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sur 871 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Si vous êtes actuellement en recherche d'un bouquin distrayant avec des personnages hauts en couleur et dégageant une joie de vivre, passez votre chemin et remettez à plus tard la visite du Pavillon d'Or !

L'action du roman se situe dans la région de Kyoto, l'ancienne capitale impériale.
Nous sommes dans l'immédiat après-guerre, le Japon est traumatisé par la défaite, l'apocalypse nucléaire et la présence des troupes américaines sur son sol met à mal la fierté de tout un peuple.

C'est dans ce contexte historique peu reluisant que nous faisons connaissance avec Mizoguchi, le fils d'un prêtre bouddhiste. Celui-ci à transmis à son fils son amour paroxysmique du Pavillon d'Or, le plus connu des temples de Kyoto.
Au décès du père, le Prieur du Pavillon d'Or, Tayama Dosen, prend le jeune Mizoguchi sous son autorité ; il devient alors novice du temple dont il à tant rêvé.
Mizoguchi est une personne introvertie qui se trouve laide et qui bégaie. Son seul véritable plaisir est la contemplation du Pavillon d'Or, summum à ses yeux de la beauté sur terre.
Il se lie toutefois d'amitié avec un autre novice, Tsurukawa. Celui-ci va avoir une influence positive sur Mizoguchi qui prendra peu à peu confiance en lui au point d'avoir pour ambition à un moment donné, d'occuper un jour le poste de Prieur. Mais Tsurukawa meurt brutalement.

Privé de son soutien moral, la trajectoire du jeune Mizoguchi va brutalement s'inverser.
De plus en plus perturbé et très mal entouré, il sombrera au fil des pages dans un délire paranoïaque dans lequel il rendra le Pavillon d'Or responsable de tous ses malheurs et finira par commettre l'irréparable…

J'ai adoré ce roman. L'histoire est finalement assez sordide mais l'approche psychologique des personnages, à commencer bien sûr par le personnage central Mizoguchi, est traitée avec beaucoup de justesse et sans parti pris. Mishima laisse le lecteur se faire sa propre opinion sur l'acte à priori insensé du jeune novice.
Mais c'est sans doute la poésie omniprésente que le lecteur appréciera avant tout. Il gardera longtemps en mémoire la magnificence du Pavillon d'Or, comme faisant partie intégrante de la nature.
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La beauté est une offrande en même temps qu'une injure à celui qui naît sans grâce.
Dans la nuit du 2 juillet 1950, le Pavillon d'Or, temple bouddhiste de Kyoto, datant du quatorzième siècle, est incendié. le Japon, alors très affaibli par la guerre, est en état de sidération face aux ruines de ce lieu sacré. Mais le plus choquant est peut-être l'identité de l'incendiaire, un jeune moine qui dit avoir agi par "haine de la beauté". Cet acte insensé, Mishima va tenter de lui donner une explication. C'est ainsi qu'il écrira ”Le Pavillon d'Or”, roman complexe et remarquable qui plonge le lecteur dans les eaux profondes du psychisme d'un adolescent blessé, Mizoguchi.

Chétif et bègue, exposé aux moqueries, Mizoguchi apprend tôt à se taire. Puis il grandit, en même temps que grandit en lui une sourde colère. Se sachant malade, son père entreprend avec lui son dernier voyage. Ce sera le Pavillon d'Or. le père de Mizoguchi souhaite confier son fils au Prieur du temple. Et c'est pendant la visite, devant ces dorures se reflétant sur les miroirs d'eau que survient l'éblouissement, la bouleversante découverte de la beauté.
A la mort du père, une vie de jeune moine commence, en petite communauté. Là, il connaîtra son premier véritable attachement pour un autre élève moine, Tsurukawa, un jeune homme qui l'accepte tel qu'il est, lui permettant de s'ouvrir enfin. Mais cette belle amitié va très vite se doubler d'une autre, plus vénéneuse, avec le roué Kashiwagi, un infirme empli de cynisme.
Mizoguchi se sentira tiraillé entre ses deux amis comme on peut l'être entre la vertu et la tentation du Mal. le premier est simple et bon, quand le deuxième est imprévisible, lâche et mesquin. C'est pourtant ce dernier ami qui attirera inexorablement Mizoguchi, réduisant à néant son idéal de pureté. Car Mizoguchi est un coeur pur qui fut une première fois blessé en découvrant l'infidélité de sa mère et qui le sera une nouvelle fois en voyant le Prieur du temple en compagnie d'une geisha. Ainsi donc rien n'est sacré en ce bas monde? La colère de Mizoguchi s'accroît encore lorsqu'il doit servir de guide à des touristes venus visiter le temple. L'une des scènes marquantes du roman est d'ailleurs une visite durant laquelle un américain, accompagné d'une japonaise, demande à Mizoguchi de marcher sur le ventre de sa compagne avec laquelle il vient de se disputer. Mizoguchi obéit, scène insoutenable de violence et d'humiliation qui sonne comme une allégorie de la défaite. le Japon et la beauté sont foulés au pied par la vulgarité des vainqueurs et Mizoguchi, par sa soumission, est leur complice.

