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Un homme a écrit le récit de sa vie ...
Cet homme a la figure ravagée, les yeux morts et les mains qui tremblent.
Longtemps il a hésité avant de publier ce récit.
Il est pour vous qui ne craignez pas de pénétrer au plus noir des mystères humains.
Puissiez-vous en supporter l'horreur ! ...
"Le jardin des supplices" est un ouvrage incongru.
Il est constitué de trois parties.
La première, "Frontispice", est la discussion d'une équation philosophique :
- le crime et la sauvagerie sont-ils ancrés au plus profond de l'homme ?
Les deux suivantes, qui forment le corps de l'ouvrage, veulent être la démonstration d'une réponse à cette question posée ...
L'ouvrage, en 1899, est lancé comme une insulte aux visages des prêtres, des soldats, des juges et des hommes qui éduquent, gouvernent et dirigent les autres hommes.
Octave Mirbeau leur dédie ces pages de meurtre et de sang !
Un homme y raconte son existence.
C'est un gredin sous lequel se dissimule peut-être un poète dévoyé.
Issu d'une petite bourgeoisie commerçante et provinciale, il a pour seule moralité de "mettre les gens dedans".
Octave Mirbeau signe, dans une deuxième partie d'une centaine de pages, un pamphlet politique cynique et sarcastique.
Il y écorche sans pitié la haute société de ce 19ème siècle finissant.
Il y raconte la fuite de son personnage.
Car voilà ce dernier pressé par Eugène Mortain, son protecteur, un vieil ami de collège devenu ministre, de fuir vers Ceylan.
Notre homme, promu embryologiste, est mandaté, subventionné et propulsé vers les Indes à bord du paquebot "Saghalien".
Il y fait la rencontre de Clara, une femme étrange, mystérieuse et perverse qui va le mener jusqu'en Chine, jusqu'au jardin des supplices ...
La troisième partie, qui a fait toute la réputation de l'ouvrage, est un récit noir de sauvagerie et rouge du sang qui y est versé.
C'est un long, long, long descriptif de sévices, de tortures et de meurtres ...
André de Lorde et Pierre Chaine, en 1922, l'ont adapté sur la scène du Grand-Guignol, le théâtre de toutes les peurs de la Belle-Époque.
C'est dire !
"Le jardin des supplices", au final, est un ouvrage dur et extrêmement dérangeant.
Octave Mirbeau y fait preuve d'audace, d'outrance et de provocation.
Pourtant le livre est un pur morceau d'intelligence finement ciselé.
Mais il n'est pas pour tous.
Quelques âmes sensibles devront s'abstenir ...

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Comme beaucoup de mes critiques, celle-ci est rédigée d'après mes souvenirs et mes émotions, car j'ai lu ce livre plusieurs fois, mais il y a déjà plusieurs années. j'ai très tôt été fasciné par l'univers de Mirbeau. Après "Le journal d'une femme de chambre", la lecture de celui-ci, à la sortie de l'adolescence, m'a ouvert les yeux sur la politique, la démocratie et la sauvagerie possible de l'Humain. si je me souviens bien, un pauvre type, malfaisant, incompétent... deviendra député grâce à des relations haut placées. On sait alors d'emblée où Mirbeau place notre démocratie. Tout est déjà dit. Puis, dans une deuxième partie, ce "député" est envoyé en mission en Chine sous je ne sais plus quel prétexte. En route, il fait la connaissance de Clara, une charmante jeune femme qui assouvit ses pulsions sexuelles devant la torture. C'est elle qui initiera notre député aux joies scopiques devant la souffrance d'autrui. La description des tortures inouïes qui nous sont infligées pour les beaux yeux de Clara sont parfois insupportables. Cependant, je soupçonne Mirbeau d''en avoir rajoutées par complaisance, même si son dessin premier était de dénoncer les noirceurs de l'âme humaine comme il l'a toujours fait dans ces autres romans.
C'est un livre qu'il faut lire, car c'est une réflexion sur le gouvernement démocratique (dont Mirbeau haïssait l'hypocrisie et les faux-semblants), que l'on pourrait très bien transposer à notre époque, mais aussi pour dénoncer une partie de ce qui compose l'humain. Notre part d'ombre et de sauvagerie.
Au bout de temps d'années, une scène m'est toujours restée à l'esprit : celle ou Clara lance des bouts de viande avariées à des malheureux affamés, qui le cou enserré dans des anneaux de métal les empêche de porter de la nourriture à la bouche avec leur mains. Un bout de viande tombe donc sur le rebord d'un de ces anneaux, empêchant donc le malheureux de le manger ! Pour le plus grand plaisir de Clara et de son compagnon.
Bref, un livre que l'on oublie pas et qu'il faut être préparé à lire, mais dont la lecture est, ô combien salutaire pour comprendre l'Humain et la société .
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Avertissement vrai !
Je déconseille vivement la lecture de cet ouvrage aux âmes sensibles, aux neurasthéniques et aux psychopathes. Pour tous ceux qui se sentent bravaches parce qu'ils ont vus tous les épisodes de Games of Thrones, tâtez de la puissance de l'écrit…

