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EAN : 9782020813228
166 pages
Seuil (13/05/2005)
2.97/5   15 notes
Résumé :
Pendant que leur navire est au mouillage dans une baie, quelque part en Amérique centrale, deux marins, Homer et Olmann, s'éloignent à pied sur une longue route, à la recherche d'un bordel isolé dans les collines. On devine peu à peu qu'ils cherchent à échapper à cette promiscuité masculine, imprégnée d'un goût de sel et de gazole, qui constitue la seule vie possible sur un bateau. Mais bientôt, Homer va rencontrer Maria...
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Le bateau est au mouillage dans une baie de l'Amérique centrale. La vie à bord est rude et les quarts de nuit sont pénibles. Tout a un sale goût de sel marin, une odeur de gasoil et de promiscuité masculine qui étouffe l'âme des solitaires les plus endurcis. Et puis, il manque de femmes. Les membres de l'équipage ont la nuit devant eux et les yeux brillants. Direction le bordel le plus proche. Quant à moi, je me suis trouvée un coin sauvage non loin de la baie pour respirer l'air pur et m'inonder de silence. Homer et Olmann, eux, sont sortis des sentiers battus à la recherche d'un bordel isolé, loin de la côte et des autres, tentant de fuir, au moins pour quelques heures, la réplique du poste d'équipage.

Ce petit paradis, ils l'ont trouvé après des heures de marche, au fond d'une cour. Une maison privée, l'endroit idéal. La guirlande d'ampoules au-dessus de la porte d'entrée clignotait de temps en temps. Pedrico, le gardien, se tenait sous la véranda, son révolver à la main. Des poulets au cou déplumé couraient dans tous les sens. Une bonne odeur de viande grillée flottait dans l'air. Il suffisait de boire, de fumer, peut-être de jouer aux cartes mais surtout, de monter à l'étage, le moment venu, avec l'une des filles qui attendait le long du mur.

Maria était assise au milieu de la cour, faisant couler le sable entre ses cuisses. Aguicheuse, désinvolte… Homer, tout en discutant avec le gardien, ne cessait de contempler ses jambes, dévoilées par sa robe légère. Ils montèrent à l'étage, dans le calme silencieux d'une entente tacite. Là où ils se touchaient, leurs vêtements étaient devenus humides et tièdes…

« Dans la chambre, Homer accrocha sa casquette au montant de la chaise.
-Tes jambes sont très jolies.
-Merci.
-Je les aime beaucoup.
-Je sais.
-Comment peux-tu le savoir?
-Tu les as beaucoup regardées tout à l'heure.
-Tu m'as vu les regarder?
-Oui, mais ça ne m'a pas gênée.
-Mais je t'écoutais aussi.
-Ça aussi, je l'ai vu, c'est gentil... »

Elle avait commencé à enlever sa robe, doucement. C'est alors qu'Homer vit la cicatrice sur son sein, profonde, le déformant légèrement. Il baissa les yeux et renfila sa chemise. Maria ramena ses jambes contre elle, proposa d'éteindre la lumière. Elle se dit que finalement, il n'était pas si différent des autres hommes. Mais tout de même un peu différent, pour accepter de payer à ne s'étendre qu'auprès d'elle sans faire l'amour. Il avait posé la joue sur son ventre, dans un besoin de tendresse. Elle avait même un peu dormi, apaisée. Quelle était donc cette douleur atroce au creux de la poitrine d'Homer? Cette souffrance, c'était celle de l'absence, « depuis le jour où il était sorti du ventre de sa mère jusqu'à cette seconde de cette nuit ». Hommes sans mère, le titre de ce petit roman, est l'image poignante de ce cri qui s'échappe des tripes de tant d'hommes. Ce sont les sanglots de celui qui recherche seulement un peu d'amour.

Ce qui m'a le plus émue et touchée dans ce roman, c'est le dialogue entre Maria et Homer. Un échange sensible, bouleversant, tendre et respectueux. Il m'a laissée sans voix. Ce dialogue est pourtant simple, occupé par quelques mots, sans artifice, sans plus. D'ailleurs, c'est de là qu'il tire à mes yeux toute sa beauté. Car les mots sont profondément humains, ils sont la marque de ceux qui vivent dans l'isolement et qui vont à l'essentiel sans s'encombrer d'inutile. Ils parlent de solitude. C'est ainsi que les phrases prennent vie et cherchent à laisser une petite trace au fond de l'autre, une fois les chemins séparés. Cet acte presque désespéré m'a vraiment touché en plein coeur.

«- Est-ce que tu te souviendras de moi?
-Oui.
-Alors c'est bien, tu es un peu différent.
-Non, mais je me souviendrai de toi.
-Et qu'est-ce que tu penseras?
-Je me souviendrai que tu poses beaucoup de questions.
-C'est tout!
-Oh! Non, d'autres choses encore.
-Tu parleras de moi sur ton bateau?...»

