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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Troisième opus de la tétralogie de Mishima, "Le temple de l'aube" est bien différent des deux premiers dans la mesure où l'histoire se déroule en partie hors du Japon.

Le personnage central de la tétralogie, Honda, était au début de celle-ci, en 1912, un brillant étudiant de 18 ans.
Juriste en droit commercial, il se trouve à Bangkok en 1940, pour le compte d'une société japonaise en litige avec un client thaïlandais et profite de l'occasion pour visiter le Siam.
Il n'est pas mécontent de prendre un peu de distance avec la vie trépidante de Tokyo et son climat politique délétère. La tentative de coup d'État d'un groupe d'ultra-nationalistes quatre ans plutôt a marqué les esprits, renforcé le militarisme japonais et entraîné la seconde guerre sino-japonaise.

Depuis sa jeunesse étudiante, Honda est attiré par les anciennes lois indiennes de Manu qui donnaient une importance particulière à la réincarnation.
Ainsi dans le deuxième opus a-il défendu au pénal un jeune homme, Isao, accusé de tentative d'assassinat. Honda voyait déjà en Isao la réincarnation de son ami d'enfance Kiyoaki.
Au cours de la visite d'un palais de Bangkok, il a une entrevue avec une petite princesse de six ans, Clair de lune, qui se dit la réincarnation d'un japonais. Intrigué, Honda se prend à croire que la fille du demi-frère du roi est peut-être la deuxième réincarnation de Kiyoaki.

Malgré la complexité des thèmes abordés et notamment celui de la transmigration des âmes, la lecture n'est jamais rébarbative.
Mishima explique avec force détails les concepts philosophiques et religieux nécessaires à la bonne compréhension du roman, explications pas le moins du monde fastidieuses tant sont omniprésents la beauté de la prose et les talents de vulgarisation de l'écrivain.

Ayant brillamment solutionné le litige commercial, Honda se voit offrir un voyage d'agrément en Inde. Commence alors un périple touristique qui ravira les amoureux de cet immense pays, avec notamment les visites guidées de :
- Bénarès, la terre sainte vivante de l'hindouisme, située sur le Gange,
- Agenta et ses célèbres grottes, haut-lieu du bouddhisme jusqu'au IVe siècle de l'ère chrétienne.

Magnifique roman d'évasion empreint de sagesse orientale, "Le temple de l'aube" peut se lire indépendamment des deux premiers volumes de la tétralogie, surtout si vous projetez de visiter les pays précédemment cités.
Les lecteurs des deux premiers opus goûteront le côté dépaysant de celui-ci, l'intensité dramatique en moins.

Le long cheminement culturel qu'impose Mishima à son héros, développe chez celui-ci une réflexion à plusieurs niveaux l'empêchant de penser de façon simple et directe. Cette profonde introspection permettra-t-elle à Honda de trouver le chemin d'une paix intérieure et de dépasser le mystère de la transmigration des âmes qui depuis des décennies le perturbe ?
Le démon de midi qui peu à peu se réveille chez Honda dans la seconde partie du livre, accentue encore un peu plus son questionnement existentiel. Sans concession pour son héros qui refrène difficilement un voyeurisme obsessionnel, l'écrivain nous réserve un épilogue d'une originalité savoureuse.
La grande littérature est une fois de plus au menu du Chef Mishima !
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Le temple de l'aube est la partie la plus composite et la plus contrastée de la tétralogie. Il est scindé en deux parties principales de 200 pages chacune, aux climats très différents, mais qui se nourrissent l'une l'autre. La première partie est exotique (Marguerite Yourcenar dit sévèrement dans "Mishima ou la vision du vide" que c'est un peu trop "touristique" avec une réflexion sur le bouddhisme trop littérale comme si l'auteur voulait s'en débarrasser une fois pour toute sans se l'approprier véritablement). Honda en déplacement d'affaire à Bangkok fait la connaissance de la jeune princesse Chantrapa (ou Ying Chan surnommée "Clair de lune") qui lui apparaît comme la nouvelle réincarnation potentielle de Kiyoaki et Isao, ainsi que le rêve d'Isao l'avait suggéré dans Chevaux échappés.