Critique classique de ces contemporains chez Mirbeau le sociopathe , le livre ne se différencierait en rien de sa production habituelle s'il ne lançait son héros à la suite d'une créature envoutante au sein du terrifiant Jardin des Supplices, en Chine.
L'auteur a-t-il voulu nous convaincre de la perversité de l'homme qui torture comme de celui qui regarde ? On sait que des balcons se louaient fort chers aux exécutions capitales en France et qu'on n'y forniquait ardemment tout en regardant Damiens se faire écarteler.
Eros et Thanatos avant le père Freud et depuis la descente d'un autre jardin, celui du Paradis. Rien de nouveau à la surface du globe, et ce n'est pas la pauvre inventivité des Daeschiens qui me contredira. L'humain est ainsi, salement satanisé.
L'oeuvre est forte. Encore une fois totalement originale, incroyable d'audace, même après le divin Marquis. A quelques défauts près, déjà repérés dans « Le journal d'une femme de chambre », Mirbeau se confond avec ses personnages. Son héros, ici peu instruit, est pourtant capable de nommer la totalité des fleurs et plantes qu'il croise au cours de sa visite du Jardin. Même le Stéphane Marie de « Silence ça pousse » en serait incapable !
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Publié en 1899 chez Fasquelle pour sa première édition, le jardin des supplices est un assemblage raisonné de divers articles rédigés entre 1892 et 1898 par Octave Mirbeau et publiés dans divers journaux (Le journal ou l'Echo de Paris). Pour les besoins du roman, l'auteur a retravaillé et restructuré ses textes de façon à proposer un ensemble cohérent. Il y dénonce la violence de la société et accuse l'Armée, l'Eglise, la Justice et l'Administration de n'être que des instiutions monstrueuses destinées à tromper les hommes. le roman paraît d'ailleurs pendant une période politique trouble marquée par l'Affaire Dreyfus. Mirbeau en profite pour dénoncer la bêtise des hommes. Ironie (voir dédicace de l'auteur), subversion et lyrisme, tels sont les armes utilisées par le pamphlétaire pour critiquer cette France et plus largement, cette Europe occidentale qui s'essoufle et s'étiole. Notons cependant que le combat de Mirbeau ne se situe pas seulement au niveau idéologique : conciliant son sens de l'esthétique au dégoût de ses contemporains corrompus, l'auteur condamne la société européenne, en mettant en exergue l'hypocrisie de ses dirigeants et en établissant une comparaison avec les supplices pratiqués en Chine. de ces deux cultures dont l'une est censée être civilisée et l'autre réputée barbare, laquelle est-elle vraiment la plus cruelle et injuste ?


Michel Delon, spécialiste de la littérature du siècle des lumières et plus particulièrement de l'histoire des idées, déclare dans son excellente préface, que l'oeuvre de Mirbeau est indissociable du contexte politique de l'époque et il conseille de "lire de tels propos pour comprendre l'attitude d'un Mirbeau qui, réciproquement, fait de la Chine en même temps l'antithèse et la métaphore de l'Europe." p.17. Je partage vivement cet avis et cet extrait de la quatrième de couverture du livre : "Le jardin des supplices n'est pas seulement le catalogue de toutes les perversions dans lesquelles s'est complu l'imaginaire de 1900. L'ouvrage exprime aussi l'ambiguïté de l'attitude d'un Européen libéral, mais Européen avant tout, devant le colonialisme et ce qu'on n'appelait pas encore le Tiers-Monde." confirme cette idée. L'auteur n'a pas à mon sens, décrit les supplices pour fustiger la cruauté sophistiquée des chinois mais bien pour mettre en lumière la pourriture de la société à laquelle il appartient.

