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EAN : 9782924550427
ÉLP éditeur (22/11/2018)
4.56/5   8 notes
Résumé :
Une question se pose en permanence quand on lit de la fiction : celle de la force d’évocation. Comment, par quel mystère ondoyant, aussi intangible que savoureusement satisfaisant, un traitement ordinaire, des thèmes ordinaires, un rythme ordinaire, un genre littéraire ordinaire, une langue ordinaire, dépouillée même, sobre, simple… peuvent mener à des résultats extraordinaires. C’est cette question captivante qui nous hante en permanence lors de la lecture de ce re... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique

J'ai été impressionné par la délicatesse et l'originalité de l'auteure d'aborder le dernier épisode de notre existence humaine : la mort.
C'est ce thème quasi tabou cependant qui constitue l'élément-clé des 9 nouvelles du recueil de notre amie Christina Mirjol, "chris49", sur notre site de lecteurs.

Un tel défi pour réussir implique, à mon avis, une double condition préalable, à savoir une solide connaissance psychologique allant de pair avec un langage littéraire de haute qualité.
Me basant sur ces deux critères d'évaluation, je ne peux que constater que Christina Mirjol a parfaitement réussi son coup à la fois ambitieux et audacieux.

Je n'ai relevé aucune invraisemblance psychologique dans la description de ses personnages, pourtant confrontés à la pire réalité, en l'occurrence la disparition définitive d'un être proche. Leur réaction à la découverte soudaine d'un parent ou ami décédé peut surprendre mais, même dans le déni ou refus des faits, reste fondamentalement humaine.

Comme le formule un personnage à un certain moment : "...Il ne fait jamais noir, tu ne trouves pas ?... Jamais vraiment tout noir... Jamais noir tout à fait. "

J'ai relu certains passages d'un oeil critique en me posant la question est-ce que l'attitude d'une telle ou d'un tel face à la fatalité est réaliste ou simplement plausible et la réponse est oui, absolument.

J'ai décidé de lire une autre oeuvre de notre amie "Suzanne ou le récit de la honte" qui a d'ailleurs reçu une excellente critique sur Babelio.

Avant de vous recommander chaudement la lecture de ce recueil hautement littéraire, je vous suggère de payer une visite au superbe site "christinamirjol.com".
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LES INVITEES – nouvelles -, CHRISTINA MIRJOL, CM 2019*****

Les invitées, neuf pages seulement, une rencontre entre elle et la petite fille, et la plume sensible, attentive, tout en retenue de Christina Mirjol, reste à l'écoute, nous fait entrer sur la pointe des pieds dans ce que la vie ne peut ignorer, qui nous arrive à tous, un jour… elle s'invite sans demander notre avis et y reste et nous partons.

Rien , « moi non plus je n'ai rien compris... » dit Emilie sur son lit d'hôpital, « je ne comprends pas, dit Elisabeth, elle était là, il y a cinq minutes... on est là et on n'est plus là, il n'y a rien d'autre à dire »p.22. Et un feuillet d'Hypnos de René Char me revient en mémoire : « ...Nous voici abordant la seconde où la mort est la plus violente et la vie la mieux définie. »(feuillet 90)

Le temps de notre vie, un collier de petites perles, minuscules, certaines sont colorées, d'autres pales, d'autres encore de vrais onyx noirs, chacune liée à sa voisine, toutes ensemble ouvrent et ferment le collier de notre temps sur terre. Mémoire ou souvenir oublié de la première perle, présence de celle qui vient d'arriver, regard sur la dernière qui, jamais invitée, se pointe quand même à un moment donné.
Gestes, moments furtifs, un mot des mots, quelques questions, faits sans valeur aucune, avec beaucoup d'importance, éparpillés, égarés, sans commencement ni suite.