Cette révélation entraîne chez Honda le désir d'approfondir ses connaissances sur le bouddhisme et la réincarnation en allant puiser à leurs sources au cours d'un voyage en Inde après avoir quitté la Thaïlande. Nous assistons donc successivement à des descriptions extrêmement belles de la ville de Bangkok avec le Wat Arun (Le temple de l'aube) ou le palais impérial puis les spectaculaires fêtes sanglantes de Calcutta dédiées à la déesse Kali, les rites funéraires de Bénarès dans un climat de fin du monde, l'ascension vers les grottes d'Ajanta...

Ce sont certes des sites emblématiques et touristiques mais la description qu'en fait Mishima atteint des moments de fulgurance inoubliables même si j'aurais aimé m'attarder un peu plus longuement dans chacun de ces lieux envoûtants.

Puis survient la partie la plus contestée par Yourcenar qui concerne l'explication par Honda de ses recherches sur les origines et les variantes du concept de Samsara et de conscience Alaya. Elle occupe une trentaine de pages (des chapitres 13 à 19) qui sont assez ardues et abstraites, peut-être trop littéralement théoriques, mais qui ont beaucoup d'importance pour comprendre le cheminement de pensée de Honda dans la seconde partie puis dans L'ange en décomposition. C'est assez impressionnant et déroutant mais j'avoue y avoir éprouvé du plaisir parce que cela m'a donné des clés non seulement pour La mer de la fertilité (le titre, l'image de la cascade choisie par Quarto...) mais aussi pour mieux appréhender le cinéma d'Apichatpong Weerasethakul (Oncle Boonmee notamment). Les plus réfractaires pourront zapper sans problème ces trente pages mais ça serait dommage...

Enfin nous voilà dans la seconde partie qui se déroule au Japon dans un Tokyo dévasté par la guerre ainsi que dans les environs du Mont Fuji entre le quartier résidentiel de Gotemba et le sanctuaire Shinto de Sengen.

C'est une partie extraordinaire qui n'est pas sans évoquer Marcel Proust par cette façon de suggérer les ravages du temps qui passe (un incroyable Tokyo en ruine et une apparition qui m'a rappelé les descriptions de la Berma vieillissante), les impasses de la vie conjugale, le regard ironique porté sur l'aristocratie locale dans des scènes de réceptions mémorables et délectables. Il y a une grande cruauté dans cette vision pessimiste et dépressive de l'humanité qui n'en est pas moins aussi lucide et désenchantée que perverse. Il y a des séquences érotiques d'une grande intensité et d'une puissante volupté jusque dans le voyeurisme. Et il y a surtout cette quête insatisfaite et illusoire de la beauté (celle de la sublime Ying Chen) qui apparaît peut-être comme la mort elle-même. le final est très spectaculaire.