Comme pour mieux l'isoler encore, Mishima a fait de ce moine un personnage qui n'éveille pas l'empathie du lecteur. Adolescent torturé, fasciné par la beauté mais ne s'en jugeant pas digne, on le retrouve impuissant devant une belle femme ou méprisant devant une femme plus laide. Il est aussi calculateur et manipulateur.
Pourtant, n'est-ce pas pour soustraire aux forces occupantes ce merveilleux Pavillon d'Or que Mizoguchi décide d'y mettre le feu? N'a-t-il pas la volonté de rendre ce temple à sa culture par la vertu purificatrice des flammes? le feu, comme expression de colère et de désillusion que la parole gelée ne peut dire.

Vertigineuse réflexion sur la Beauté et le Sacré, le Pavillon d'Or est un abîme, un livre qui ne cesse d'ouvrir des portes sur des pièces toujours plus sombres. Mais peut-être que ce chef-d'oeuvre mériterait une nouvelle traduction, celle-ci datant de 1961. Quel traducteur aujourd'hui écrirait "de faible complexion" ou "billevesée"? Je ne suis pas certaine que le charme suranné d'une langue impeccable mais très (trop?) classique rende encore justice à ce roman qui, lui, n'a pas vieilli et dont le sujet principal, la fragilité de la beauté nous atteint parfois de plein fouet, comme ce fameux soir où nous regardions, sidérés nous aussi, brûler la cathédrale Notre-Dame de Paris.


