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"En 1922, les troupes turques brulent Smyrne". On pourrait très bien s'arrêter là, évoquer un effet collatéral, un soubresaut de la première guerre mondiale, peu de choses en regard des atrocités subies par les arméniens avant, etc.

Cela c'était un peu ma vision avant de mettre le nez dans ce bouquin. Attention, la lecture de ce livre ne laisse pas indemne.

Des récits de massacres — chez les humains, on adore s'étriper férocement à tout propos — j'en ai lu un grand nombre dont celui de Mexico au temps de Cortès. le bouquin de Giles Milton prend le temps de peindre la situation bien en amont avant d'arriver inexorablement à l'automne 1922. du coup, familiarisé avec les lieux, les gens, les évènements, on est assommé par le dernier acte bien que prévenu en ouvrant ce livre.

En lisant ce bouquin, on découvre surtout un monde d'avant 1914 totalement inconséquent, quasi lyrique avec son lot de politiques qui veulent relancer, les uns, l'oeuvre d'Alexandre le grand (Venizélos comme Lloyd George), l'autre, la Rome éternelle (Orlando). Sans oublier ceux qui souhaitent rétablir le grand empire ottoman (Enver Pacha et ses amis). Voire démarrer le grand reich avec des accords avec la Turquie (Liman von Sanders) ou le Mexique. Bref, chaque leader politique y va de sa manière de repeindre le monde, de ses lectures de jeunesse, de sa foi en étendard, de son intolérance à peine dissimulée et de ses rêves démesurés de grandeur à trop regarder les cartes.

le problème de ces politiques, ce sont les autres, les ennemis de toujours qu'il faudra bien massacrer ou expulser. Ceux qui ne sont pas la même religion, ces étrangers vivant là depuis des générations, n'ayant pas les mêmes pratiques, moeurs, cultures.

Alors, pour arriver à ses fins, ces politiques courtisent telle nation, tel ministre tout aussi rêveur, nouent des alliances secrètes, s'asseyent sur les traités, intriguent. Et cela de tous cotés. Côté Turc, on réorganise les troupes quitte à les expédier en plein hier sur le front russe ; on finance des troupes supplétives pour massacrer à qui mieux-mieux l'ennemi intérieur (Talaat Bey et le massacre des arméniens à lire page 106), on forge des légendes pour mieux manipuler l'opinion internationale et légitimer la terreur… Je vous rassure de suite, les turcs n'ont pas le monopole de ces pratiques, loin de là. C'est d'ailleurs un point très agréable dans ce livre, l'auteur ne désigne pas telle ou telle nation comme particulièrement abomifreuse, toutes se comportent de manière misérable, même celles qui n'interviennent pas directement dans la bagarre en… n'intervenant pas, justement.

Au milieu de cette cohue politique, de cette cuisine d'ambitieux cherchant à tout prix à obtenir le pouvoir et sa place dans l'histoire, des gens brillants capables de justifier l'injustifiable, il y avait un coin de Paradis. Smyrne.

Ici la lecture est faite du côté des riches familles. L'explication est simple, ce sont les seules qui ont du temps, qui sont instruites, parlent plusieurs langues, de déplacent, rencontrent les notables et ont laissé des témoignages considérables dans lesquels Giles Milton a abondamment puisé.

Ces très riches familles sont installées là depuis longtemps et ont créé de la richesse. Et puis, sur ce coin de côté turque, on trouve un incroyable patchwork culturel…! Des grecs, des français, des anglais, des levantins, des juifs, des turcs, des arméniens… Imaginez pour l'époque, des musulmans qui partagent leurs activités avec des chrétiens et des juifs, des gens qui se parlent, s'invitent les uns chez les autres. Et cela perdure depuis près de deux siècles dans ce coin ultra tolérant du monde Ottoman. Mieux encore, administrant cette province, un personnage cultivé, Rahmi Bey interprète de loin les consignes de Constantinople, essayant de maintenir la cohésion de ce mosaïque cosmopolite même en pleine attaque Grecque sur Gallipoli.

Malheureusement, ce ne sont pas ces hommes cultivés, respectueux des autres qui gagnent. Plus encore quand, dans ce grand Monopoly, les (dé)raisons d'État l'emportent.

C'est cette histoire terrible de Smyrne qui est narrée au fil des années jusqu'en septembre 1922. Là, la lâcheté des États occidentaux fut admirable. Certes l'armée turque fut sans pitié mais il serait un peu facile d'oublier les hésitations, les massacres, les fanfaronnade, les actions guerrières, les promesses puis les retournements politiques des grandes puissances.