Ainsi, le roman se décompose en plusieurs parties : la première, intitulée Frontispice, relate une soirée mondaine lors de laquelle s'affrontent verbalement des académiciens, des écrivains, des savants et autres intellectuels au sujet des meurtres et de leurs motivations. Intervient pendant cette discussion un homme à la figure ravagée, qui décide de partager son expérience. En mission, la deuxième partie du roman, raconte comment cet homme envoyé en mission à Ceylan par son protecteur corrompu, rencontre Clara, une anglaise à la beauté vénimeuse, amoureuse de la Chine : "L'Europe et sa civilisation hypocrite, barbare, c'est le mensonge (...) Vous demeurez, lâchement attaché à des conventions morales ou sociales que vous méprisez, que vous condamnez, que vous savez manquer de tout fondement... C'est cette contradiction permanente entre vos idées, vos désirs et toutes les formes mortes, tous les vains simulacres de votre civilisation qui vous rend tristes, troublés, déséquilibrés..." p.133. La dernière partie du roman, le jardin des supplices, décrit le voyage du narrateur en Chine où, initié par la terrrible Clara, il visite le macabre jardin des supplices...

Malgré l'assemblage d'éléments disparates, Mirbeau réussit à donner une belle cohérence à son oeuvre. Bien que les trois parties soient rédigées dans un style différent, elles s'emboîtent bien et donnent un sens étrange à l'ensemble du roman. La troisième partie dans laquelle l'auteur donne libre cours à son lyrisme (emploi à outrance des champs lexicaux des cinq sens pour décrire le jardin des supplices), se distingue nettement des deux autres parties. On se perd parfois dans les noms des plantes et au détour d'un sentier fleuri et parfumé, on est brutalement ramené à l'inhumanité des sévices pratiqués sur les bagnards chinois. La luxuriance et la beauté des plantes tranchent volontairement avec la pourriture des cellules et la sècheresse des condamnés, pour mieux souligner la médiocrité des pratiques européennes : "- C'est que l'art ne consiste pas à tuer beaucoup... à égorger, à massacrer, exterminer en bloc, les hommes... C'est trop facile, vraiment... L'art, milady, consiste à savoir tuer, selon des rites de beauté dont nous autres Chinois connaissons seuls le secret divin... Savoir tuer !... Rien n'est plus rare, et tout est là... Savoir tuer !... C'est à dire travailler la chair humaine, comme un sculpteur sa glaise ou son morceau d'ivoire... en tirer toute la somme, tous les prodiges de souffrance qu'elle recèle au fond de ses ténèbres et de ses mystères... Voilà ! Il faut de la science, de la variété, de l'élégance, de l'invention... du génie, enfin... Mais, tout se perd aujourd'hui... le snobisme occidental qui nous envahit, les cuirassés, les canons à tir rapide, les fusils à longue portée, l'électricité, les explosifs, que sais-je?... Tout ce qui rend la lort collective, administrative, bureacratique... toutes les saletés de votre progrès, enfin... détruisent peu à peu nos belles traditions du passé... p.207. Poussant le vice jusqu'à comparer les pratiques chinoises à de l'Art, Mirbeau dérange, Mirbeau provoque. Certains passages sont d'ailleurs d'une cruauté épouvantable mais le message de Mirbeau est clair : l'Europe de la fin de siècle est fatiguée. Il s'agit de la réveiller...

