Citations sur Martyre - Ken (19)
À peine était-il entré au collège que les persécutions avaient commencé. Watari semblait rester indifférent à cette tendance des adolescents qui, prenant conscience de la fragilité propre à leur âge , aspirent en contrepartie à une certaine rudesse. Il voulait plutôt préserver en lui cette fragilité. Un jeune homme qui veut être lui-même sera respecté de ses pairs. Mais un adolescent qui prétend rester lui-même sera martyrisé par les autres. L'adolescence a toujours été un effort pour se rendre semblable, ne fût-ce qu'un instant, à quelque chose d'autre.
Martyre
Ses yeux, dans l’ombre voilée du masque, sous les sourcils humides de sueur et dans la brume chaude de sa propre respiration, ses yeux étaient comme des cristaux d’intelligence glacée. Ni le lustre de son jeune visage ni l’odeur de sa propre chair toute moite ne pouvaient détruire la paisible lumière qui s’en dégageait, cette sérénité du regard dont l’équilibre, à peine rompu, se rétablissait aussitôt.
"L'homme n'a en fait que deux possibilités: être fort et droit, ou se donner la mort."
"Nous sommes peut-être au bord de la mer, mais considérez que, pour vous, la mer n'existe pas. Si, par mégarde, il vous arrivait encore de la voir, ce serait la preuve que vous n'êtes pas encore pleinement entrés dans l'entraînement...
[...] Nous sommes venus ici pour souffrir ! Pas pour nous distraire. Mettez-vous bien cela dans la tête !"
Et c'est ainsi, par ces mots décisifs, que Jirô clôtura son discours inaugural.
Ken
La belle rangée des incisives pointues qui rappelaient celles d'une fille ou, mieux encore, celle d'un félin, s'enfonça profondément dans la chair juvénile. Et bien que la sang commençât à s'échapper d'un seul jet entre les dents et la peau, les deux garçons, mordant mordu, restaient parfaitement immobiles.
Ils galopaient à une vitesse prodigieuse, pleine d'allégresse.
Et leurs poitrines enfantines se gonflaient de la fierté d'avoir tué un homme.
Car tout est mouvement, un mouvement qui semble naître d'une sphère étroite de silence d'indigo mélancolique et profond.
La joie irrésistible de constater sa propre force. Une joie vorace et sauvage, impossible à goûter pleinement seul, mais qu’on a guère le loisir de savourer tranquillement en présence d’un autre. Une joie sans lien avec la mémoire ni l’espérance, une jouissance du seul instant...
Sa supériorité était, à ses yeux, une évidence acquise. Sa force lui était devenue comme une chemise transparente qui le serrait de près, nuit et jour ; tellement sienne qu'il pouvait presque oublier qu'il la portait.
Un jeune homme qui veut être lui-même sera respecté de ses pairs. Mais un adolescent qui prétend rester lui-même sera martyrisé par les autres. L'adolescence a toujours été un effort pour se rendre semblable, ne fût-ce qu'un instant, à quelque chose d'autre.