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Le Pavillon d'Or ressemble pour moi au reflet du ciel sur l'eau pâle d'un lac. Ciel bleu, ciel noir ? C'est sans doute entre ces deux couleurs du ciel que le récit oscille et mon sentiment aussi (je vous jure : je n'ai pas fait exprès !).
Je suis entré par enchantement dans ce texte. L'écriture est belle, mais il y a autre chose, une variation, une oscillation, une incantation entre deux pans de la vie, le côté lumière et le côté ombre comme si le chemin de l'existence devait trouver sa cadence dans ces deux versants qui s'opposent.
Il faut se saisir de ce livre avec lenteur lorsqu'on est vraiment disposé à y entrer, c'est-à-dire détaché, éloigné de tous les bruits extérieurs de l'existence.
Les bruits intérieurs, ce sont autre chose, ils nous appartiennent en quelque sorte et je sais par expérience que certaines lectures savent les apaiser.
Yukio Mishima, l'auteur, dont ici c'est ma première incursion dans son univers, s'empare d'un fait divers qui survint dans la nuit du 2 juillet 1950 au cours de laquelle le Pavillon d'Or, temple bouddhiste de Kyoto, datant du quatorzième siècle, fut incendié par un acte criminel. Ce drame qui détruisit ce lieu sacré émut le Japon encore traumatisé par les plaies de la seconde guerre mondiale. Lorsque l'identité du pyromane fut révélée, un jeune moine qui avoua avoir agi par "haine de la beauté", le choc fut encore plus grand...
Nous suivons ce jeune bonze, le narrateur, dans les pas qui vont l'amener à commettre l'insensé. C'est un récit d'apprentissage. Tout est fait pour accueillir cet enfant dans le sérail religieux, mais il est laid, il est bègue, il en souffre, souffre des quolibets et injures de ceux qu'il croise sur son chemin. On pourrait se dire que dans son chemin d'apprentissage, il trouvera de quoi apaiser les tourments de son coeur...
L'obsession de la beauté, et donc celle aussi de la laideur, forme l'ossature du texte. Naître sans beauté, est-ce naître sans grâce ?
La beauté ici fait front à une volonté de sa destruction. C'est tout d'abord la beauté du lieu qui fascine le narrateur lorsqu'il le découvre pour la première fois, les premiers reflets du temple dans l'eau, son or qui brille, ondes chatoyantes, éblouissantes, aveuglantes presque, comme une beauté parfaite et arrogante, qui choque déjà le jeune garçon.
Peut-on éprouver une haine de la beauté au point de vouloir un jour la détruire ? L'humiliation qui ronge un coeur peut-elle à elle seule expliquer cela... ?
Mais la beauté est parfois dans la rencontre d'une jeune femme, sa peau blanche, son corps qui attire le regard fasciné, l'émotion d'un adolescent aux prémices de la vie.
Pêle-mêle, j'ai aimé l'atmosphère du livre, les paysages, les personnages (l'inoubliable Tsurugawa, le compagnon au coeur pur mais aussi Kashiwagi le cynique aux pieds bots), et surtout l'écriture et le style de Mishima qui fait surgir les images dans notre esprit.
Le narrateur cherche pourtant des chemins de traverse. Parce qu'il souffre. Il souffre du regard méprisant des jeunes filles. Comment ne pas se sentir brusquement effroyablement lourds face à la beauté qui surgit dans le paysage ? Comment prendre la vie à revers ?
Contre toute attente, il devient sans cesse un coeur impatient de retrouver le Pavillon d'Or lorsque ses pas l'en éloignent. Allez comprendre...
Pour autant, à aucun instant j'ai ressenti de l'empathie pour ce jeune moine dans sa souffrance. Je crois que l'auteur n'y tenait pas et cette distance dans laquelle il nous tient vis-à-vis de son personnage est sans doute la meilleure manière d'apprécier le récit dans toute son ambivalence.
La beauté, l'inutile beauté, est là, au coeur du récit, faisant peu à peu son ravage dans le coeur du narrateur, le perçant comme une vrille. Entre fascination et répulsion.
Ce roman est aussi un murmure de bruits et d'images. le grincement d'une balançoire. le bruissement des bambous. La douceur des chrysanthèmes. L'imminence de la mer...
Les deux amis du narrateur ont aussi de l'importance, entre le sage Tsurukawa et le cynique Kashiwagi. C'est un peu comme si l'un était sa bonne conscience, l'autre sa mauvaise, oscillant de l'une à l'autre comme le balancier d'un pendule. On pense forcément au Ying et au Yang. La fascination du narrateur pour ce personnage insensible qu'est Kashiwagi nous sidère forcément, la beauté s'est détournée de lui depuis longtemps et tout semble lui réussir, le désir, les femmes...
Les pages viennent, se déplient, érotiques parfois dans l'effleurement des mots. L'échancrure d'un kimono, le crissement de la soie qui s'ouvre, la blancheur d'une peau nue dans l'entrebâillement du tissu. le texte à certains endroits est d'un chavirement érotique capable de créer des émois chez le lecteur qui je suis. Vous me direz... Mais non, vous ne me direz rien... Laissez-moi savourer ce que l'écrit peut encore suggérer avec tant d'audace et d'extase alors que l'image est là pour tout gâcher...
Au rythme de cette déambulation tendue vers le geste fatal qui dicte les pas de notre narrateur, le Pavillon d'Or surgit dans l'absolu de son éternité, dresse son architecture, cristallise cet obstacle qui se met sans cesse sur sa route, entre lui et la vie, la vie qu'il pourrait cueillir à gorges déployées.
Le Pavillon d'Or, ce monument, qui impose sa stature impressionnante, est un personnage à part entière, qui tient du mystique et du vivant.
La permission devient alors consentement. Ce qui semblait interdit au narrateur devient alors une manière de s'accomplir dans l'incandescence d'un geste presque ordinaire, celui de gratter une allumette...
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Dans toute l'oeuvre de Yukio Mishima et dans son suicide spectaculaire, la mort explose comme un soleil. L'origine du roman le Pavillon d'Or ( Kinkakuji, 1956) est un événement réel, qui choqua les Japonais. le 1er juillet 1950 Hayashi Shôken, bonze novice de vingt et un ans, laid et bègue provoque l'incendie d'un chef d'oeuvre architectural de Kyoto, jusque là miraculeusement épargné des typhons et des bombardements. Mishima s'empare du sujet, de quelques particularités d'Hayashi Shôken et imagine le processus intérieur qui conduira un jeune novice à la destruction du Pavillon d'Or. Et en même temps il développe ses propres préoccupations esthétiques et philosophiques. L'écriture est limpide, précise et les descriptions saisissantes.

