1946. le Japon sous l'occupation américaine. Un homme qui avait soif. Il s'appelle Hisao. Fraîchement démobilisé, il prend le train pour rejoindre sa femme tant aimée à qui il est décidé de se marier. La belle Shigeko. Enfin, je l'imagine belle comme toute japonaise, des yeux noirs foncés, une chevelure noire de jais, des petits pieds et un beau sourire timide. Dans sa valise, un magnifique oeuf de jade enveloppé dans son caleçon de laine. Eloignez-vous du bord du quai, le train va entrer en gare. 5 minutes d'arrêt. Hisao se jette sur le quai, il a soif, aperçoit un filet d'eau entre deux pierres. Il met ses mains en coupole, et regarde les gouttes tomber dans ses deux mains. Il est absorbé par cette scène. Totalement contemplatif, l'esprit ailleurs. Où ? Je te le dirai bien mais voilà que la locomotive fume, grince, geigne, avant de redémarrer. Hisao contemple toujours l'eau recueillie dans ses mains. Il boit lentement, à petite gorgée. le train prend de la vitesse mais cela l'importe peu. L'homme a soif. Il lève la tête, le train disparait sous ses yeux alors que sa valise est restée à l'intérieure avec cet oeuf de jade pour sa fiancée.
Commence alors, une longue course poursuite. L'homme face au train. Il court, il sue, il trébuche sur les traverses, tombe, roule, se relève et continue de courir. Il n'en peut plus, il a soif, il s'arrête, voit une flaque d'eau. Il boit. Il marche. Il rencontre d'autres paumés. Et puis il y a aussi Takeshi, ce jeune soldat qui chante dans le noir et surtout qui hante les nuits de Hisao. Ce dernier gémit, sue, crie pendant son sommeil. Il se réveille chaque nuit, affolé, apeuré, en pleurs. Car derrière cette histoire d'oeuf de jade, se jouent la mort de Takeshi sous ses yeux et la terrible bataille de Peleliu.
[Interlude : petit aparté historique sur mon fabuleux blog à propos de la bataille de Peleliu]
De
Hubert Mingarelli, je n'avais lu que son premier roman «
une rivière verte et silencieuse ». Un roman court d'une puissance onirique magistrale. Une histoire de père et de fils qui m'avait particulièrement ému. «
L'homme qui avait soif » change de registre ; sur fond de guerre, il s'agit d'une profonde histoire d'amitié de deux soldats qui se termine lors d'un bombardement américain. La montagne grogne, se soulève, le noir devient insondable, la poussière te prend à la gorge, mais l'auteur garde néanmoins sa plume poétique. Il te donne soif.
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