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Les premières lignes témoignent d'un style poétique et soigné où la métaphore est d'emblée mise à l'honneur. En racontant la vie de la discrète Awudabiran, seconde épouse d'Obame Afane, l'auteur nous propose un excellent portrait de femme, et nous initie au rythme et aux rites de la vie quotidienne gabonaise pour le meilleur… et pour le pire.

Un peu sceptique en lisant la quatrième de couverture, je craignais une histoire d'amour trop convenue. Loin s'en faut, si la relation entre Awu et Obame tient effectivement un rôle majeur, elle se mêle intelligemment aux contraintes d'une vie de famille parfois compliquée. Entre rites traditionnels et trivialité quotidienne parfois cruelle, Justine Mintsa réussit à faire émerger l'essentiel d'une vie où le plus beau n'est pas dit et ne se voit pas.
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L'histoire d'Awu n'est pas vraiment l'histoire d'Awu. Je dirai qu'elle est d'abord l'histoire d'Obame, l'instituteur du village, son mari. Une grande histoire d'amour qui finit tragiquement et qui sera le fil à la patte de cet homme bon, courageux et qui est affublé de la pire des tares dans cet environnement: des soeurs, des frères, des neveux, des nièces... sangsues.

Obame Afane a épousé Bella, sa première femme. Ils sont amoureux, de cet amour fou que l'on retrouve dans les romans plus rose que le lac sénégalais. Mais, il y a ce "mais" qui fait les plus grandes histoires d'amour, le terrain de Bella n'est pas fertile. Ils ont pourtant essayé, Obame Afane a patienté, bravant sa famille, supportant la pression familiale. Bella a tenu bon, sous les moqueries et les pics méchants de sa belle-famille, le couple y a cru longtemps. Puis, poussé par sa femme, Obame va chercher un terrain plus fertile. Et là, arrive Awudabiran, jeune gamine de 17 ans qui se voit mariée à un trentenaire dont le coeur et l'esprit sont à jamais attachés à sa devancière.

Justine Mintsa, en nous mettant dans les pas de ce trio, met le doigt sur un grand nombre de moeurs sociétaux difficiles à accepter quand l'on est une femme. Les relations compliquées avec les cousins issus de la soeur, "vrais" enfants décrété par la matrilinéarité de certaines ethnies, les rancoeurs des belle-soeur (dénoncées par Franco dans son célèbre "Ba ndéko y a bassi, ba lingaka basi y a ba ndéko y a mibali té, pona nini Oh, oh oh oh" http://youtu.be/Si2pDIjie4I, ndrl: Les soeurs n'aiment pas les femmes de leurs frères, pourquoi ça ?) et les exactions que subissent aussi bien les femmes stériles que les veuves de la part de cette belle-famille censée être devenue leur famille. Dans ce roman, le lecteur que je suis a été souvent confronté à une violence inouï qui, malheureusement, ne m'a semblé ni surjouée, ni irréaliste. Bien au contraire. Et c'est cela que, je le crois, l'auteur voulait dénoncer.

"Toute femme est née pour enfanter. C'est pour elle non seulement un besoin vital, mais aussi et surtout un devoir pour elle auquel nul autre n'est supérieur"

L'histoire d'Awu c'est aussi l'histoire banale d'un trio amoureux. Awu aime son mari d'un amour fait de dévouement et d'admiration. Obame Afane aime Bella même outre-tombe et n'a pas un seul regard pour sa nouvelle épouse. le combat d'Awu pour exister auprès de son mari est bien raconté, sans le manichéisme tentant de la victime amoureuse et du salaud indifférent.

" Elle était convaincue que le jour de cette étreinte-là serait le jour de leurs noces véritables. Son mari et elle seraient tous deux libérés. Elle, d'une obsession. Lui, d'un spectre;"

Le point important de ce roman est, de mon point de vue, cette dénonciation de certains travers des sociétés africaines car, dans ma lecture, j'ai buté sur certains aspects. La narration par exemple, dès le début, ne m'a pas emporté. Elle est faite avec une certaine langueur un peu agaçante et surtout des digressions sur les outils de tissage – métier de Awu qui aidera à la survie de la famille mais sera, peut-être, également l'objet de sa chute – et une poésie voulue dans les descriptions m'ont plutôt freiné.

"Pour Awudabiran, le pont de chaînette était plus que jamais le point de l'amour, le point de sa vie. Elle était secrètement fière de toutes ces bouclettes qu'elle avait soigneusement confectionnées sur le parcours de sa vie : ses études, sa profession, son mariage, ses enfants, ses élans de générosité envers sa famille et sa belle-famille. Sa modestie et son excessive discrétion lui avaient valu de ne jamais avoir de conflit avec personne. Pourtant, belle et brillante, elle était, ce qui, en revanche, lui valait le mauvais oeil, voire même la jalousie de certains. Mais elle feignait de ne se rendre compte de rien."