Mishima est un très bon conteur qui prend au piège son lecteur. On s'attache d'emblée à Mizogushi, le narrateur. Ce jeune homme, bègue et laid, moqué et mal aimé est émerveillé depuis son enfance par ce que lui raconte son père, un obscur prêtre de campagne aux mains sales, au sujet du Pavillon d'Or. La réalité le déçoit évidemment : c'est un vulgaire pavillon noirâtre. Son père meurt et Mizogushi n'éprouve rien. Il est détaché de la réalité. Il devient novice au temple du Pavillon d'Or. Il ne l'idéalise plus même si le Pavillon demeure sacré. Cependant il se remet à l'aimer passionnément quand le Pavillon est sur le point de finir en cendres dans les bombardements ou d'être balayé par le typhon. Mizogushi est seul à garder le Temple et fait corps avec lui, souhaitant ardemment sa destruction. Il éprouve alors un rare moment de paix et de volupté. Mais le Pavillon d'Or ne cède pas, il semble au contraire immortel et lui renvoie sa laideur physique et morale ainsi que son impuissance à la figure. Mizogushi a deux amis. le premier lui semble un modèle de beauté, de gentillesse et de pureté. le second Kashiwagi est plus intéressant, plus ambigu. Il est laid et a un pied bot. Il s'adapte à la réalité et sait se faire apprécier des femmes. Il cerne parfaitement la personnalité de Mizogushi, l'entraîne dans la débauche avec l'intention de l'arracher au Pavillon d'Or, comme l'explicite son interprétation de l'énigme zen de « NANSEN TUE UN CHAT »*. En vain. Mizogushi est trop orgueilleux. Il imagine alors se venger cruellement de tous ceux et de toutes celles qui le méprisent. La vengeance d'abord fantasmée se réalise dans une scène explicitement sadique. En même temps il veut posséder jalousement le Pavillon d'Or et le défendre des souillures, de la vulgarité en particulier celles de l'occupant et des touristes. Il a pensé à remplacer un jour le Prieur mais son ambition est sapée par son orgueil démesuré et sa mauvaise conduite. Il est seul. le Pavillon d'or est devenue sa prison, un lieu de Beauté, de Pureté qui l'empêche de vivre. Et qu'il lui faut détruire.

Mishima plonge très profondément dans les pensées et les émotions les plus obscures de son personnage avec une rare intensité. le lecteur éprouve de plus en plus de répulsion devant sa cruauté. A un certain stade, l'identification me semble impossible, surtout si on est une femme, et il faut prendre du recul pour admirer le chef d'oeuvre.

*Tuer le chat, c'était arracher la dent qui fait mal, extirper la Beauté à la gouge. Était-ce bien résoudre le problème ? Je ne sais pas. Les racines du Beau n'en étaient point, pour autant tranchées ; morte la bête, sa beauté ne l'était peut-être pas. Et c'est pour se moquer de cette solution trop commode que Chôshu met ses sandales sur sa tête. Il savait, pour ainsi dire, qu'il n'est pas d'autre solution que d'endurer le mal de dents.
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En 1950,à Kyoto, un jeune novice met le feu au Pavilllon d'or, le temple le plus célèbre de la ville. C'est de ce drame, qui a bouleversé le Japon, qu'est parti Yukio MISHIMA pour raconter l'histoire romancée de Mizogushi, le jeune moine incendiaire. Mais au-delà du fait divers, l'écrivain relate le parcours psychologique d'un garçon torturé, complexé par sa laideur et son bégaiement, obsédé par la Beauté dont le Pavillon d'or est, à ses yeux, la forme la plus pure. de son enfance pauvre dans un Japon dévasté et humilié par la deuxième guerre mondiale, aux côtés d'une mère adultère et d'un père bonze qui lui a transmis son amour immodéré pour le temple sacré, à son arrivée au Pavillon pour y être novice, recueilli par le prieur à la mort de son père, on découvre un jeune homme qui peu à peu sombre dans la folie, jusqu'à commettre l'irréparable.


