A chaque livre,
David Mitchell semble questionner les liens qui unissant les êtres, que ce soit dans le temps ou dans l'espace.
Dans ce copieux roman, il s'attache à un personnage central: Holly Sykes. Nous faisons sa connaissance lorsqu'adolescente, elle fugue pour des problèmes d'adolescentes. Mais rien ne se déroule comme prévu. le roman se déroule ensuite comme une succession de longues nouvelles , chacune adoptant le point de vue d'un personnage différent, sur près de 60 ans. En filigrane, nous suivons toujours Holly, que ce soit dans les Alpes Suisse, en Colombie, à New York. Parfois de près. Parfois à distance. Mais elle reste toujours au moins en périphérie. Autour d'Holly,
David Mitchell a imaginé une guerre étrange et souterraine qui oppose 2 groupes d'êtres immortels.
Ne vous enfuyez pas.
La quatrième de couverture pourrait vous faire fuir. Vous auriez tort.
L'âme des horloges est un page turner, qui commence comme un récit initiatique, puis, alterne la comédie noire et drame intime. Si l'étrangeté et le mystère ne sont jamais très loin, ils sont au service de personnages riches et attachants. de la déconfiture de Crispin Herschey, prétexte à une satire au vitriol du monde de l'édition aux doutes d'Ed Brubeck, dans ce qui est sans doute la meilleure partie du roman, journaliste de guerre qui doit choisir entre son métier et sa famille, les récits forts se succèdent.
David Mitchell a toujours intégré une dimension fantastique à ses romans. Celui-ci ne fait pas exception.
David Mitchell illustre la porosité que la littérature américaine possède lorsqu'il s'agit de genre. Autant en francophonie il existe une ligne très claire, reléguant ce qui est considéré comme du "mauvais genre" dans la périphérie de ce qui est considéré comme fréquentable, autant les anglo-saxons n'ont aucun problème à considérer l'oeuvre pour ce qu'elle est, ce qui aboutit à des situations inimaginables pour un éditeur français, comme un même livre recevant le Pulitzer et le Arthur C. Clarke Award for science fiction literature (Undergound Railraod). Ce livre, encensé par
Stephen King, fut sélection pour le Booker price et reçut le World Fantasy Award.
L'âme des Horloges est typique de
David Mitchell. On pourrait presque lui reprocher d'être un peu trop dans sa zone de confort. Multiplicité des points de vue, intrigue complexe mais parfaitement maîtrisée, capacité à mener de front une intrigue en 2 niveaux. En effet, chaque partie pourrait être vue comme une nouvelle indépendante en tant que telle, mais l'ensemble compose un roman très cohérent, chaque nouvelle apportant son lot de nouveaux éléments. Plus étonnant, la manière dont
David Mitchell a choisi d'intégrer des liens avec des personnages d'autres romans, apportant même un éclairage nouveau sur certains événements des 1000 automnes de Jacob de Zoet.
Dès les premières pages, je me suis rapidement surpris à penser à Sense8, la série des Wachowski. Ils avaient déjà collaboré avec
David Mitchell en adaptant son roman Cloud Atlas, et c'est sans réelle surprise que j'ai pû vérifier qu'il était de même crédité dans le groupe des scénaristes de la série. Si les histoires sont fondamentalement différentes, il reste des thématiques communes, des scènes qui font écho, voire des personnages, comme Immaculée Constantin, dans leroman, qui évoque Angelica. Cela ne m'a jamais dérangé, considérant de tels connection comme des "easter eggs".
Ce n'est sans doute pas le meilleur roman de
David Mitchell, mais il reste d'excellente facture.