C'est l'histoire de cet évènement dramatique raconté par les témoins de l'époque, les rescapés des grandes familles, les diplomates en poste, les prisonniers britanniques qui passèrent par là à leur libération, les marins, les enseignants, etc. Avec son lot de décisions contre-productives, le fatalisme ou la frivolité, le refus de regarder la réalité en face, les entre-aides entre gens de confession différentes (les grecs protégeant leurs amis turcs ou inversement), les signes d'amitié.

À la fin, on ne peut que s'attrister devant la perte d'un tel paradis. Il y en eu d'autres, d'Alexandrie à Beyrouth. C'est d'ailleurs la question. Comment se fait-il que de tels territoires atypiques, cosmopolites finissent par imploser…? Qui cela dérange-il…? Manifestement pas ceux qui vivent sur place.

Excellent bouquin, puisant — je me répète — aux meilleures sources et, surtout, prenant du recul, de la distance, démontrant que le ressort était bandé, que tout le dispositif ne demandait plus qu'à se dérouler avec des politiques sourds et partiaux.

Entre l'arrivée des troupes grecques le 15 mai 1919 à Smyrne (page 155), les exactions sur la population turque le même jour dans une débauche de violence incroyable et l'incendie de Smyrne trois ans après, que de fagots pour bouter ce dernier…

Entre le déni fait aux turcs de gérer leur propre pays après la guerre de 14-18 ; le refus prendre en compte des solutions locales de gouvernement (à propos de la région cosmopolite de Smyrne justement) ; les décisions ubuesques de la Conférence de Paris ; la mise à l'écart de généraux turcs qui n'avaient pas démérité lors de cette guerre — dont Mustafa Kemal (pages 142 et 174) traité comme un moins que rien…
On ne savait pas grand-chose de la stratégie de Mustafa Kemal, qui était mal connu de la hiérarchie militaire britannique.
Les fonctionnaires de Whitehall s'essayèrent à de nombreuses analyses de personnalité, mais qui reposaient davantage sur des fantasmes que sur la réalité. D'après un dossier des services secrets, il aurait mené une vie « dissolue » dans ses jeunes années et aurait contracté une maladie vénérienne.
Cet événement lui aurait donné «du mépris et du dégoût pour la vie», et J'aurait conduit « au vice homosexuel ». On l'accusait d'avoir désobéi à Liman von Sanders pendant son énergique défense de la péninsule de Gallipoli.
Plus étrange encore, on peut lire qu'il avait perdu un oeil au combat dans une bataille contre les Anglais. Bien qu'ayant étudié toutes les informations disponibles sur Kemal, Sir John de Robeck n'arrivait pas à le cerner. « Il reste une véritable énigme », écrit-il, découragé. Lloyd George était plus méprisant : « un marchand de tapis dans un bazar », jugeait-il.
On se rendit vite compte que le « marchand de tapis » était un élément rassembleur particulièrement actif en Turquie centrale.

Ou encore, les discours religieux évoquant la reconquête nécessaire de Sainte-Sophie (Lord Curzon) avec, en réaction, le discours fondateur de la nationaliste turque Halide Edib à Constantinople et le démarrage du mouvement nationaliste au sein de ce qui restait de l'armée turque ; le cynisme des représentants des grandes puissances émergentes d'alors, le monde était franchement très très mal parti.

Bref, qui a tord, qui a raison…? Vous découvrirez en lisant ce livre que personne n'en sort grandi, que des actes imbéciles fragilisèrent peu-à-peu l'équilibre entre ces communautés et finirent par rendre cette partie du monde totalement explosive. Quant à ce qui s'est déroulé à la fin, ce fut atroce. Pendant et après. Imaginez 300 000 personnes coincées sur un quai entre la mer et un incendie. Et cernées par des troupes déchainées. En face, des bateaux britanniques, français et américains n'intervenant pas.