La lecture ne fut pas déplaisante mais me laisse le sentiment d'une tentative de fresque qui manque de souffle. Durant toute la lecture j'ai fait le parallèle avec "Chroniques Abyssiniennes" où sous le prétexte d'une saga familiale, Moses Isegawa arrive à nous parler de culture, de moeurs et surtout de l'histoire de l'Ouganda.

Comme pour – presque – chacune de mes lectures, je vous enjoins de découvrir Justine Mintsa avec ce roman ou un autre car, à défaut d'avoir été emballé par la forme, j'ai été intéressé par le fond que cette auteure avait à transmettre.
Lien : http://www.loumeto.com
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« L'Afrique – qui fit – refit- et qui fera. » Michel LEIRIS

Les premiers livres publiés dans cette collection bénéficiaient d'une présentation de Jean Noël Schifano directeur de la collection. J'en extrait deux phrases emblématiques « Nous parions, ici, sur les Africains d'Afrique et d'ailleurs, de langue française et de toute langue écrite, parlée et sans doute pas écrite encore, nous parions sur l'écriture des continents noirs pour dégeler l'esprit romanesque et la langue française du nouveau siècle. Nous parions sur les fétiches en papier qui prennent le relais de fétiches en bois. ». le frontispice des premières parutions a disparu mais l'orientation éditoriale demeure.

C'est après avoir lu de nombreux auteurs, africains, antillais, publiés dans cette collection (et chez d'autres éditeurs), que j'ai souhaité, dans une note aux dimensions modestes, faire partager des plaisirs de lecture et peut-être vous entraîner dans ces espaces si proches et si peu connus. En ces temps d'éphémères, je choisis de puiser dans les premiers ouvrages publiés.

Laissez vous guider par les titres et leurs résonances, passez la porte des jaquettes tachées et entrez dans ces continents, vous y trouverez des écrivain-e-s passionné-e-s et passionnants.

Vous avez peur de l'inconnu, vous chercher des repères, pourquoi ne pas commencer par les deux livres de Boniface MONGO MBOUSSA « Désirs d'Afrique » et « L'indocilité » qui présentent un large panorama d'auteurs, odeurs classiques, fragrances modernes, ténèbres rwandaises, flamboyances congolaises, diaspora et casques coloniaux.

L'écriture des un-e-s vous enchantera, celle d'autres vous fera rire, leurs rêves vous sembleront proches et d'autres si lointain. Contes, récits épiques, aventures, livres accrochés à la vie.

Quelques idées, pour vous mettre l'eau à la bouche, espérances de lectures à venir.

Plongez vous dans la langue savoureuse de Abdourahman WABERI « Transit » qui de Roissy à Djibouti évoque la guerre et l'exil ou « Rift, routes, rails » variations au passé et au présent sur les déserts, les océans et les mythes. Choisissez la langue brutale de la martiniquaise Fabienne KANOR qui dans « D'eaux douces » raconte l'aliénation d'une femme au prise avec les questions identitaires.

Peut-être serez vous attiré par le titre « Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois » de Henri LOPES qui revient sur le mouvement de la négritude et s'interroge sur la création, la francophonie, le métissage à l'heure de la globalisation .

Choisissez l'un des romans de Ananda DEVI, originaire de l'île Maurice, par exemple « Soupir » et son premier paragraphe « La terre est enflée comme une langue qui n'a pas bu depuis longtemps. le sable coule aux pores. Les horizons et les regards sont scellés. Au dessus de nous, le ciel semble ouvert. Mais il n'y a rien d'ouvert, ici. Nous sommes nés enfermés. »

Suivez la quête d'amour de Maya, héroïne de Nathacha APPANAH-MOURIQUAND.

Vous n'aimez pas le foot, que cela ne vous rebute pas d'entrer dans « La divine colère » du camerounais Eugène EBODE, pour y partager sa critique de la compétition et des passions « transformant les stades en crachoir et en cratère de tous les exutoires ».

Que dire de « L'ivrogne dans la brousse » du nigérian Amos TUTUOLA, qui fait figure d'ancêtre de ces littératures. La traduction de Raymond QUENEAU est un régal.

Allez à « Lisahohé » capitale imaginaire mais si réelle du togolais Théo ANANISSAH pour suivre et vous perdre dans une enquête où le narrateur même ne semble pas si innocent.

Rejoignez la tendresse de la gabonaise Justine MINTSA dans « L'histoire d'Awu » à moins que vous ne vouliez suivre le chemin du journaliste qui vous entraînera sur les traces de Lidia do Carmo Ferrerira poétesse dans « La saison des fous » de l'angolais José Eduardo AGUALUSA.

Mais peut-être serez vous plus sensible à la confrontation entre modernité et privilèges ancestraux dans « La révolte du Komo » du malien Aly DIALLO, au récit du congolais Mambou Aimée GNALI et son « Beto na beto, le poids de la tribu » ou au destin de l'aveugle Doumé dans le roman « le cri que tu pousses ne réveillera personne » du camerounais Gaston-Paul EFFA .