Les mots sont trop faibles pour parler de toute la beauté et la poésie de ce texte magistral. Yukio MISHIMA, sans juger, sans prendre parti, décrit le parcours initiatique d'un jeune homme qui fut son contemporain. Laid et bègue, Mizogushi aurait pu composer avec ses handicaps, s'épanouir dans l'ombre de l'objet de son amour et pourquoi pas un jour devenir le prieur de ce lieu sacré. Son amitié avec le lumineux Tsurukawa, novice comme lui, l'encourage dans ce sens. Mais c'est le sombre Kashiwagi, élève dans le même lycée que lui, qui va dévoiler sa noirceur et sa perversité. Poussé par ce mauvais génie, Mizogushi s'éloigne du prieur et s'enlise dans la dépravation. Symbole du Beau, donc de ce qu'il n'est pas et se sera jamais, le Pavillon d'or devient l'objet d'un amour/haine jusqu'à ce que ses réflexions le conduisent à l'idée selon laquelle c'est ce Beau absolu qu l'empêche de vivre. A-t-il déjà été plus laid, physiquement et dans son coeur, ailleurs que près de ce temple prodigieux? Non, et c'est pourquoi il lui faudra le détruire pour enfin pouvoir s'intégrer à la vie, dans un monde débarrassé de ce rappel constant de la beauté.
Un roman au ton juste qui appelle maintes réflexions sur le le beau, le bien, le mal et la folie. A lire évidemment, pour la fine analyse psychologique de l'incendiaire et les très sensuelles descriptions de ce lieu hors du commun posé dans un superbe écrin naturel.
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C'est certainement mon premier roman japonais. Lu pendant l'adolescence et relu plusieurs fois ensuite. Autrement dit j'ai découvert le Japon avec Mishima . Dans l'après-guerre, un enfant est confié au responsable religieux d'un temple bouddhiste : le Pavillon d'or.
Il sera le petit privilégié du prieur mais ne tardera pas à découvrir l'hypocrisie de la religion masquant des travers et des déviances qu'il ne pourra pas accepter. Ce sera aussi la découverte de la vie. Et tout cela va l'éloigner progressivement des rituels et de l'ascétisme bouddhiste. Se greffera sur cette intrigue une autre plus métaphysique. Celle de la beauté parfaite que représente pour lui l'harmonie de l'architecture du Pavillon d'or. Voilà, en gros, le résumé de l'affaire (pour ceux qui ne l'on pas lu, je ne dévoile pas la fin). Je me méfie toujours des résumés. L'intrigue est une chose mais, ce qui me plaît le plus dans un roman, est souvent caché derrière l'intrigue.
Bien plus tard après la lecture de ce livre, j'ai pu contempler ce Pavillon d'or à l'harmonie parfaite. Le contemplant d'un bout à l'autre du grand jardin qui le l'entoure comme un écrin. C'est une pure merveille. Une harmonie, en étroite relation avec la nature. De quoi rester à méditer toute la journée. Mais pour Mishima, cette beauté (là, j'extrapole peut-être le récit, mais c'est mon ressenti), est insupportable car portée par l'hypocrisie du bouddhisme dévoyé. N'oublions pas que Mishima était un révolutionnaire, adepte de l'extrème droite, se référant au code du Bushido. Pour lui, la pureté est essentielle et le Bouddhisme a perdu complètement sa raison première, une ascèse pour obtenir le nirvana et l'abolition du karma. Ce qu'il voit, à travers les yeux du jeune moinillon est la subversion de cette religion, qui n'a plus rien de sacré et de respectable. Les moines ne sont plus dignes d'être respectés.
Je suis toujours assez troublé par ce livre. Car il s'adresse à tous publics, tant ado qu'adulte. C'est un roman d'initiation mais avec une problématique assez complexe et une philosophie très orientale.
A lire et relire régulièrement.
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Premier livre de Mishima dans lequel je me plonge et ceci suite à ma lecture du très beau livre de Laszlo Krasznahorkai «Au nord par une montagne, au Sud par un lac, à l'Ouest par les chemins, à l'Est par un cours d'eau». J'avais lu ce livre, dans un premier temps, sans me préoccuper des références à la littérature et la civilisation japonaises.
L.Krasznahorkai y fait indirectement allusion à plusieurs temples de Kyoto et les réunit en un seul temple où se trouve un jardin inoubliable. En le reprenant j'ai eu envie d'en savoir plus. J'aime qu'un livre me renvoie vers un ou plusieurs autres, j'ai l'impression de partir pour un long voyage de découverte, à l'aventure.

