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EAN : 9782845230408
128 pages
Editions du Laquet (28/05/2001)
5/5   4 notes
Résumé :
On raconte qu'un homme, sorti de sa maison, abandonne un livre puis descend la colline, sans se retourner. Reste la femme. La femme qui n'a pas de nom, qui se tient à son tour devant la pente raide et la terrible absence comme devant les ténèbres. Cet abandon brutal, qui entraîne dans sa chute la maison, c'est la figure de l'homme qui est lui-même tombé, a déserté la terre et tous ses habitants. Or on comprend aussi par la bouche de la femme que l'écrivain lui-même ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Nouvelle lecture éblouissante.

Texte magnifiquement ciselé, paru il y a déjà une vingtaine d'années, et présenté ainsi sur le site sobre, sombre, et attrayant à la fois de Christina Mirjol : « Ce livre est un rêve polyphonique. Un rêve de ressassement. Un rêve qui ressasse une disparition. Un homme part, abandonne tout, s'en va, et ne revient plus. Sa femme, devenue vieille à présent, revit sur la colline le départ de cet homme, qu'elle regarde s'éloigner. »

C'est un texte que je trouve en effet très théâtral, avec un souffle époustouflant.

Huit chapitres, d'une douce et amère révolte silencieuse de la femme « de l'homme au livre » qui, « glacée de désespoir, écoutait en silence », dans un monde en déliquescence.

« — M'entend-il quand je suis ? Quand je veux ? de mes mains, de mes yeux, quand je veux, m'entend-il ? Ou bien devrais-je crier ? Crier ? Me délivrer ainsi de mes voeux silencieux ? »


« — Nul n'a besoin de livre, ni de ce livre en particulier, ni d'aucun autre livre pour continuer » prétend la foule. Moi, je vous le conseille vivement : le texte de Christina Mirjol appartient bien à cette catégorie d'écrits salutaires, car ne souffrons-nous pas tous un peu de « cet enragement à vouloir tout comprendre » ?

De très belles énumérations et toujours cet usage élégant et poignant des répétitions. Des questions scandées avec pertinence, comme pour accélérer parfois le rythme, déjà sous haute tension.

Des paysages disparaissent donc (« L'idée du paysage même, noirci, grillé, et du flottement insensé des atomes dans l'air, on l'avait déjà eue. Plus de mots pour penser on l'avait déjà dit. Quelqu'un hausse les épaules à l'entendre répéter “effacé” comme le seul mot au monde depuis plus de trois jours ») sous nos yeux, mais n'est-ce pas au profit d'une belle création nouvelle ? D'un livre comme surgi de nouveau dans le livre.

« […] ; marcher, marcher, remonter le talus et regarder en bas la terre abandonnée ; attendre jusqu'au soir, du blanc, obstinément qu'il noircisse ; que le bruit emplisse obstinément l'espace ».

Mettons-nous en marche, un livre à la main !

Un texte qui coule de source, mais avec une structure et une construction solides.

Retour au silence :

« Ai-je seulement une histoire, et est-elle d'abord racontable à quelqu'un ? Est-ce que j'en ai besoin ? Pour exister peut-être ? Est-ce qu'il la faut entière, dans l'ordre et que les silences parlent ? Est-ce qu'il faut toute l'histoire ? Est-ce qu'il faut le début ? Plus du tout de silence et les mots dans un sens ? Afin d'exister plus peut-être ! Plus ! Plus ! Est-ce qu'il faut dire voilà exactement mon histoire, dans l'ordre et avec l'idée de son déroulement du commencement jusqu'à la fin comme on traverse un bois ? »


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La fin des paysagesChristina Mirjol, Les Éditions du Laquet 2001*****
lecture en août 2023