Admirez le portrait dressé de l'île Maurice par Amal SEWTOHUL dans « Histoire d'Ashok et d'autres personnages de moindre importance », ou parcourez l'effacement de la société traditionnelle dans le système colonial de Donato NDONGO dans « Les ténèbres de ta mémoire ».

Je ne veux ni vous lasser si substituer mes propres découvertes à vos possibles lectures.

J'ai gardé pour la fin la mosaïque de Sylvie KANDE « Lagon, Lagunes » et la petite postface si belle de Edouard GLISSANT qui se termine par cette invitation « Je voulais seulement, à cette place, partager avec vous l'insondable et l'imprévisible. Écrire est une divination. Lire ce qui fut écrit, c'est déchiffrer l'énigme. »
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Obame Afane est marié à Bella, mais malheureusement celle-ci ne peut pas avoir d'enfants, ce qui oblige Obame à se remarier avec la jeune Awa, plus jeune que lui. Mais son coeur reste attaché à Bella et Awu souffre de cette situation. Elle s'attache néanmoins à mener son destin coûte que coûte, en femme aimante et attentionnée.

Suivre le destin de la belle Awu, c'est plonger au coeur des contradictions du Gabon, entre modernité et traditions absurdes, voire cruelles. Qu'il s'agisse du sort réservé aux femmes qui ne peuvent enfanter, ou des luttes familiales, des jalousies, des humiliations, ces femmes gabonaises traversent mille épreuves ! A la mort de son mari Awu est soumise aux jalousies, et aux sévices de sa belle-soeur. Elle se doit de subir ces épreuves docilement pour honorer la famille. Elle sera dépouillée, considérée comme une chose, une possession comme les autres "En conséquence, elle avait l'impression d'avoir cousu sa vie au point de chaînette, sans faire de noeud au bout. Et, comme par jeu, on venait de tirer sur le fil. Et c'était le néant." p. 103

Sa force de caractère lui permet malgré tout de garder la tête haute, dans l'adversité comme dans les rares moments de bonheur. Cette femme instruite, dynamique et dotée d'une sagesse supérieure incarne l'avenir du Gabon. Comme le disait Justine Mintsa dans une interview en 2003 pour Amina par Pascaline Mouango :

« Ignorer l'héritage culturel, le tenir pour inutile, c'est s'interdire la compréhension profonde du présent et toute activité authentiquement créatrice »

Ce que j'ai moins aimé : Histoire d'Awu manque malheureusement d'un souffle romanesque qui aurait permis de s'attacher davantage à la jeune héroïne.
Lien : http://www.lecturissime.com/..
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Roman fulgurant, impressionnant, brut, Histoire d'Awu raconte la condition sociale et familiale des femmes dans un petit village du Gabon. Un texte très court, au style épuré, qui nous confronte aux différences culturelles et nous plonge au coeur des coutumes gabonaises.
(...) « Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage. » le texte de Justine Minsta illustre tout à fait cette phrase de Montaigne : il évoque les coutumes et croyances traditionnelles très éloignées des lecteurs occidentaux, les relations très codifiées au sein du clan, la conception particulière de la solidarité et le rapport à l'argent, et surtout le statut social et familial des femmes considérées comme des faire-valoir, voire des objets, qui doivent se dévouer à leur clan. Il y a la défunte épouse qui n'a su donner d'enfant à son mari ; et bien sûr Awu qui ne doit pas subvenir aux besoins de sa famille, car c'est à son mari de le faire. Il y a la jeune Ada, devenue mère à 12 ans, qui a déçu les espoirs de sa mère en arrêtant l'école, et Ntsema qui a choisi de s'affranchir des codes sociaux.
Qui aurait dit qu'un roman de 100 pages puisse créer un tel effet ? Sa force tient au style fait de phrases courtes et épurées, de monologues sentencieux, solennels. Je crois aussi qu'il doit sa force au fait que l'auteure ne cherche pas à combler la distance culturelle entre le roman et le lecteur occidental, elle ne cherche pas à justifier ou expliciter les événements tragiques : les choses se passent ainsi et c'est au lecteur d'entrer dans la société gabonaise et de mettre de côté ses propres valeurs. Ça ne rend le roman que plus originel, brut. Nous ne pouvons toutefois penser que ce roman traite de la « barbarie », car si la femme gabonaise n'est pas libre, la femme occidentale a ses propres entraves. Voilà une lecture que je recommande, tout comme la collection Continents Noirs chez Gallimard.

L'article entier sur Bibliolingus :
http://www.bibliolingus.fr/histoire-d-awu-justine-mintsa-a127311010
Lien : http://www.bibliolingus.fr/h..
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Quand Awu se marie avec Obame, elle sait que celui-ci ne l'aime pas. S'il avait été contraint de répudier sa première épouse, c'est qu'elle ne pouvait avoir d'enfants.
La difficile place des femmes dans la société gabonaise est au coeur de ce très joli roman. Si ce livre est si attachant, c'est qu'il allie simplicité et sincérité pour décortiquer un pays.
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Trop bien
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