C'est gris. Il pleut. Holon. Une banlieue assomante, quelque peu insipide de Tel-Aviv, là où il ne se passe pas grand chose. Avraham est maintenant chef de la section des homicides. Il est confronté à sa première enquête pour meurtre. Effectivement, une dame , sexagénaire, est retrouvée étranglée dans son appartement. En plus d'être maintenant le chef, Avri est en couple. Marianka, est venue de Belgique pour vivre avec lui en Israël. Ce qui n'a rien pour arranger sa conscience, son incertitude, ses doutes . Tout comme dans les deux premiers opus de cette série, soit "Une disparition inquiétante" et "La violence en embuscade", notre commissaire est inquiet, anxieux. Et ici, seul, sans sa supérieure/mentor-Ilana Liss- qui est à soigner un cancer, il se sent un peu perdu. On dirait que les changements dans sa vie tout autant professionnelle que personnelle ont du mal à passer. Si notre ami faisait des ulcères, celles-ci seraient drôlement souffrantes. Et cerise sur le sundae, les parents de Marianka décident de leur rendre visite, passer quelques jours avec eux en Israël. Petite visite qui sentira le vent froid du nord et l'hostilité. Rien pour soulager l'anxiété d'Avraham. Encore une fois dans ce titre, Dror Misahani réussit à nous tenir en haleine avec peu de suspense. Dès le départ on connait presque tout du meurtre. La force de l'auteur? L'intérêt qu'il porte aux personnages, à leur vie, à leur intimité. Dans le fond, c'est ce qui hante Avraham. Qui sont ces gens ? Comment vivent-ils? Comment réagissent-ils? Quel est leur quotidien? À quoi sont-ils confrontés? Et de là, l'auteur réussit à nous peindre un pays qui regarde toujours par-dessus son épaule, des moeurs, des gens , une délinquance , une criminalité.
Abonnée et fidèle à Dror Mishani, je suis.
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– Tu crois que je m’accroche à ce scénario parce qu’il me convient ?
– Ce n’est pas ce que j’ai dit, Avi. J’ai dit que…
– Mais c’est ce que tu penses ?
– Non. Je pense que tu es sur la bonne voie. Mais tu as aussi intérêt à vérifier en parallèle d’autres pistes.
– Pourquoi ce scénario me conviendrait-il ?
Elle ne dit rien et éteignit la cigarette qu’elle venait d’allumer. Lorsqu’il lui reposa la question, elle lança soudain, non sans irritation :
– Et si c’était parce que tu ressembles un peu au type que tu cherches ?
Il crut qu’elle plaisantait, mais lorsqu’elle reprit la parole, il vit dans ses yeux une lueur qu’il ne leur connaissait pas.
– Ne te vexe pas, s’il te plaît. Ce que je veux dire, c’est que, d’une manière générale, les policiers œuvrent pour attraper et mettre en prison ceux qui enfreignent la loi. Tu m’accorderas que telle est notre mission. Sauf que toi, tu es guidé par autre chose, exactement comme ton mystérieux enquêteur, puisque ce n’est pas pour attraper leur agresseur qu’il interroge ces femmes, n’est-ce pas ? Il agit pour d’autres raisons. Des raisons qui lui sont propres. Eh bien, toi aussi. Je ne suis pas certaine de comprendre ce qui te motive, ce que tu cherches exactement, et pour être totalement honnête avec toi, j’ai toujours pensé que c’était ce qui t’empêchait de devenir aussi brillant que tu devrais l’être. Mais il n’est peut-être pas trop tard pour changer.
– Parce que je veux être le livre tout entier. Jusqu’au happy end. Ou jusqu’à la fin tragique.
– Tu le seras peut-être. D’ailleurs, c’est ce qui est beau dans les livres, non ? Qu’on ne puisse jamais savoir à l’avance comment ils se terminent.
– Sauf dans les romans policiers, précisa-t-il. Dans un polar, on sait toujours que le coupable est démasqué à la fin et que la vie continue pour les innocents.
Elle s’installa devant l’ordinateur du bureau, hésita à écrire un mail ou autre chose, peut-être une lettre à Avi, peut-être un roman policier, pourquoi pas ? Mais il y avait tellement de choses en elle qu’elle en fut incapable. Alors, pour la première fois depuis son arrivée, elle sortit seule dans la nuit, comme elle le faisait depuis toute petite d’abord à Koper, ensuite à Bruxelles. Elle s’attendait à être saisie par le froid, mais ce fut un air sec et poussiéreux qui l’accueillit dehors et la renvoya à la sensation d’être une étrangère en ces lieux. Les rues de Holon étaient vides, la plupart des immeubles obscurs, et elle ne savait où aller. Pas non plus si tout cela était une erreur. Ou le début d’une aventure.
Assis en tête de table, son père gardait les yeux fixés sur l’assiette vide devant lui, un bavoir autour du cou. En le regardant, Avraham vit l’homme qu’il avait été et dont rien ne subsistait. Il lui effleura l’épaule, comme il avait commencé à le faire depuis quelque mois, puis se pencha et lui murmura à l’oreille : - Papa, on a des invités. Le père et la mère de mon amie.
Un sourire illumina les yeux du vieil homme, qui hocha la tête.
Marianka avait expliqué à ses parents qu’à la suite d’un AVC l’état de santé de leur hôte se dégradait de plus en plus, pourtant Avraham eut l’impression que Bojan et Annika regardaient son père comme ils avaient regardé les rues et les immeubles du quartier de son enfance : avec une sorte de commisération méprisante. » p 174 a - 10
Mais l’expression de dégoût qui se peignit sur le visage du couple pendant qu’ils mangeaient, Avraham espéra que son père ne l’avait pas remarquée. Aux questions que leur posa sa mère dans un très mauvais anglais – sur la Slovaquie, leur intégration en Belgique, la musique classique et les principes de la foi chrétienne – , ils répondirent comme s’ils s’adressaient à des enfants.
https://www.laprocure.com/product/1185238/mishani-dror-a-un-simple-enqueteur
Dror A. Mishani
Un simple enquêteur
Collection Série noire
Éditions Gallimard
« Et si on lisait un policier, un bon policier ? Ça tombe bien, Dror Mishani sort une nouvelle enquête de son personnage Avraham Avraham. C'est un auteur israélien. On appelle son personnage : le Maigret israélien. Ce n'est pas pour rien, c'est assez psychologique et effectivement, il y a une petite ressemblance. En tout cas, les amateurs de Simenon seront ravis pour ceux qui ne le connaissent pas encore. Cette nouvelle enquête d'Avraham Avraham — il s'est marié récemment, il est devenu commissaire — pas loin de Tel Aviv et il a envie d'une belle enquête à la hauteur de son ambition. Il va se retrouver avec deux affaires... »
Marie-Joseph Biziou, libraire à La Procure de Paris
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