Comme vous l'aurez compris, le jardin des supplices m'a fascinée. Enfin, j'ai découvert que ces auteurs qui m'ont toujours attirée, appartiennent à ce mouvement littéraire du décandentisme ou littérature décadente. Huysmans, Barbey d'Aurevilly, Villiers de l'Isle-Adam, ces auteurs que j'ai lu sans faire le lien avec ce mouvement littéraire, m'apparaissent désormais sous un jour nouveau. Cette édition (Folio Classique) m'a apporté de riches informations sur la littérature de cette fin de siècle (avec un retour documenté sur l'Affaire Dreyfus). le dossier en fin d'ouvrage présentant la bibliographie de Mirbeau, la notice ainsi que les notes en fin de livre, constituent autant d'éléments de compréhension du contexte historique de l'époque, qui m'encouragent à me pencher sur cette période de l'histoire de la France. Je terminerai enfin avec cet extrait qui selon moi, illustre bien la pensée de Mirbeau : "Alors, peu à peu, ma pensée se détache du jardin (...). Elle voudrait franchir le décor de ce charnier, pénétrer dans la lumière pure, frapper, enfin, aux Portes de la vie... Hélas ! Les portes de la vie ne s'ouvrent jamais que sur la mort... Et l'univers m'apparait comme une immense, comme un inexorable jardin des supplices (...). Ce que j'ai vu aujourd'hui, ce que j'ai entendu, existe et crie et hurle au delà de ce jardin, qui n'est plus pour moi qu'un symbole, sur toute la terre... J'ai beau chercher une halte dans le crime, un repos dans la mort, je ne les trouve nulle part..." p. 249. Et bien sûr, je recommande cette lecture à tous les curieux...
Lien : http://livresacentalheure-al..
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Entre beauté et souffrance, il n y a qu'un pas! le jardin des supplices est une ode aux eaux troubles qui se lit pourtant bien, à la même verve et même rythme que le journal d'une femme de chambre, parlant surtout de la première partie avant que l'intrigue ne bascule dans ce contraste entre charme et torture dans une Chine encore barbare, mais qui regorge une noirceur à vous faire remuer le coeur en un seul tour...
Ame sensible s'abstenir!
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Le "Jardin des supplices" est un livre audacieux qui même en 2018, continue de sentir le souffre. Nous suivons les aventures d'un homme de classe sociale aisée, qui suite à un épisode politique calamiteux, exerce un chantage de la dernière chance auprès d'un vieil ami ministre corrompu et sans scrupules, qui a le bras long et les moyens de le sortir de son marasme économique. Son ami l'expédie à Ceylan pour le faire occuper un emploi "fictif" d'embryologiste, afin d'acheter du temps et de le faire taire. Sur la route des Indes, notre narrateur fait la rencontre d'une créature divine, riche et belle, "un peu piquée" selon le capitaine du navire, dont il tombe éperdument amoureux et qu'il décide de suivre en Chine, abandonnant ses projets initiaux.

Surprise !
Clara voue une passion macabre à la civilisation chinoise, qui loin de l'hypocrisie des pays occidentaux, s'illustre par un raffinement exceptionnel très assumé tant dans l'horticulture, la céramique que dans l'art de "faire mourir". Homme de petite vertu, mais parfait occidental, notre narrateur découvre avec horreur ce qui incarne à ses yeux la quintessence de la barbarie et de la sauvagerie humaine. Le beau appliqué au supplice corporel, ou comment immiscer la mort dans chaque parcelle de chair et de sang d'un corps humain, pour lui faire "savourer" sa mort prochaine. En cela, la mort est aussi puissante que l'amour et elles deviennent indissociables. Elles s'unissent complètement dans l'acte d'amour, générant la pulsion sexuelle, permettant la jouissance des sens. C'est en tout cas ce qui semble bien résumer la perversion de la belle Clara, qui retourne inlassablement au jardin des supplices pour nourrir sa libido et son âme malade.


Selon Clara, qui nous donne comme au narrateur, une bonne leçon de morale, l'Occident qui se prend pour une civilisation supérieure, et vante ses mérites en matière de progrès technologique, de respect de la race humaine, se fourvoie complètement. Les nations modernes et barbares, pilleuses de ressources qui institutionnalisent et légalisent la sauvagerie à travers les organes de pouvoir et de diffusion du pouvoir, n'auraient donc rien à envier à la "sauvagerie" chinoise.


Le parcours initiatique du héros commence d'ailleurs par une discussion de boudoir entre individus de l'intelligentsia parisienne, qui désirant "tuer" le temps sur le bateau qui vogue vers les Indes, partagent leur faits d'arme, leurs expériences de chasse, de cannibalisme, de tueries de masse, de massacre de faisans comme de massacre d'êtres humains. La vie humaine na valant pas plus que celle d'un animal, pourquoi ne pas s'en donner à coeur joie ? La mort n'est pas chose sérieuse, surtout lorsque l'on parle comme nos protagonistes de petits africains, et mérite d'être abordée avec la plus parfaite légèreté pour faire bien en société.