Concernant le Pavillon d'or, j'ai d'abord été contempler quelques magnifiques photos et appris, par l'un des commentaires, qu'en 1950 un moine de ce temple y a mis le feu et que ce fait divers avait servi de base à Mishima pour son roman «Le Pavillon d'or».
Je ressors de ma lecture fascinée par la beauté de ce texte, beauté poétique, érotique et perverse offrant le même contraste que ces ciels noirs où un orage se prépare, éclairés et magnifiés par le soleil avant de l'engloutir.
Son père, sentant sa fin proche, va présenter son fils Mizoguchi au prieur du temple du «Pavillon d'Or» avec lequel il est ami. Ce temple, Mizoguchi en a rêvé, l'a sublimé : 
« Pareil à la lune dans le ciel nocturne, le Pavillon d'Or avait été édifié comme un symbole des temps de ténèbres....le Pavillon d'Or m'apparaissait comme un magnifique navire franchissant l'océan des âges....Le Pavillon d'Or nous arrivait du fond d'une nuit immense, une traversée dont on ne pouvait prévoir la fin. Pendant le jour, l'étrange vaisseau jetait l'ancre avec un air d'innocence, se soumettant aux regards curieux de la multitude ; mais la nuit venue, puisant dans les ténèbres d'alentour une force neuve, il enflait son toit comme une voile et gagnait le large.»
Et quand il y entre comme novice après le décès du père, le «Pavillon d'or» le pénètre de sa beauté «Quand je levais la tête vers le Pavillon d'Or, ce n'est pas seulement par les yeux qu'il pénétrait en moi, mais aussi, semblait-il, par le crâne. de la même façon qu'en plein soleil ce crâne devenait brûlant, ou était instantanément rafraîchi par la brise du soir.»
Si «Le Pavillon d'Or» devient pour lui la personnification de la beauté , son existence lui est un affront à lui le bègue qui se sent si laid, si indigne d'un regard. Elle vient s'interposer entre lui et le monde, entre lui et ses rencontres féminines. Il veut aussi dérober cette beauté au yeux du monde. Ce qui, après un long cheminement complexe, entraînera le geste final.
Des scènes sont inoubliables en particulier celle de cette belle jeune femme qu'il entrevoit lorsque, en compagnie de son ami lumineux Tsurukawa, ils se rendent au Nanzenji, autre temple de la secte Rinzaï, proche du Pavillon d'Or : "Sans rien changer à sa pose parfaitement protocolaire, la femme, tout à coup, ouvrit le col de son kimono. Mon oreille percevait presque le crissement de la soie frottée par l'envers raide de la ceinture. Deux seins de neige apparurent. Je retins mon souffle. Elle prit dans ses mains l'une des blanches et opulentes mamelles et je crus voir qu'elle se mettait à la pétrir. L'officier, toujours agenouillé devant sa compagne, tendit la tasse d'un noir profond.
Sans prétendre l'avoir , à la lettre, vu, j'eus du moins la sensation nette, comme si cela se fût déroulé sous mes yeux, du lait blanc et tiède giclant dans le thé dont l'écume verdâtre emplissait la tasse sombre - s'y apaisant bientôt en ne laissant plus traîner à la surface que de petites tâches - , de la face tranquille du breuvage troublé par la mousse laiteuse".p95
Mizoguchi retrouvera dans d'autres circonstances cette femme et ce beau souvenir en sera terni.
La nature est omniprésente, dans des descriptions minutieuses et émouvantes. Présence aussi, menaçante, en bruit de fond, des bombardements américains qui annoncent la fin du Japon traditionnel. Il y a une multitude de facettes dans ce beau livre qui appellent d'autres lectures.
Et cette lecture du Pavillon d'Or, loin de diminuer la beauté du livre de Laszlo Krasznahorkai qui m'y a conduit l'épaule et forme un pont qui permet d'aller de l'un à l'autre.
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De ce drame national qui bouleversa le Japon en juillet 1950, l'incendie criminel du Pavillon d'Or de Kyôto, Yukio Mishima tire un roman d'une rare volupté et d'une grande profondeur métaphysique. S'appuyant sur les comptes rendus de presse et de procès de l'époque, l'auteur élabore sa propre interprétation des événements qui conduisirent à cette tragédie culturelle, prêtant sa plume au narrateur de ce récit, l'alter ego romancé du jeune bonze novice qui avoua avoir commis ce crime par « haine de la beauté ».