Aussi, si vous ne connaissez pas cette période de l'histoire entre les deux grandes guerres, c'est une manière époustouflante de la découvrir. Retenir que les promesses n'engagent que ceux qui les croient, jamais les États, jamais les politiques qui ont beau jeu d'expliquer ensuite qu'ils avaient les mains liées, qu'ils leur était impossible d'agir, etc.
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Du journaliste britannique Giles Milton, j'avais beaucoup apprécié "Les aventuriers de la reine", portant sur les premières tentatives de colonisation anglaise en Amérique au temps d'Elizabeth Ière, et "La guerre de la noix muscade", sur la chasse aux épices au dix-septième siècle dans l'actuelle Indonésie : des sujets historiques peu communs mais rendus passionnants par cet auteur qui ne m'a encore jamais déçu — ainsi que le confirme ce troisième ouvrage que je lis de lui. Il est ici question d'événements plus récents, avec la destruction de Smyrne (aujourd'hui Izmir, troisième ville de Turquie) par les troupes de Kemal Atatürk. La particularité de cette ville était d'apparaître au début du siècle dernier comme un véritable paradis dans l'Empire Ottoman en déclin. Plaque tournante du commerce entre l'Europe et l'Asie, incroyablement prospère et cultivée, Smyrne offrait en outre un modèle de société multiculturelle et multiconfessionnelle, avec ses communautés grecque, turque, arménienne, juive et européenne cohabitant en bonne intelligence ; le fameux "vivre ensemble", avant d'être un fantasme de politicien français, fut bel et bien une réalité sur les rivages de la Mer Égée. Préfigurant Beyrouth et Sarajevo, ce magnifique exemple de tolérance et d'enrichissement mutuel s'acheva dans une terrible explosion de violence en 1922, point d'orgue de la guerre gréco-turque...

La tragédie de Smyrne selon Milton se décline en trois actes. Le premier s'attarde sur la présentation du cadre idyllique dans lequel évoluaient les familles Whittall, Giraud, Paterson et autres, ces riches Levantins dont les témoignages ont été méticuleusement recueillis par l'auteur. Si l'exposé de leurs relations sociales, de leurs pique-niques familiaux et de leurs soirées dansantes peut paraître futile et anecdotique, il est néanmoins nécessaire pour mieux marquer la rupture avec les deux actes suivants : le deuxième, où les conséquences géopolitiques de la Grande Guerre font peser de lourdes menaces sur l'insouciante Smyrne, prise dans un étau entre nationalistes turcs et grecs ; et plus encore le troisième, consacré à ce funeste mois de septembre 1922 qui vit l'anéantissement de Smyrne la tolérante. Autant prévenir les âmes les plus sensibles : le récit de ces jours tragiques est très précis, jusque dans ses détails les plus sordides, et l'horreur est omniprésente dans ces pages. Jeunes filles violées, vieillards battus à mort, hommes abattus froidement, prisonniers torturés, corps décapités et cadavres pourrissant dans le port... Rien n'est épargné au lecteur, de la même manière que rien ne fut épargné aux malheureux habitants. "L'un des sentiments les plus vifs que j'aie rapportés de Smyrne est la honte d'appartenir à l'espèce humaine" écrit l'un des protagonistes du drame, opinion qu'on ne peut que partager face à la litanie des exactions commises par les uns et les autres... même si des actes courageux et des élans d'humanité, incarnés notamment par l'Américain Asa Jennings qui organisa avec succès l'évacuation de dizaines de milliers de réfugiés, amènent un peu de lumière dans ce témoignage très dur.

"Le paradis perdu" est une lecture émotionnellement difficile, donc, mais passionnante à plus d'un titre et d'un abord facilité par la capacité qu'a Giles Milton à rendre clairs des événements complexes, aux implications considérables. Car la question de Smyrne ne s'arrête pas aux côtes ioniennes : elle embrasse des problématiques bien plus larges, telles que les relations pluriséculaires entre Orient et Occident, les traités de paix de la Première Guerre Mondiale, les luttes d'influence entre grandes puissances, ou encore le génocide arménien.
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Au début du 20° siècle Smyrne, plus grande ville et ville la plus prospère de l'empire Ottoman était aussi une ville cosmopolite. On y trouvait des Turcs, des Grecs, des Arméniens, des Juifs et des Levantins : des Européens d'origine (Britanniques, Français, Italiens...) dont les familles s'étaient installées là depuis plus d'un siècle et qui s'étaient enrichis dans le commerce et l'industrie grâce à des avantages fiscaux. Mais tout ceci n'allait pas tarder à disparaître.
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9 septembre 1922, Smyrne la cosmopolite est inquiète. La cavalerie turque est entrée dans la ville sous les cris de « Longue vie à Kemal ! ». Cette arrivée triomphale dans Smyrne l'accueillante – le Paradis comme l'avaient surnommée les Américains de la colonie – vient clôturer l'une des guerres les plus barbares entre la Grèce, soutenue par les puissances occidentales, et la Turquie. D'un coup, chaque communauté religieuse ou étrangère prend peur des conséquences de ce retour d'une armée turque et musulmane dans une ville où tout le monde cohabite pacifiquement, libre de préjugés raciaux, culturels et cultuels. Smyrne a toujours vécu de ce brassage humain composé de britanniques, d'Américains, de Français, de Grecs, de Turcs, d'Arméniens, de Juifs et d'autres, qui y vivaient tous ensemble dans un esprit de fraternité. Et puis, il y avait la puissante communauté Levantine commerçante qui avait développé cette cité portuaire d'Anatolie durant près de deux siècles. Smyrne était un lieu où la tradition côtoyait sans cesse l'avenir et la modernité pour le bien de tous. Smyrne était une ville envoûtante, ensorcelante, emplie d'odeurs délicates et de parfums les plus subtils les uns que les autres, provenant des cafés, des restaurants, des épiceries fines. On entendait, de-ci, de-là, aussi bien des opérettes italiennes, les sons des cithares ou des mandolines qui se répondaient. Preuve, s'il en était encore, que Smyrne était bien à la confluence des cultures orientales et occidentales.