Pas de descriptions, ni de contemplation, juste des questions avec soi, dans l'éveil ou dans le rêve aux yeux grands ouverts. Plein de questions qui restent derrière, à la traîne, nous abandonnent dans notre avancée vers un rendez-vous que nous ne cherchons pas, qui vient à nous, le jeu de la vie dont elle seule rit, nous d'un rire jaune. Après son passage la non invitée laisse le manque, immense pesant rempli de souvenirs, d'une présence, de ses rires et ses colères, des moments sombres aux pas lourds, des moments légers lumineux aux pas rapides pressés, et toujours le manque en répétitions de clepsydre ; il oublie la chronologie du temps, il le fait reculer et l'arrête dans le passé pour le tirer après vers un futur incertain ou le laisser faire « ...il n'a plus qu'à attendre. A attendre que le temps passe. » p.103

Un drôle de rire « Elle est morte cette nuit. C'est cette petite phrase qui me reste… Cette petite phrase cinglante. Prodigieuse d'idiotie… Une telle énormité, me disais-je en moi-même, d'où sort-elle ?...Dans un duo de clown elle aurait pu jaillir… Des chapeaux et des poches, des manches pleines de farces… Elles glissent, elles se répandent et tous les personnages se tortillent et dérapent et se cassent la figure. »p.29. « Non ce n'est pas une blague… Mais qu'est-ce que c'est... si ce n'est pas une blague ? Et pourquoi donc je ris ? »p.33

Avec Anne L'écriture s ‘arrête devant la douleur, l'incompréhension, les souvenirs maintenant la seule réalité, l'écriture est muette et nous dit beaucoup par trois points de suspension…
Discrètement, la plume de Christina Mirjol se pose, tel un oiseau, sur la douleur et l'effleure en douceur comme pour ne pas la réveiller, comme pour lui dire que « Il ne fait jamais noir, tu ne trouves pas ?… Jamais vraiment tout noir... Jamais noir tout à fait. »p.66.

Elle arrivera un jour, nous le savons, mais restons ignorants du quand et du comment. Elle peut être rapide violente cynique un marathon de douleur ou un sommeil prolongé.
Une simple retouche. le « si seulement j'avais su » ne sert jamais à rien, c'est le plus que parfait. Elle nous enlève ceux qu'on aime, elle nous enlève à ceux qui nous aiment, pour elle peuvent être de simples retouches, mais pour nous…

Neuf nouvelles, un personnage, elle, qui s'invite sans être invitée. Par des touches d'aquarelle et un style simple, dépouillé, des plus émouvants, ou des évocations gravées par le mordant acide (Louise en été) Christina Mirjol parle de ce qui nous affecte le plus lourdement, de ce qui ne pardonne personne, cette auto-invitée qu'on devrait peut-être prendre au sérieux pour donner plus de légèreté et plus de valeur à la vie. Une invitation de l'auteure, délicatement détournée, à la vie, l'entretenir et la sauver, nous sommes tous invités.

Merci, merci Christina.
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Recueil de nouvelles toutes inspirées par la mort, la mort en action devrait-on dire... mais la mort se dit-elle, se raconte-t-elle ou ne parle-t-on jamais que du vivant, du survivant ?
Parler, c'est bien de cela qu'il s'agit, des voix qui parlent, qui s'entremêlent. la mort ne s'écrit pas, encore moins qu'elle ne se dit. Ces voix donc qui, à son approche ou quand elle tourne le dos, s'entremêlent indistinctement, laissant à peine effleurer des bouts de sens, de lambeaux de vécu.
Avons-nous ici affaire à de purs tropismes tels que Nathalie Sarraute nous les a révélés ? L'univers de la sous-conversation, des mots échappés, des souvenirs qui se balbutient ? Tout cela glisse doucement dans une prose efficace non pas vers une fin car la fin est déjà consommée quand surgissent ces voix, ce récit, mais glissent vers un pan de lumière, comme dans cette nouvelle toute en délicatesse "Avec Anne".
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C'est la première fois que je lis des nouvelles de Christina Mirjol et je suis littéralement saisie. le souffle coupé. Essoufflée comme après avoir couru.
Les mots s'y bousculent en cascade dans des structures complexes dans lesquelles l'histoire avance par vagues qui viennent se retirent et reviennent.