Ceci est l'histoire d'une inadéquation, douloureuse confrontation entre un garçon bègue de faible complexion et le monde dans lequel il existe. Sa malédiction, outre sa distinction physique, est de n'être jamais compris des autres. Depuis son enfance, son père qui est bonze n'a eu de cesse de le convaincre que le Pavillon d'Or représente le parangon de la beauté. À la mort de celui-ci, le garçon passe sous la protection du Prieur du temple Rokuonji auquel appartient le Pavillon d'Or. Ce sont les années de noviciat et d'études du jeune aspirant bonze qui sont décrites ici, ses amitiés avec deux garçons singuliers chacun à leur façon, sa relation avec le Prieur ou des personnages plus secondaires mais non moins porteurs d'influence. Surtout, il y a le Pavillon d'Or, que le jeune narrateur considère comme le « symbole de l'évanescence du monde phénoménal ». le Pavillon d'Or va devenir tel un moyeu mystique autour duquel tourne l'univers du garçon, sa compréhension du monde, tantôt idéal allégorique tantôt obstacle à sa propre vie.

Mishima explore par la psyché de ce jeune novice des concepts tels que l'altérité et l'esthétique, l'impermanence des choses, la confrontation entre la beauté et la connaissance. D'une plume délicate et imagée, il peint des scènes à la poésie lancinante : le sein blanc d'une femme sorti du kimono et versant un nuage de lait dans le thé de son homme partant pour la guerre, le désir d'une abeille pour le nectar d'un chrysanthème tout entier dévoué à ce désir, la vue nocturne sur la nature depuis le Pavillon d'Or tandis qu'enfle la rumeur d'un typhon… Un roman admirable.
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"Le Pavillon d'or" est un roman inspiré d'un événement réel : l'incendie du pavillon Kinkaku-ji (le Pavillon d'or construit avant 1400) à Kyoto en 1950
Mizoguchi, un jeune moine bouddhiste, en est le personnage principal. Timide, il est épris de beauté. Aussi il est obsédé par le Pavillon d'or, qui incarne pour lui la perfection esthétique et spirituelle. Une fascination qui atteint des niveaux obsessionnels, le conduisant alors à la folie et au désir de détruire ce qu'il aime le plus…
« Sous sa housse de neige, le Pavillon d'Or était d'une incomparable beauté. »
L'écriture de ce roman est poétique et riche en métaphores.
Et les descriptions des lieux, envoûtantes. Elle se fait lente pour rendre compte des introspections du personnage.
Mishima explore des questions existentielles complexes, ici la dualité humaine, avec ses conflits intérieurs entre le désir charnel et les aspirations spirituelles. Les tensions intérieures qu'elle engendre. A travers son personnage et le déchirement entre ses désirs sensuels et sa quête spirituelle pour la transcendance.
Mais aussi des thèmes tels que la vanité humaine, la notion de beauté absolue et l'obsession de celle-ci, la recherche de la perfection.
Une découverte captivante qui invite à méditer sur la nature éphémère de la beauté et sur la fragilité de l'existence.
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Désir, mort, érotisme, mal, beauté, amour : tous les grands thèmes sont réunis pour faire du roman de Mishima un chef d'oeuvre; et c'en est un. S'inspirant d'un fait réel, Mishima met en scène par une focalisation interne un jeune japonais, laid et bègue, voué à devenir le prieur du Pavillon d'Or, un temple zen à la beauté parfaite. Cette beauté devient vite un obstacle pour le héros, sans cesse renvoyé à sa laideur et à son infirmité; elle l'empêche de vivre et le rend même impuissant. Il prend alors conscience que son seul moyen d'entrer dans la vie est de détruire le Pavillon d'Or.
Il n'est pas facile d'entrer dans ce roman, tant il nous plonge d'emblée dans la psychologie complexe du héros. Mais après quelques pages, on est envoûté par cette écriture, où se mêlent des réflexions sur le sens de la vie, l'art, le désir, et de magnifiques descriptions du paysage, qui sont souvent le reflet de l'esprit torturé du héros.
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