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Critique de berni_29


Une rivière verte et silencieuse est un roman très court de Hubert Mingarelli que j'ai découvert presque par hasard. Je dis "presque"car je ne crois pas tout à fait au hasard en matière de rencontre avec les livres. Ici je me souviens d'une très vieille dame dans une librairie. Nous ne nous connaissions pas et nous étions devant le même étalage de livres de poche. Je venais de saisir ce roman, je l'avais dans les mains, le retournais intrigué par la couverture, la concision du texte... Elle me dit alors, avec des yeux emplis de bonheur et de malices, que c'était un livre merveilleux. L'auteur aussi... Je lui avouai que je ne le connaissais pas. Elle m'entraîna alors vers un autre livre du même auteur, à peine plus épais, La dernière neige, qu'elle avait également aimé. Me voyant hésiter dans mon choix, elle me conseilla de prendre les deux, me dit que je ne regretterais pas... J'ignore encore par quel miracle elle savait déjà par avance que j'aimerais ces deux livres, alors que nous ne nous connaissions pas...
J'ai longtemps attendu avant de le lire. Quelquefois ce sont les livres épais qui font peur, ici c'était presque l'inverse...
Ainsi, d'une vieille dame lectrice rencontrée dans une librairie, je suis passé à l'enfance, celle de Primo, le narrateur.
C'est une histoire tout en pudeur entre un père et son fils, on y entre sans faire de bruit, comme des pas dans la neige silencieuse.
La mère n'est pas présente, c'est au lecteur d'imaginer où elle est, ce qu'elle est devenue... Dans le dénuement des phrases, il y a autant de place aux mots qu'aux silences. Et les silences ne sont rien d'autres que des courbes où le vide appelle l'imaginaire pour venir s'y lover.
C'est comme le lieu, on ne sait rien du lieu. C'est comme le temps, on ne sait rien du moment où cela se passe. Était-ce il y a très longtemps ? Avant une guerre, après une guerre ? Aujourd'hui sans la guerre ici... Mais peut-être n'est-ce pas ici... Peut-être est-ce au contraire ici et ils ont connu auparavant une guerre pour nous lointaine... Qu'importe. On peut tout imaginer dans ce récit intemporel. C'est là aussi l'une des forces de ce récit émouvant qui m'a pris aux tripes.
C'est une relation forte et bouleversante entre un père et un fils, dans une maison sans électricité, sans le confort. On imagine la précarité, comme si le dépouillement d'un lieu écrit avec peu de mots avait autant de force qu'une peinture sociale décrite avec moultes détails.
Le père est au chômage. Plus loin il y a l'usine où il travaillait naguère.
Mais il faut survivre, rêver, imaginer... Le père et le fils pensent déjà aux lendemains qui chantent. Comment survivre, sortir de cette précarité, dessiner l'horizon...?
Une complicité se construit peu à peu.
Il y a ce rêve fou de cultiver des rosiers, puis de les vendre. Tiens, on pourrait les vendre aux ouvriers de l'usine ?!...
En attendant, les pas de l'enfant sont des chemins qui l'amènent derrière la maison. C'est là que le rêve de Primo se dessine, sous les hautes herbes sauvages qui ressemblent à un tunnel. Il aime à s'y engouffrer et nous aussi avec lui...
Là-bas plus loin en écartant les herbes folles, j'aperçois à mon tour cette rivière verte et silencieuse... J'entends alors venir un rire joyeux comme la cascade d'un ruisseau en plein soleil. Je ne saurais dire si c'est le rire d'un enfant, celui d'un homme qui entrevoit l'espoir ou bien celui d'une vieille dame malicieuse se promenant dans les allées d'une librairie...
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