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Critique de OlivAll


Rendez-nous le Bernard Minier des débuts (glacé, le Cercle, N'éteins pas la lumière...), celui qui construisait patiemment ses intrigues, travaillait ses personnages et soignait son écriture, au lieu de la pâle copie qui publie désormais, au rythme frénétique d'un par printemps, des romans paresseux et bâclés. Un esprit moins candide que le nôtre pourrait voir dans cette évolution le signe que l'ambition littéraire a cédé le pas, aux yeux de notre auteur et de son éditeur, à des objectifs moins avouables.

Ce nouveau roman part pourtant sur des chapeaux de roue. Les premiers chapitres sont intenses et rythmés, et suscitent une curiosité certaine. Mais l'enquête ne décolle jamais vraiment, faute de véritable mystère à éclaircir. Chose étonnante pour un roman policier, l'incertitude concernant l'identité des coupables, leurs motivations et leur mode opératoire, est levée rapidement. Dès lors, aucune surprise ne vient agrémenter le train-train inexorable de l'enquête qui défile sous nos yeux, que nous avons d'ailleurs de plus en plus de mal à garder ouverts. Servaz et son équipe, eux-mêmes loin de leur meilleure forme, ont laissé à la police scientifique le soin de faire avancer leur laborieuse enquête. Nous sommes peut-être en présence d'un plaidoyer subtil pour le remplacement des effectifs de police judiciaire par l'intelligence artificielle.

Un problème de taille se pose cependant : comment remplir 472 pages avec une intrigue si maigre ? Réponse : avec des considérations sociales, sociétales, politiques. Des musulmans fondamentalistes qui accusent la France et sa police de racisme systémique. Des enseignants blancs et d'extrême gauche qui les encouragent. Des enseignants immigrés qui s'y opposent, et traitent leurs élèves avec ambition et exigence. Des militaires et des policiers qui accusent la justice, par son laxisme, d'être responsable de la déchéance du pays. La mention toutes les trois pages d'un masque porté par un personnage, pour bien nous rappeler que l'intrigue se passe au temps du covid. Des étalages de faits divers réels (violences, attentats, agressions contre des policiers) sans rapport avec l'intrigue, sans doute pour tenter d'instaurer un "climat". Ce projet est pourtant mené avec trop de paresse et de complaisance pour ne pas échouer totalement, faute d'une véritable dialectique entre l'enquête policière et cette toile de fonds. La subtilité n'est, de sucroît pas de mise : les personnages récitent leur catéchisme (indigéniste, zemmouriste, anticapitaliste...) dès que l'occasion leur est fournie, et même, la plupart du temps, sans qu'aucune occasion ne leur soit fournie.

J'ai donc refermé ce livre avec soulagement, et aussi la sensation peu agréable d'avoir été le pigeon de cette Chasse, en déboursant 13 euros pour un objet qui ressemble à une nouvelle policière entrecoupée de coupures de presse du Figaro et de Libé. Je me tiendrai désormais loin des balles, en espérant que ma prière initiale soit exaucée et que Bernard Minier revienne un jour à l'exigence de ses débuts.
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