Grâce une répétition de mots, ou de phrases entières qui s'entrechoquent et se renvoient les unes aux autres, une grammaire complexe où les temps font fi des règles et brisent les repères, nous sommes ainsi secoués jusqu'à une chute qui nous donne un sentiment de stupeur.

Je pense en particulier à "Drôle de rire", récit très complexe , une saynète comme dit l'auteure elle-même, avec des retours en arrière constants, mais toujours revient la même phrase, "Marie-Louise est morte, elle me dit".
Le tour de force consiste à mélanger les époques, c'est à dire le passé et le présent, puis de revenir au drame comme s'il se passait au moment du récit. le lecteur doit faire des retours en arrière pour se maintenir à flot. de plus, le moment présent ( la "saynète) est lui-même figé absurdement, le cadre de la porte, la casserole.
"Elle est morte, je te dis...Pourquoi tu ris?" Et juste après "elle est morte, continuait ma mère, obsédée à présent par ma bouche de travers qui était tordue de rire". On voit ici comme ce lien complexe entre le temps de l'action, celui du récit, et celui du présent : où sommes nous? Maintenant? Il y a quarante ans?
Et puis on revient à un autre moment, celui d'un incident rapporté par la narratrice, sur une équipée à ski extravagante dont le souffle nous balaye dans une bourrasque de neige.
Et toujours le rire et une nouvelle fois "ce n'est pas une blague, d'être morte, dit Christiane".
Complexité aussi dans l'opposition entre le "narrateur" (dit Christiane) et le "je" de Christiane, hors dialogue, que l'on trouve à chaque pas : "Je regarde les yeux de ma mère qui me fixent ronds de stupeur".

Christina Mirjol fait passer avec force notre incrédulité devant le néant, la disparition. Notre incompréhension totale. Notre peur? Non, je ne pense pas.

Quelque chose m'a frappée en lisant cette nouvelle : j'ai entendu comme un écho des phrases de Thomas Bernhard avec leurs "rappels", tels que "dit-il", "c'est lui qui parle", ces phrases "tournantes".

"un jour, c'est lui qui parle, je serai broyé entre Bach d'une part et le Steinway d'autre part...A longueur de vie, j'ai peur d'être broyé entre Bach et le Steinway...L'Idéal serait que je sois Steinway, je pourrais me passer de Glenn Gould, dit-il".

J'espère ne pas en avoir trop dit. Lisez ces nouvelles, vous verrez à quel point elles sont fortes, dis-je.

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S'il y a bien un contexte ou l'ambiance reflète la densité de la situation, c'est celui de la mort, propice à des réactions diverses voire saugrenues et des dialogues pour le moins décalés.

je me rappelle notamment "La mort du père" de Roger Martin du Gard, au tome six des Thibault, magistralement interprétée.

Ce recueil de neuf magnifiques nouvelles, véritables perles de lecture que je vous invite à lire doucement, sans les enchaîner, en prenant le temps de les assimiler dans ce qu'elles distillent d'émotions, de brutalité, de sensibilité et parfois d'humour, sont sublimées par le style si particulier de l'auteure, merveilleusement adapté au choc inévitable de la découverte et de l'évocation de la mort.

Ma préférence, sans nullement dénigrer la qualité des huit autres, ira à "Louise en été", ou la détresse des agents des pompes funèbres, pendant le célèbre été 2003 qui causa le décès prématuré de plusieurs milliers de personnes âgées, contrebalance la légèreté de cette attachante vieille dame qui n'a plus personne à la fin de sa vie, revêtue d'une dignité exemplaire.