On est aspiré par un vide sidéral et la manière dont il décrit la personnalité de Honda comme celle de son épouse est d'une grande richesse psychologique. Chaque personnage a du relief (formidable Keiko) et le regard porté sur eux sans concession. Mishima montre la fin d'un monde, de la beauté des traditions ancestrales qu'il avait sublimées dans Neige de Printemps, du couple (quelle violence morale entre Honda et Rié!!), des illusions. L'occidentalisation est presque perçue comme une déchéance (et le bref portrait des occidentaux est assez méprisant. Celui des japonais n'est pas beaucoup plus reluisant). Mais paradoxalement il en ressort un attachement déchirant à ces lieux et à ces personnages qui sont emportés par le temps mais sublimés par sa plume unique. Avec l'idée que peut-être la pensée bouddhiste permettrait de dépasser la souffrance et le dégoût de soi. Honda y parviendra-t-il à la fin de sa vie dans L'ange en décomposition? En tout cas Mishima s'est suicidé après avoir achevé son oeuvre...
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Le Temple de l'aube et L'Ange en décomposition sont les dernier roman de Mishima en 1970, l'année de son suicide.
Dans la mer de la fertilité on parcourt l'existence d'un homme qui traverse des temps trouble et voit ses rêves fracassés de loin en loin.
Une vie qui conduit au désespoir et pourtant ce roman, le temple de l'aube est celui de Mishima qui m'a le plus remplis d'espoir.
La beauté simple du quotidien. Je n'ai lu qu'une traduction, mais j'ai sentis derrière celle-ci toute la poésie de la langue japonaise. Devinais pour la première fois que certains états d'âme ne peuvent être exprimés ou éprouvés que dans la langue de l'auteur.
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Ce tome tire un peu plus la veine perverse (légere hein, ne pensez pas que-. Part belle aussi aux réflexions religieuses et philosophiques, bouddhisme, hindouisme, liens avec l'Occident, tout ce qui se tisse pour découvrir ou comprendre la transmigration, la réincarnation, qui est de fait le noeud de la tétralogie. On meurt, et puis quoi, on vit brillamment ou non, on se poursuit, on se cherche, on passe le temps, on fait semblant, on est, on naît, on renaît, dans cette mer de fertilité. Ou tout se crée, tout semble possible, mouvant. Tout cela vu et conté essentiellement à travers les yeux de cet homme qui prend de l'âge et qui lui n'a pas de descendance directe. Et qui se poursuit, se cherche, passe le temps, fait semblant, est, en espérant enfin naître et peut-être renaître, ou faire renaître son passé, dans cette illusion du temps.
L'écriture de Mishima, sa façon de tissuler (faire un tissu, j'veux dire) de tant d'éléments éparses et frères, le fait qu'il aille loin sans pourtant être illisible ou choquant bêtement, cette ligne qui part en tous sens, sans se perdre, ou en se perdant reste proche d'un sens...tout ça c'est brillant, juste brillant.
(S'il est Un Auteur Japonais, ce n'est pas du tout chez Murakami qu'il faut le chercher, visez Mishima.)
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Cette fois-ci le personnage principal des deux premiers romans semble se réincarner dans une princesse Thaï, dans deux époque différentes. Tout d'abord, la princesse est une enfant, pendant la Seconde Guerre Mondiale, et semble faire des références assez précises au passé de Kiyoaki-Isao lors d'un voyage de Honda en Thaïlande, auprès de la famille royale. Ce passage est agrémenté d'une réflexion très théorique sur le bouddhisme. Puis la princesse grandit et voyage au Japon. Elle semble avoir oublié ses prémonitions d'antan, et Honda, devenu vieux, tente de s'en approcher, non sans un certain désir et une certaine perversion, notamment afin de vérifier si elle est pourvue des trois grains de beauté sous la poitrine, à l'instar de ses deux prédécesseurs, Kiyoaki et Isao. La fin contient un grand retournement de situation. Je ne vous surprendrai pas en vous apprenant qu'elle est tragique.
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« le temple de l'aube » est un pur chef d'oeuvre balayant instantanément toutes les réticences que j'ai pu exprimer pour les deux premiers tomes de « La mer de la fertilité ».

Très différents des deux premiers volumes, notamment du second nationaliste et morbide, « le temple de l'aube » élève incroyablement les débats pour développer une réflexion philosophique ultra poussée sur les théories hindouiste liée à la réincarnation.

Cette partie riche et métaphysique est néanmoins la plus ardue à décrypter mais bénéficie des descriptions hallucinantes du voyage de Honda en Inde et de l'éveil spirituel qui en découle.

Mais « le temple de l'aube » n'est pas qu'un livre introspectif sur le bouddhisme hindou, il contient plusieurs niveaux de lectures, notamment la poursuite obsessionnelle d'un homme vieillissant découvrant une passion dévorante pour une jeune adolescente de noble nature, et par essence inaccessible.

Face à ce mur naturel et social, le vieil homme va développer un monde intérieur de fantasmes et de pulsions voyeuristes qui contribuera du fait de sa quête sans fin à le tenir en éveil.

Fantastique sur le fond, « le temple de l'aube » l'est également dans la forme, avec la beauté colorée et misérable de l'Inde ou à un niveau moindre de la Thaïlande mais également par son incroyable teneur érotique.

Bien que homosexuel, Mishima décrit à la perfection les fantasmes pulsionnels d'un homme autour d'une jeune femme à la peau bistrée et au corps parfait.

Difficile, riche, complexe et divin sur le plan du style, « le temple de l'aube » est un monument de la littérature et sans doute l'un des meilleurs livres de Mishima.

Il sera sans doute difficile de faire mieux voir aussi bien...
Lien : https://lediscoursdharnois.b..
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