La Kronik D'Eppy
Après des échanges virtuels sur FB pendant plus d'un an j'ai enfin eu la chance de rencontrer
Ludovic Miserole dans la vraie vie. Ce fut au salon de Nemours en janvier 2018. Des échanges passionnants avec un auteur abordable, souriant et passionné. J'avais prévu de découvrir son travail. La fin de l'Atelier Mosesu a précipité ma lecture.
Ce roman tombait à point nommé car j'étais (je suis) en pleine overdose de noir. Ok je vous vois venir, overdose de noir, mais un bouquin sur un nègre, vous vous dites : elle se moque de nous et veut nous faire avaler la fève la môme EppyFanny !
Trêve de plaisanterie. le sujet du roman est sérieux.
C'est donc avec délice que je me suis plongée dans ce roman, préfacé par ce cher
Michel de Decker. Un tel adoubement vaut de l'or.
L'Histoire (avec un H majuscule car l'Histoire avec un grand H y est bien présente) :
Ce récit est celui de Zamor, cet enfant exotique offert tel une poupée ou un joli animal à la du Barry. La du Barry qui lui offrira le gîte et le couvert, le fera instruire, baptiser et veillera à ce qu'il soit toujours impeccable. Mais si elle veille à son apparence et à son éducation, elle ne prendra jamais sa défense. Après tout il n'est qu'un page.
Extrait page 21: « Tout ce qu'il voulait, c'était un peu de tendresse ou, à défaut, un peu d'attention. Que Madame, par exemple, prenne sa défense lorsqu'il était sujet aux railleries de ces mines blafardes aux têtes poudrées et parfumées dont les rires stridents lui écorchaient les oreilles. Au mieux, il avait droit à de l'indifférence. Au pire, à des moqueries encore plus cinglantes de celles qui auraient dû pourtant le défendre telle une mère. Mais trouver le bon mot, la juste formule, la phrase assassine était tellement tentant.
Madame du Barry tenait salon et, de fait, tenait également son rang. »
Ce bonheur apparent volera en éclats avec l'idéologie défendue par les instigateurs de la révolution française. Ces grandes idées, dont celles de Rousseau, Zamor va les faire siennes. Toute la rancoeur accumulée contre la du Barry qui a laissé les puissants qui fréquentaient ses salons le brocarder et l'humilier, va gronder et déborder. Zamor sera sans pitié.
Extrait page 22 : « « Elle ne l'entendait désormais jurer que par le Contrat social de Rousseau et autres ouvrages contestables. Il discutait de démocratie, de peuple souverain à l'origine de la vie collective. Hélas la comtesse n'y prêtait qu'une oreille amusée. Que de chemin parcouru en effet depuis l'arrivée du petit esclave à Versailles ! Dorénavant, l'étranger parlait parfaitement le français et l'illettré d'hier faisait maintenant dans la philosophie, clamant haut et fort que « les peuples se sont donné des chefs pour défendre leur liberté et non pour les asservir ». »
George Greive, un proche de Marat et de Benjamin Franklin assoiffé de sang, est dévoré par la haine qu'il porte à la du Barry. Haine aussi forte que son désir. Il veillera à entretenir la colère de Zamor et s'assurera que ce dernier témoigne contre sa marraine lors de son procès. Procès qui la conduira à l'échafaud.
La du Barry emprisonnée, espérera jusqu'au bout, pensant que l'intervention miraculeuse de ses chers habitants de Louveciennes se reproduirait.
Extrait page135 : « Dans quelques semaines, après le décès de son ancienne maîtresse, il fera tout ce qu'il lui est possible pour ne plus parler d'elle ni des jours passés à la Cour. Il entend se transformer en un citoyen comme tout un chacun. La mort de Jeanne, il ne la souhaite pas. Elle lui est devenue nécessaire. »
Greive est un être sans âme, il pillera les biens de la Comtesse non pour la cause, mais pour son enrichissement personnel et fera disparaître les personnes susceptibles de lui nuire.
Extrait page 101 : « Les tableaux dont son portrait, ont été décrochés des murs.
- Je peux t'expliquer, Benoît.
- M'expliquer quoi ? Que tu es un voleur en plus d'être un fieffé menteur ? Nul besoin. La démonstration en est parfaitement faite.
- Ce n'est pas ce que tu crois.
- Non, c'est ce que je vois, persifle Zamor. Dois-je te rappeler que tu n'es pas chez toi dans cette demeure ? »
Ce récit aborde en détail une page de notre Histoire de France et certaines actions pas toujours glorieuses. Ludovic, grâce au travail titanesque de recherches qu'il a accomplies, mêle savamment la grande Histoire avec des personnages fictifs. le tout donne encore plus de force et d'humanité à son récit. Car c'est bien d'humanité dont il s'agit et de ses travers. Nombreux.
Au nom de la révolution Française, des exactions furent commises, pas toujours pour un idéal. C'est que l'envie, la jalousie, la vengeance et l'appât du gain ont de beaux jours devant eux. Il nous parle aussi de cette soif d'acceptation et de reconnaissance.
Soif légitime, mais pas toujours bonne conseillère et si proche de la vengeance…
Et il nous parle de désillusion et de solitude.
J'ai adoré ce roman. Les personnages réels comme fictifs ne laissent pas indifférents, que nous les aimions ou les détestions, voir que nous les plaignions.
Merci Ludovic pour ce très bon moment de lecture.
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