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Critique de Iansougourmer


Dojoji rassemble quatre courts textes de mishima publiées en 1966 et extraites du recueil la mort en été.

Le premier texte me paraît assez mineur, c'est une court pièce de théâtre intitulée Dojoji. Alors qu'un antiquaire organise la vente aux enchères d'une armoire immense et mystérieuse, une jeune femme interrompt la vente. Prénommée Kiyoko, elle veut absolument acheter l'armoire à un prix dérisoire. Elle fait fuir les potentiels acheteurs en révélant l'histoire de cette armoire : le jeune homme qui était son amant l'a délaissé au profit d'une riche femme qui a abrité leurs amours dans la grande armoire où vivait à présent reclus l'amant de Kiyoko. Découvrant qu'il a été trompé le mari a tué le jeune homme alors qu'il était dans l'armoire. Kiyoko est persuadée que c'est sa beauté qui a détourné son amant d'elle, et se résout à se défigurer le visage avec de l'acide en s'enfermant dans l'armoire pour devenir laide. Finalement l'antiquaire et d'autres personnes réussissent à la détourner de son funeste projet.
Mon opinion personnelle concernant cette pièce est qu'elle est d'un intérêt limité. le style habituellement raffiné de Mishima semble ici banal, les répliques connaissent quelques longueurs, en particulier au début, même s'il est vrai que certaines répliques sont assez bien ficelées. de plus, j'ai trouvé l'intrigue assez simpliste voire naïve, avec le lieu commun maintes fois rebattu du triangle amoureux et une fin que l'on pouvait prévoir...

Fort heureusement, l'auteur monte en puissance lors du deuxième texte, une nouvelle dont le titre est les sept ponts. Tout d'abord le thème abordé est très intéressant, car il est consacré à l'univers typiquement japonais des geishas et plus particulièrement des cérémonies propres à ces femmes. Trois geishas, Masako, koyumi et kanako accompagnées de la servante Mina, effectuent un pèlerinage qui doit leur permettre d'exaucer un voeu qui leur est cher ; pour cela elles doivent franchir sept ponts sans parler ni se retourner tout en effectuant des prières. À la fin, seule Mina parvient à voir son voeu se réaliser. Mishima nous dépeint un aspect méconnu du Japon avec finesse, les personnages sont comme toujours chez cet auteur d'une grande subtilité. L'écrivain parvient en effet à décrire la fébrilité et l'égoïsme grandissants des trois geishas au fur et à mesure que le pèlerinage approche de sa fin. Mon seul bémol est que là encore la fin est un peu convenue : on se doute dès le début que la servante mérite de voir son voeux réalisé puisqu'elle est moquée par les autres, qui en outre sont décrites avec des souhaits égoïstes et futiles. Je trouve donc que notre plaisir est gâché par cette fin attendue et moralisatrice.

Patriotisme est la nouvelle la plus marquante de ce recueil, elle mérite vraiment le détour : Mishima nous fait le récit du suicide rituel d'un jeune officier et de sa femme, le jeune officier se faisant seppuku pour protester contre le conflit au sein de l'armée impériale entre ses jeunes amis putschistes et le reste de l'armée.
Cette nouvelle est magistralement écrite, le style est noble et classique et les émotions sont exacerbées. Mishima crée une rencontre intense entre les corps du mari et de la femme, qui s'unissent dans une étreint charnelle vibrante et subissent les tourments des lames acérées, et les émotions haletantes de l'amour, du devoir et du courage. Patriotisme m'a séduit par sa pureté et sa beauté, beauté d'un geste héroïque et pureté d'un rite macabre codifié qui semble faire plier la volonté des personnages, les reléguant au rangs d'acteurs. Mishima fait de la mort un processus initiatique qui amène à un état de sérénité, la mort étant le moyen de trouver cet état. Cette nouvelle est fascinante car elle semble être un manifeste de l'auteur en faveur de la mort rituelle par hara-Kiri, mort à laquelle il se soumettra plus tard lui même et paraît donc préfigurer la propre mort de Mishima qui veut par ce récit et ce geste affirmer son attachement aux valeurs du Japon impérial.

Sur un ton plus léger la nouvelle la perle décrit les péripéties d'une bande d'amies réunies pour l'anniversaire de l'une d'elles, madame Sasaki, qui par mégarde fait tomber une perle dans le gâteau. Laquelle des invitées à t- elle mangé la perle ? Coups bas, mensonges, entre ces dames tout y passe et les escarmouches sont rudes ! Mishima nous amuse et nous fait voir à travers ce récit le monde feutré mais sans pitié de ces dames qui se déchirent pour des broutilles et sont prêtes aux stratagèmes les plus sophistiquées pour vaincre leur adversaire ! Une nouvelle très amusante et assez fine sur le comportement féminin ! À lire !

Au final ce livre constitue une bonne introduction à Mishima même si les nouvelles sont inégales. On retrouve tout de même bien l'esprit et le style de l'auteur.
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