Mirbeau accuse le "deux poids deux mesures" caractéristique des nations occidentales qui ne voient la barbarie que là où ça les arrangent tout en se refusant à une très salutaire introspection. "On voit la paille dans l’œil de son voisin, mais on ne voit pas la poutre dans le sien" est une formule qui résumerait, à mon sens, cet excellent livre de Mirbeau. Après avoir un peu flatté notre sadisme ontologique d'être humain, le récit nous élève à des considérations politiques et philosophiques qui semblent toujours d'actualité en 2018. En cela, j'ai trouvé cet ouvrage passionnant en plus d'être très bien écrit.

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Je viens de lire un roman très particulier...

Je pensais, avant d'en entamer la lecture, avoir affaire à un texte plutôt classique -sa première publication remonte à la fin du XIXème siècle-, relativement sage...
Sans doute cela tient-il au patronyme de l'auteur. Octave Mirbeau, cela évoque la petite bourgeoisie un peu coincée, la littérature de boudoir...
Bon, j'exagère un peu : pour avoir lu "Le journal d'une femme de chambre", je savais l'homme un peu polisson, voire politiquement incorrect.

Mais de là à m'attendre à ÇA !

Nous sommes loin, ici, des salons normands où Madame se plaint de migraines pendant que Monsieur retrousse les jupons d'une domesticité pas vraiment consentante...
Et le dépaysement procuré par "Le jardin des supplices" n'est pas seulement géographique.

L'intrigue part d'un postulat énoncé lors d'une conversation d'après dîner entre membres de la bonne société : la propension de l'homme au meurtre. Et chacun d'évoquer une anecdote pour illustrer cette affirmation... jusqu'au moment où l'un des convives entend quant à lui démontrer que les femmes n'ont rien à envier aux représentants du sexe fort, pour ce qui est de la cruauté et des pulsions meurtrières.
Ce qu'il raconte alors dépasse l'imagination...

Afin de se faire oublier suite à quelques magouilles et une piteuse défaite électorale, notre homme a, quelques années auparavant, pris la route de Ceylan, où un ami ministre (et aussi escroc que lui) lui avait trouvé une mission. C'est sur le bateau qui doit l'amener à destination qu'il rencontre Clara, une belle et sulfureuse anglaise qui réside en Chine, où elle le convainc assez facilement de la suivre en lui faisant miroiter une existence de plaisirs et de liberté.

Il y connaîtra un univers macabre, et d'une extrême violence, dont les odeurs de pourriture vous prennent à la gorge, où le raffinement chinois est mis au service de l'élaboration de luxuriants jardins aussi bien qu'à la conception des tortures les plus inventives et les plus cruelles. La luxure y côtoie la mort, la belle Clara se faisant l'ambassadrice de plaisirs barbares et vénéneux.

Octave Mirbeau ne ménage ni son lecteur, ni son personnage. Mais il serait réducteur de ne voir dans son "Jardin des supplices" qu'une simple volonté de choquer. Si la mise en scène de la cruauté chinoise lui permet d'aborder une analyse sur la barbarie de l'homme en général, et sur son voyeurisme malsain, ses descriptions
horrifiantes de scènes de torture sont aussi une incitation à une réflexion décomplexée sur la relativité de la morale, et sur la barbarie que dissimule -mal- l'ordre établi des sociétés occidentales décadentes, corrompues et hypocrites. Il nous rappelle en effet que, par l'intermédiaire de la guerre ou de la colonisation, ces dernières légitimisent le meurtre, permettant ainsi aux citoyens d'assouvir en toute impunité leurs instincts violents.