Le vieil homme est las, le livre qu'il a à la main est usé, il ajuste ses lunettes, probablement pour lire mais
« ...il part, semble-t-il sans regret, et ne revient plus ». C'est le début de l'histoire, comme une fin, comme une séparation, non sans douleur.
Le livre, serait-il faux, trop usé, sans intérêt ? Des voix arrivent, chacune avec une affirmation comme une certitude pour mieux définir ce livre. La femme de celui qui est parti est présente aussi. Certitudes faibles doublées de doutes forts. Définitions sans sens, visages sans regards, polyphonie de voix sans incarnation.
« -Le doute, bien entendu. le doute. Une incapacité tout à fait radicale de continuer… Un jour, il ne supporta plus que quiconque devant lui prononça le mot livre, le mot famille, le mot maison. le mot jour, le mot nuit non plus ne signifièrent plus rien . Que s'était-il passé ?» p.11
L'interrogation est inquiétude et cette dernière appelle la détresse et la détresse se transforme en cri d'effroi et lamentation d'impuissance, litanies sans espoir de revoir la terre bleue devant la vérité cruelle d'un « Bleu. Un extraordinaire maquillage .»p.20, l'artifice c'est le nouveau naturel de l'homme.
Le livre de Christina Mirjol m'impose une lecture à voix haute et un rythme des pauses pour laisser le silence écouter l'écho des mots devenus paroles-message, prières pour que le silence ne devienne pas tombe, mais écoute, pour que les mots ne meurent pas mais transmettent une volonté, un espoir : « Rassembler les mots. Faire des listes. Puis refaire sans tarder le paysage avec. »p.26, et pour que notre insomnie soit éloignée par le retour des nuages, pour éviter la mort du monde, l'irréparable.
La suite ininterrompue d'interrogations, d'hésitations, de souvenirs perdus, de tentatives répétées de raviver la mémoire fatiguée, créent un style dont l'épure est chargée d'un poignant désespoir devant des repères perdus, du sens moribond, des têtes sans visage.
L'homme est parti, sans dire adieu. le départ, quel qu'il soit, une mort, une séparation, un voyage prolongé, une fuite ou autre, ouvre des questions qui nous obligent à les définir comme douloureuses. Elles parlent d'un secret vécu pendant longtemps, d'une présence jamais totale, d'une absence cachée mais bien présente.
Le livre de 126 pages, petit format, tient une polyphonie immense et ses échos multiples, des voix qui s'éloignent et disparaissent avec leurs hésitations et leurs chimères dans un monde pétri de certitudes.
Le questionnement grave de Christina Mirjol devant l'inéluctable fin des paysages, construit un récit en boucle fermée, un labyrinthe sans issue sur une toile de fond déchirée et décousue. Comment rapiécer les morceaux ? Peut-être faire des noeuds ? Où trouver une ficelle ? Où trouver l'envie ? A qui parler ? A qui s'adresser, et que dire ? Se plaindre, espérer, se révolter, être plaisant ou plein d'esprit ? Se venger ou pardonner ? Fractionner ou rassembler ?
Une litanie, une prière adressée… oh non, pas aux dieux, mais aux humains ! Qu'ils réapprennent à marcher sans piétiner, qu'ils retrouvent les sens de la planète bleue, de tout ce qui est vivant, qu'ils lisent et relisent tout ce qui est écrit entre ciel et terre. Ce n'est pas simple, pas compliqué non plus.
Les larmes qui coulent se font entendre, le vent qui passe dans les cils aussi, ils pleurent « le triste effacement de l'homme … plus glaçant qu'un fantôme » p.98. Il n'y a plus de pont entre aujourd'hui et demain, plus de forêt d'histoires qu'on avait l'habitude de traverser, il reste quelques vagues contours dans une tentative d'habiller un vide. « Tout est à refaire. »p.112
Christina Mirjol nous fait entendre un cri d'alarme, impuissant mais fort, une fin qui s'approche au galop par nos soins, une détresse qui s'exprime sans juger ni condamner, comme un appel, comme une urgence évidente pour que ce qui a été créé et transmis ne se transforme pas en traces fantomatiques d'un monde disparu.
Texte ciselé en toute finesse, baume et fouet à la fois.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Quelqu’un prétend que le livre aurait eu des images, mais un autre aussitôt le dément formellement. Un autre, que ces images étaient pour certains invisibles et pour d’autres éclatantes. Un autre qu’il est absurde d’imaginer qu’un tel livre pût avoir été illustré d’une quelconque image. Un autre reconnaît que le livre n’avait nullement besoin d’images pour être compris de tous. Quelqu’un dit pourtant solennellement que les images du livre étaient pour qui savait les voir des merveilles, et un autre qu’un livre sans images est naturellement illisible aujourd’hui. La plupart cependant n’entendent pas “image” dans des dimensions communes et n’ont pas d’avis. Un dernier dit : le livre n’avait pas d’images. Et il ajoute aussi : il n’avait pas de mots non plus. Le livre n’avait rien du tout ; c’est pourquoi tous l’avait oublié.
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En pleine terre se dit quand on plante en plein champ ; retirez les pots, vite, je dis, et plantez là comme moi dans vos pâturages ! Labourez labourez abreuvez vos sillons mais contre la politique bien sûr de la terre brûlée ! Abreuvez sans vous arrêter ! Je lis terrier terrien terrienne à toute vitesse et dans tous les sens en levant les bras en sautant sur mes pieds et en m’enfouissant le visage dans les mains.
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Tout ce que je vois, je l’écris. Le nom des arbres, des pierres, des oiseaux, des plantes, des hommes et des animaux. J’embrasse les mots dans des pages d’écriture et je me les fais lire. Je me récite les mots comme si j’étais un autre. Des listes magnifiques qui peuvent se réciter avec des voix multiples et même se chanter, mais que je ne lis bien sûr que dans le fond secret de mon intime retraite.
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Je me souviens d’un monde où je suis déjà grande et où grande je traverse la forêt des histoires. Je me souviens que je joue et peut-être aussi qu’à travers la forêt je me sauve. Couche-toi dans le pré mouillé et roule-toi dedans, m’entends-je dire et je me souviens aussi qu’aussitôt je le fais.
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Cependant que se croisent, grossièrement mêlés, ces propos désolants et de si noir augure, je me surprends soudain sauvagement tournée dans l’attitude guerrière où ma main jette en l’air des cailloux comme des lances ; puis, dans l’instant qui suit, comme si c’était hier, j’entends sur la colline le tremblement des pierres. Je me retourne. Personne. Seule, la femme, sur le tertre, une pierre à la main, discourt, interpellant du talus on ne sait qui.
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