comparaison aux deux autres révolutions choisies, et d'autre part la conclusion en forme d'extrapolation sur l'actualité. Cette conclusion parait par contraste bien trop rapide et pour évaluer sa pertinence elle nécessiterait sans doute d'être détachée de ce volume et d'être raisonnablement développée.
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C'est justement parce que 1789 n'occupe plus aujourd'hui le premier rang qu'il est temps de le repenser à nouveaux frais, ce à quoi s'emploie le philosophe et linguiste dans Relire la Révolution.
Lire la critique sur le site : Telerama
12 août 2021, dans le cadre du banquet du livre d'été « toute lecture est un parcours » qui s'est déroulé du 6 au 13 août 2021, Jean-Claude Milner tenait la conférence : Droits sans pouvoirs, pouvoirs sans droits.
La démocratie politique repose sur une réversibilité : pas de pouvoir sans droit qui l'établisse, pas de droit dont l'exercice ne garantisse une parcelle de pouvoir. Or cette réversibilité se rompt.La pandémie y contribue. Sans abolir les droits, elle a suspendu le pouvoir de les exercer : droits sans pouvoirs. Mais la rupture s'était déjà produite en sens inverse. Les gilets jaunes ont porté des revendications qui se résument à ceci : pouvoirs sans droits.Doit-on en rester là?
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