L'ironie est ici poussée à l'extrême, et si la démonstration peut sembler un peu outrée, on appréciera l'humour -certes très noir- déployé par l'auteur.
La fin, en revanche, m'a un peu déçue. J'ai eu le sentiment que le récit s'achevait de façon brutale, et laissait en suspens certaines des questions que je m'étais posées au cours de ma lecture.
Lien : http://bookin-ingannmic.blog..
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Un des livres les plus étranges et fascinants au tournant du vingtième siècle. Il méritait une relecture. Débutant comme une satire sociale et politique, il verse ensuite dans l'exotisme et l'orientalisme. Cependant, il s'agit pas d'admirer béatement la magnificence des contrées asiatiques. Nous nous rapprochons ici plutôt du "Voyage au coeur des ténèbres" de Joseph Conrad, publié la même année 1899. Clara, la guide anglaise et sulfureuse, trimbale le narrateur éconduit et souhaite se repaître des délices du jardin des supplices où les plus effroyables tortures sont élevées au rang d'art. Les longues descriptions des plantes exubérantes participent à la beauté morbide de l'oeuvre. Aucun détail macabre ne sera épargné au lecteur et certains supplices, comme ceux du rat et de la cloche resteront dans les mémoires littéraires. Tout est affaire de contrastes et d'harmonies entre la nature merveilleuse et les traitements mortifères infligés aux pauvres hères. Mirbeau ne cesse de magnifier et de salir dans un même mouvement décadent, dont la portée symbolique ne peut que nous échapper. Au bout, il n'y aura pas de délivrance, mais simplement un arrière-goût de sang âcre et un cauchemar agréable.
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Difficile de donner un avis sur cette oeuvre baroque au sens propre de bizarre...
On croit d'abord lire le récit d'un dîner mondain comme chez Maupassant, où des hommes - uniquement - se confient après le souper ou après une bonne partie de chasse, parlant, forcément de violence et de femmes - qui motivent toujours la violence et la mort.
On passe ensuite à un roman de Zola, en décrivant les dessous sales de la politique, avec "Son Excellence Eugène Morin" qui fait penser à son Excellence Eugène Rougon, tirant les ficelles dans l'ombre grâce à ses agents exécutant les besognes illégales mais nécessaires. Sauf que ce n'est plus l'Empire, mais la IIIème République, celle du scandale de Panama, où la corruption est courante, même chez ceux qui ont combattu les excès de l'Empire. Comme chez Zola, le sexe et le pouvoir se mêlent, de façon plus crue encore.
Le texte bascule ensuite en un récit de voyage, décrivant les passagers et leurs loisirs, en cette fin de XIXème - début du XXème siècle où les riches occidentaux voyagent pour le plaisir ou pour la science dans un monde devenu mondialisé par la colonisation, où les Egyptiens sont des boys et les Chinoises des femmes de chambre, où les Noirs africains sont des esclaves modernes sans le nom - puisque l'esclavage n'existe officiellement plus, mais qui sont de la chair à canon au sens propre pour qu'un officier teste ses nouvelles balles, qui sont exploités pour produire du caoutchouc ou un autre matériau exotique, et à qui l'on coupe les mains pour les civiliser. On croit ensuite lire une idylle, mais le personnage féminin au centre de l'attention de tous les hommes est vite conquis...
C'est ensuite la partie qui donne son nom au livre, où le personnage principal qui nous semblait dépravé, sans morale, faiblit face aux cruautés judiciaires et sexuelles qu'il contemple, mais surtout face au caractère de celle qu'il croyait aimer et qu'il découvre être un monstre pervers et dominateur, narcissique et violent. Comme dans un roman inversé à nouveau de Zola - La Faute de l'Abbé Mouret, ou plus généralement à rebours de tout l'imaginaire voyant dans le jardin le lieu des délices et des voluptés, ici, c'est le jardin des supplices. Et la beauté et le parfum des fleurs se mêlent à la pourriture de la décomposition, les pistils et les pétales aux morceaux de chair.
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Dans le plus pur style du XIXe siècle, ce récit d'Octave Mirbeau qui se présente comme un catalogue de tortures pratiquées en Chine sur les êtres humains est absolument hors norme. Si les tortures décrites sont abominables, Mirbeau ne franchit jamais la limite de l'insoutenable. le narrateur, colon français en Chine, est éperdument amoureux de la perverse Clara qu'il suit volontiers dans les caves où l'on expérimente les limites du corps humain. A sa suite, le lecteur hésite entre désir et dégoût... et finalement s'interroge un peu sur l'intérêt de cette aventure. Un récit provocateur et hors norme, certes, mais pourquoi faire et pour dire quoi ?
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