Bien sûr qu'il parlera d'elle. Il ramènera à bord le souvenir d'une nuit troublante. Quant à moi, j'ai glissé dans ma poche un petit galet, trouvé dans la mer. Une envie, toute simple, de me rappeler ces instants-là. Même si après un certain temps, je sais très bien que le petit galet n'aura plus la même résonance…

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Deux marins en escale dans un port d'Amérique centrale font quelques kilomètres à l'intérieur des terres pour fuir le huis clos de leur navire et trouver en toute quiétude de quoi boire et une présence féminine.
Il ne se passera pas grand' chose, sinon qu'ils se trouveront enfin seuls dans une campagne dure et parfois inhospitalière, et que l'un d'eux fera preuve d'une grande compassion, sinon de tendresse, avec une jeune prostituée.
Écrit tout simplement, c'est le tableau d'une humanité souffrante et solidaire.
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L'univers de Mingarelli est décidément un univers masculin. Ici encore, comme dans "Quatre soldats" ou "La beauté des loutres", c'est une histoire de fraternité et de solidarité entre des hommes.

Homer et Olmann profitent d'une escale de leur bateau pour s'éloigner de leurs camarades et essayer d'atteindre un bar dans la montagne. Là-bas ils essaient de trouver un peu d'amitié virile avec les clients et un peu de tendresse avec les filles.

Le fait que ni le lieu ni l'époque ne soient mentionnés, donne à ce très beau récit, comme aux autres de l'auteur, une dimension philosophique ; comme si le destin de ces hommes s'accomplissait là sans qu'on puisse rien y changer. le style, épuré et dépourvu de toute psychologie, accentue encore l'aspect magique de ces romans qu'on pourrait croire tirés de tragédies grecques.
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« Hommes sans mère » Hubert Mingarelli (Seuil, 160 pages).
Deux matelots, en escale dans un port quelque part sous les tropiques, cherchent dans une campagne improbable et éloignée de la côte un bordel où ils ne risquent pas de rencontrer leurs congénères ni de recréer l'atmosphère pesante de leur cambuse. Durant cette soirée et cette nuit, dans et autour de ce lieu clos, ces hommes sans mère (sans mer ?) sympathisent avec la gardien muet du pauvre lupanar, avec les filles, en particulier Maria ; la belle tente beaucoup Homer, l'un des deux compères, qui recule au moment où il se rend compte que la jeune femme a un sein atrophié. Ce qui n'empêche pas que se tricotent des liens entre eux, entre ces quatre personnages, aussi paumés qu'émouvants, et que Mingarelli sait nous présenter dans leur dénuement mais avec beaucoup d'empathie. Il ne se passe presque rien au fil de ces 160 pages vite lues, c'est un roman « de rien », c'est, durant cette nuit sans événement, le temps de humer l'odeur de la pluie tropicale, de la détresse, de la solitude, de la difficulté de communiquer entre les êtres. En lisant, j'attendais quelque chose (un drame, un secret ? ) qui n'est pas venu, mais cela ne m'a pas frustré, car il n'y a pas de désespoir absolu, rien de mortifère, seulement une tonalité mélancolique et chaleureuse, dans une écriture sobre.
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Un roman lent, où il ne se passe rien, pas grand chose en tout cas.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Il ferma les yeux, s'essuya les lèvres et pencha la tête en avant. Sa casquette tomba à l'envers sur le sol. Il y eut un répit, la douleur se diffusa dans la poitrine, et parut s'en aller. Puis avec horreur il la sentit à nouveau refluer vers le creux, brûlante comme une lame, et devenir inimaginable.
- Mais ce que j'ai mal ! implora-t-il entre ses dents, et à cet instant et malgré les éclats de la douleur, il se vit à genoux, non pas spectateur de lui-même à cet instant-là et gémissant de douleur, mais spectateur de lui-même depuis le jour où il était sorti du ventre de sa mère jusqu'à cette seconde de cette nuit, et puis comme un écho, il s'entendit implorer dans la nuit qu'il avait mal.
Alors il posa une tempe contre le mur, et il sanglota de désespoir.
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Vidéo de Hubert Mingarelli
[Rentrée littéraire 2022]
Dans une grande ville d'un pays en guerre, un spécialiste de l'interrogatoire accomplit chaque jour son implacable office. La nuit, le colonel ne dort pas. Une armée de fantômes, ses victimes, a pris possession de ses songes. Dehors, il pleut sans cesse. La Ville et les hommes se confondent dans un paysage brouillé, un peu comme un rêve – ou un cauchemar. Des ombres se tutoient, trois hommes en perdition se répondent. le colonel, tortionnaire torturé. L'ordonnance, en silence et en retrait. Et, dans un grand palais vide, un général qui devient fou.
"Le colonel ne dort pas" est un livre d'une grande force. Un roman étrange et beau sur la guerre et ce qu'elle fait aux hommes. On pense au "Désert des Tartares" de Dino Buzzati dans cette guerre qui est là mais ne vient pas, ou ne vient plus – à l'ennemi invisible et la vacuité des ordres. Mais aussi aux "Quatre soldats" de Hubert Mingarelli.
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