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Critique de Apoapo


Suite au décès de son grand-père iranien dont elle connaît à peine la langue, la jeune journaliste, dans une quête des origines, se rend à Téhéran auprès de sa grand-mère. En 1997, Khatami, le mollah réformiste, vient de remporter les élections ; la population, notamment la jeunesse, a un regain d'espoir et d'enthousiasme, la censure se relâche : les conditions sont les meilleures pour l'acclimatement de Minoui.
Elle y restera pendant dix ans et, au fil d'une "iranisation" progressive et parfois douloureuse, elle posera ses jalons dans la presse française avec ses papiers sur le Moyen-Orient vu de l'intérieur même de la société iranienne.
Cette dernière, dans sa complexité et son hétérogénéité, loin de l'étau de soumission à la tyrannie dans lequel nous avons l'habitude de l'imaginer, semble posséder une grande habileté à adapter le "rythme de sa respiration" à l'espace du politique, à élaborer des stratégies individuelles et collectives de réforme qui, sans probablement passer par une nouvelle révolution, pourraient tendre vers ses aspirations d'émancipation. Cette possibilité provient de la contradiction intrinsèque à la "République islamique", à la fois dotée d'un système parlementaire (avec des élections législatives et présidentielles, des élus issus des minorités religieuses, etc.) et "chapeautée par un pouvoir d'inspiration divine : le fameux velayat-e faghi, attribuant au Guide suprême la charge de la gestion des affaires des croyants [...] En fonction de la lecture qui en était faite [de la Constitution], le pouvoir du guide était, pour certains, absolu. Pour d'autres, électif." (p. 92-93)
Lorsque la contradiction est insoluble, comme dans les élections du 12 juin 2009, c'est naturellement le pouvoir établi qui l'emporte sur le suffrage, Ahmadinejad sur Moussavi. le rue est réprimée. Et Minoui, à l'instar de son époux également journaliste et titulaire d'une double nationalité, tout comme les autres membres de la presse occidentale, sont contraints de quitter précipitamment le pays, dans l'angoisse d'une arrestation imminente voire pire.
Cependant, ce n'était pas la première fois que l'auteure était sommée de partir, ni qu'elle subissait des intimidations et des menaces de la part des services secrets. Elle aussi avait appris, comme les autres Iraniens, à gérer son espace de liberté au gré des accréditations et retraits du titre professionnel, par des séjours à l'étranger notamment, du moment qu'elle avait refusé de collaborer avec lesdits services. Certains de ses amis et confrères avaient été incarcérés, persécutés, il y avait eu des disparitions, des morts prématurées et violentes ; même son studio parisien avait été cambriolé...

Ce livre se présente comme une lettre adressée à la mémoire de son grand-père, souvent convoqué personnellement. Ce genre de reportage possède l'avantage d'introduire en outre un certain nombre d'autres personnages dont on peut suivre le vécu, en parallèle avec les anecdotes quotidiennes concernant l'auteur. de ce fait, l'évolution humaine, outre que politique, acquiert une épaisseur et une capacité explicative beaucoup plus grande. En contrepartie, les recours stylistiques et la redondance d'ornements, qui n'auraient pas leur place dans la bonne prose journalistique, s'y développent à l'excès : cet ouvrage n'en est pas exempt.
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