Fin 1917, alors que la France s'enlise sur le front, le Président de la République Raymond Poincaré choisit Clemenceau, vieux briscard de la politique, et le nomme président du Conseil – c'est-à-dire chef du gouvernement –, poste qu'il a déjà occupé par le passé.
Clemenceau c'est déjà un destin à la fois grand et chaotique, lequel sera couronné par cette mission qu'il s'est assignée : gagner la guerre. D'où le titre de l'ouvrage de
Pierre Miquel, extrait d'un discours de mars 1918 prononcé à l'Assemblée : « Ma politique étrangère et ma politique intérieure, c'est tout un. Politique intérieure ? Je fais la guerre. Politique étrangère ? Je fais la guerre. Je fais toujours la guerre. » Clemenceau devient « le Père la Victoire », et il s'y emploiera sans concession.
Miquel raconte donc, avec son sens impeccable de la narration, cette époque et surtout cet homme, dont certains malveillants reprennent aujourd'hui à leur compte l'aura, tandis qu'ils sont aux antipodes d'une telle figure patriotique. Mais ceci est une autre histoire, sans majuscule…
Ce vendéen d'origine, celui qu'on appelait « le Tigre » du temps où il était ministre de l'Intérieur, a la volonté chevillée au corps en même temps que le sens de la politique. Clemenceau fera tout pour qu'on ne lui vole pas sa victoire, se débarrassant sans état d'âme de
Joseph Caillaux, son adversaire malchanceux qui rêvait d'une paix blanche (sans vainqueur). Il brisera des grèves, comme par le passé, qui mettaient en danger l'effort de guerre. Il veut en un mot vaincre et, hélas pour l'avenir, saigner l'Allemagne. Il obtiendra gain de cause lorsqu'en 1919, au Traité de Versailles, il accablera les vaincus, malgré les mises en garde du Président américain Wilson.
Loin de là, en Allemagne, un caporal revanchard et fanatique ruminera ce Traité qui lui servira d'argument majeur lors de son irrésistible ascension :
Adolf Hitler.
C'est là, peut-être, l'erreur majeure de Clemenceau : avoir ajouté l'humiliation des Allemands à leur défaite. S'il avait agi autrement, qui sait ? Mais avec des « si », on mettrait Paris en bouteille, dit le proverbe !