Le tour de force est ici, redonner vie et dignité à ces acteurs bien malgré eux d'un moment difficile, en soulignant les effets que cette disparition brutale occasionnent, et en n'hésitant pas, par ailleurs, à faire dialoguer le mort lui-même pour en accentuer le trait.

Extrêmement sensible et d'une qualité rare, écrit avec justesse et profondeur, ce recueil est une pépite littéraire à consommer sans modération.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
« Élisabèèèèth », chantonnait doucement Pierrette toute la journée.
Elle caressait son ventre, chantonnait dans sa langue, son tout petit accent.
Je l'écoutais chanter. Elle était lumineuse. Dans l'attente d'accoucher. J'étais bêtement assis ; je n'attendais rien d'autre que la fin de la journée.
« Elisabèeeèth », entonnait-elle encore en caressant son ventre.
J'écoutais ébahi. Je savais à présent que c'était définitif. C'était là, c'était ça, ce serait Élisabeth ; or, j'avais pour ce prénom, dès qu'il fut prononcé, une totale aversion.
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ce n'est pas une blague, ce câble d'acier qui casse, incriminant, qui sait, une rupture de vaisseau, un excès de passion, des descentes prodigieuses, des sauts phénoménaux, d'immodérés pas de danse. Non, ce n'est pas une blague de tomber, boum, d'un coup, morte, morte, pendant que le monde dort. Non, comprenais-je effrayée dans le bâillement de la porte, entre le dernier acte et le lever de rideau, pliée en deux de rire, riant, riant, hurlant, devant la tête penchée de ma mère dans le cadre qui demeurait bouche bée ! Non, ce n'est pas une blague... Mais qu'est-ce que c'est, maman, si ce n'est pas une blague ? Et pourquoi donc je ris ?
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Autour de ce rire fou - abyssal, dit Christiane -, un foisonnement de choses pour autant m'accapare, sans limite, sans cloisonnement.... : une collection de traces que j'avais dans la tête et qui s'étire maintenant vers les cimes du Cantal et les tomes de fromage au fond d'une cave sombre...Et non loin de se perdre dans la fraction de seconde où elles passent, ces empreintes s'organisent en une sorte de tableau assez indéchiffrable, dans lequel se retrouvent côte à côte la casserole, le chambranle de la porte, la tête blême et penchée de ma mère dans le cadre, ma chemise en carton, les monstrueuses figures déformées des massifs - on n'y voyait que dalle. Rien. Rien. Que du blanc, dit Christiane...
Non, comprenais-je effrayée dans le bâillement de la porte, entre ce dernier acte et le lever de rideau, pliée en deux de rire, riant, riant, hurlant devant la tête penchée de ma mère dans le cadre qui demeurait bouche bée.
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Heureusement, se dit Louise, que j'ai mis mon gros pull, la veste que j'aime bien, et aussi mes chaussures! Cette veste, c'est ma plus belle, j'ai bien fait de la mettre...Et mes drôles de chaussures achetées en pharmacie, j'ai bien fait de les acheter! Pas vraiment à la mode mais si douces! ...Et personne n'en voulait! Elles me faisaient de la peine, serrées l'une contre l'autre en retrait de la vitrine; on aurait dit deux taupes.
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(La version brochée du livre, paru chez ELP Éditeur en novembre 2018, est désormais disponible).

Ah ! Martine, ce couloir ! dit Élisabeth qui déboule... tu n'imagines pas une nuit plus profonde. Plus longue. Un cauchemar. Personne. Des cris. Des yeux qui brillent. Des petites lumières blafardes sur le point de s'éteindre, pas un seul témoin, Martine, tu m'écoutes ? Le couloir... Il est plus long qu'une journée et personne au bout , figure-toi ! Et alors, où est-ce qu'ils sont ? Où est-ce qu'elle est ? Je te jure. Soi-disant un hôpital. Un hôpital de pointe. Soi-disant de pointe, dit Élisabeth. Où est-ce qu'on va ? Où est-ce qu'on va ?... Ohé !... Il y a quelqu'un ?
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