Si les Grecs avaient essaimés dans tous les quartiers de la ville, la plupart avaient leur secteur désigné. Les Américains, derniers arrivés, étaient particulièrement appréciés pour leurs oeuvres caritatives. Quant aux Turcs, leur zone était de loin la plus peuplée et la plus délabrée de Smyrne. C'était un district accroché au Mont Pagos que les touristes venaient visiter à la recherche d'un exotisme local, parce que c'était ici que l'on apercevait les seuls Turcs encore en costume traditionnel ! Et pourtant, ce bel ordre social et moral, ce melting pot humain allait bientôt tourner court. C'est un agent des services secrets britanniques – William Childs – qui va se faire l'écho de la revendication grecque dans sa volonté de faire renaître l'ancien Empire Byzantin en Turquie, à l'issue de la 1ère Guerre Mondiale.Et comme toujours, au Paradis, plus encore qu'ailleurs, personne ne l'écoutera, ne l'entendra, ne tiendra compte de ses sombres pressentiments. de leur côté, la communauté turque smyrniote, soutenue et encouragée par leur alliance avec l'Allemagne en 1914, incitera à la haine et à la vindicte populaire, accusant les Grecs des pires forfaitures, les déportant – de même que les Arméniens en 1915 -, dans le centre de l'Anatolie. Ainsi commencera le premier génocide de ce 20ème Siècle naissant. Cet épisode de sinistre mémoire ne sera que le long prélude à la destruction de Smyrne en 1922, la Perle de l'Orient.

S'il demeure bien un ouvrage sur les relations ambigües et tragiques entre la Grèce et la Turquie, c'est bien « le Paradis perdu » de Giles Milton. le sous-titre de ce livre : « 1922, la destruction de Smyrne la tolérante » ne laisse persister aucun doute sur le thème. Il revient sur un événement historique peu – voire pas – connu, l'anéantissement et la ruine de Smyrne qui avait été pendant les deux siècles précédents une ville prospère. Cette cité cosmopolite de l'Empire Ottoman où vivaient des communautés aussi diverses qu'éloignées – turques, grecques, arméniennes, chrétiennes, juives -, était un cas unique dans le monde musulman. Cette richesse économique, culturelle et spirituelle était le fait des grandes familles Levantines – les Whittall, les Giraud, les van der Zee -, qui avaient érigé leurs fortunes sur le commerce des épices, des fruits exotiques ou des tapis de Perse et en avaient fait profiter Smyrne et ses habitants. Ils faisaient vivre des milliers de personnes qui - directement ou indirectement - travaillaient pour eux. Ils avaient fait entrer Smyrne dans le 20ème Siècle, y apportant toutes les nouveautés, du cinéma à l'automobile. Malheureusement, la 1ère Guerre Mondiale et ses alliances préjudiciables vont passer par là et assombrir le paysage idyllique de cette ville portuaire ouverte sur le monde et qui ne demandait qu'à continuer sa paisible existence. En se choisissant l'Allemagne comme alliée, la Turquie verra son empire démantelé au lendemain d'un conflit meurtrier. Dès lors, la Grèce, dans le camp des vainqueurs, se sentira pousser des ailes et revendiquera l'ancien Empire Chrétien d'Asie Mineure, la Megali Idea, la Grande Idée. Elle envahira sa voisine turque avec l'assentiment des alliés occidentaux qui pousseront même la Grèce dans ses velléités territoriales. Cette occupation grecque arrangeait bien les anglais qui se vengeaient ainsi de la bataille de Gallipoli et du sort désastreux des prisonniers britanniques. Cette attitude désinvolte et imprudente de la part des occidentaux allait amener la Turquie à se tourner vers le nationalisme de Mustafa Kemal, malgré le comportement impartial des politiques grecs dans la gestion des conflits inter-ethniques. Multipliant les escarmouches grecques et turques, laissant se développer une armée turque irrégulière et secrètement réarmée par l'Allemagne et la France, constatant les provocations des deux protagonistes sur une population civile démunie et terrorisée, les occidentaux ne pourront que constater l'échec de leur politique de soutien à l'État grec. Cela conduira inexorablement à la destruction de Smyrne l'infidèle par les troupes turques kémalistes pour se dédommager des cruautés perpétrées par les Grecs lors de leur catastrophique retraite. « le Paradis perdu » de Giles Milton est une vraie mine d'informations pour qui cherche à comprendre et à analyser les relations entre la Grèce et la Turquie, entre l'Orient et l'Occident. A travers cette lecture dense, fouillée, à la documentation riche et variée, aux témoignages divers retrouvés dans les archives de tous les pays, Giles Milton nous fait revivre, presque jour après jour, l'un des cataclysmes humains du 20ème Siècle et à peu près ignoré de la plupart d'entre nous. En trois grands chapitres, Giles Milton brosse l'histoire de Smyrne, les causes et les conséquences tragiques de sa fin. C'est sur ses ruines fumantes que Mustafa Kemal construira ce qui est aujourd'hui la Turquie moderne, prise entre principes religieux et réalité économique, entre Orient et Occident.
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C'est une approche intéressante d'une société dominatrice vivant recluse et protégée dans son cocon et qui se fait balayer par les impératifs et les contorsions de l'Histoire.
C'est l'histoire mille fois recommencée du partage des richesses dans une géographie particulière.
C'est l'histoire moderne des fanatismes politiques, ethniques et religieux de tous bords importés dans des communautés qui vivaient ensemble plus ou moins bien et en harmonie et que la géopolitique mondiale des vainqueurs finira par faire sombrer dans la haine de l'autre jusqu'à l'épuration ethnique.
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Ex Oriente Lux (La lumière vient de l'orient), devise de l'Université ionienne de Smyrne, qui devait ouvrir ses portes à tous quelles que soient son origine ou à sa religion en Septembre 1922.

Livre formidable par le talent de conteur, l'équilibre, les preuves à l'appui des affirmations, l'intégration dans notre histoire française, européenne et notre Mare Nostrum.

Huit jours après ma sortie de ce magnifique livre de Giles Milton, je reste émotionnellement marqué et déstabilisé. La capacité de recul sur les évènements de Giles Miton, la densité des témoignages, le style vivant et équilibré, tout est fait pour rendre cet ouvrage inoubliable. Tout à la fois roman historique, livre historique par son intégration à la grande Histoire et le jeu des grandes puissances, livre mémoriel, la compréhension du passé pour anticiper le futur de Mare Nostrum, chacun trouvera son content rappelant le propos du regretté Michel Déon in Lettres de château “Chaque lecteur a sa propre lecture, intrinsèquement semblable à son égo.”

Lu dans la cadre de l'Opération Masse Critique de BABELIO -Connectons nos Bibiolthèques, 385 pages, Editions noir sur blanc, 25€uros

Lectori salutem, Pikkendorff

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Un titre en clin d'oeil à son homonyme mais qui convient parfaitement à son récit.
Giles Milton prend le temps de nous raconter la ville, son passé, les lieux, ses habitants, on y découvre une ville commerçante incroyablement cosmopolite et tolérante. Au bord de la méditerranée, Smyrne nous apparaît comme un lieu hors du temps, son rayonnement culturel et économique imprègne la région.
Une douceur de vie à l'orientale pour une ville qui se voit subitement rattrapée par les conflits qui secouent la région en ce début de siècle. Smyrne et ses habitant se retrouvent pris en étaux entre la Grèce qui souhaite restaurer sa puissance et les armées turques qui cherchent à regagner les territoires perdus, des combats qui vont mettre à mal l'esprit de tolérance qui jusqu' alors avait cahin-caha régné dans la ville. On va d' incident en incident, d'escalades en escalades, les uns crient et tuent, les autres pillent, répriment, et tuent à leur tour jusqu' au jour où l' on atteindra le paroxysme de l' horreur la ville brulent et les habitants qui tentent par tous les moyens de fuir acculés sur le port ils sont rattrapés par la chaleur de l' incendie, la soif, la faim et leurs poursuivants.

Comme toujours, et celui-ci ne fait pas défaut, Giles Milton nous livre un récit captivant s' appuyant sur une documentation solide, riche et variée. Une lecture dense, fouillée pour une histoire effarante et bouleversante. Impossible à oublier une fois connue, elle est à remettre dans toutes les mémoires.
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