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Critique de JustAWord


Révélé par son roman choral Cartographie des Nuages (et par la sublime adaptation filmique Cloud Atlas qu'en ont tiré les soeurs Wachowski), le britannique David Mitchell n'a eu de cesse de poursuivre son exploration des territoires imaginaires avec des romans aussi singuliers que le Fond des Forêts ou, plus récemment, L'âmes des horloges.
Pour accompagner la sortie de ce dernier, David Mitchell publie en juillet 2014 une nouvelle — The Right Short / Comme il faut — sur Twitter. Visiblement inspiré par ce premier jet, l'anglais prolonge cette histoire avec quatre autres récits pour en faire un roman intitulé Slade House.
Septième roman de l'auteur qui n'est parfois pas sans rappeler l'excellent souvenir de la Maison des Feuilles de Mark Z. Danielewski, Slade House recycle le vieux mythe de la maison hantée pour amuser et terrifier son lecteur.

Boucle temporelle
Comme la quasi-totalité des romans de David Mitchell, Slade House peut se concevoir comme un roman choral ou un fix-up de nouvelles. Cette fois, le britannique entraîne le lecteur à la suite de cinq personnages différents qui ont tous en commun d'arriver à un moment ou un autre dans la fameuse Slade House, une immense demeure au style Victorien cachée aux yeux du monde et que l'on trouve une fois tous les neuf ans en empruntant l'étroite Slade Alley et la petite porte-sas qui s'y dissimule.
Employant un motif beaucoup plus répétitif que dans ses autres oeuvres, Slade House s'affirme très clairement comme une expérience littéraire autour de la maison hantée qui finira par trouver sa place dans l'univers de L'âme des Horloges, précédent roman-monstre de l'auteur.
Rassurez-vous cependant, il n'y a aucune nécessité d'avoir lu L'âme des Horloges auparavant pour apprécier l'aventure.
L'essentiel ici, c'est l'exercice de voyage à travers le temps qui rappelle celui de Cartographie des Nuages et qui permet d'apprécier les changements d'époque et de style en regard de l'attitude et de l'attente des personnages des différentes sous-parties.
De façon récurrente, chaque histoire présente une personne (ou un groupe de personnes pour Gruik-Gruik) qui va se retrouver par hasard ou à dessein dans l'étrange Slade House. Qu'il s'agisse d'un enfant précoce accompagnant sa mère pour une audition, d'un inspecteur sur les traces d'une mystérieuse disparition ou d'un groupe d'adolescents fans de phénomènes paranormaux. À chaque fois, le motif s'avère le même : présentation du contexte, découverte de la Slade House, glissement vers l'étrange/l'horreur et chute. Toutes les sous-parties (qui pourraient d'ailleurs êtres autant de nouvelles différentes) s'articulent ainsi à l'exception peut-être de l'avant-dernière, Tu nous as bien caché ça, qui sert de prétexte à David Mitchell pour donner un background à ses deux méchants de service, les jumeaux Norah et Jonah Grayer.
Si cette structure répétitive peut sembler lassante et pesante, l'habilité bien connue de l'auteur pour se renouveler et la lente construction de sa mythologie permettent à Slade House de faire oublier ce défaut de conception.

Les montagnes russes de l'horreur
Le secret de Slade House pour ne pas lasser, c'est la plume légère et futée d'un David Mitchell qui s'amuse visiblement beaucoup à façonner comme il l'entend sa propre maison hantée et ses propres fantômes. le britannique recycle les poncifs et tord le concept grâce à des bonds temporels — la maison ne se révélant que tous les neuf ans — pour emmener le lecteur au sein d'une bâtisse qui semble sans cesse muer grâce au changement d'époque et de narrateur. Ainsi, si la première partie convoque une ambiance victorienne et un fantastique insidieux culminant en une chute horrifique assumée, la seconde se tourne vers l'enquête policière par les yeux d'un flic raciste et violent tandis que la troisième exploite le drama adolescent saupoudré d'un arrière-goût de journal intime.
En changeant constamment d'angle d'attaque tout en donnant au lecteur des points de repères qui, eux, ne changent pas — la maison, la porte-sas, les jumeaux, la finalité du piège… — David Mitchell construit quelque chose d'à la fois fun et stimulant qui confère à Slade House un côté page-turner remarquable.
En multipliant de même les visions horrifiques et la façon de raconter l'horreur, le britannique joue avec son lecteur et le pousse à chercher les motifs récurrents et les personnages-pièges de ses histoires.
Ludique, le roman n'en oublie pourtant pas de mettre en place un background cohérent, longuement détaillé dans la quatrième partie et qui invite toutes sortes de magies et de phénomènes occultes dans la danse.
Sous les oripeaux d'un récit d'horreur à tiroirs, Slade House s'amuse et nous avec.

Entreprise récréative mais maligne, Slade House offre l'occasion à David Mitchell de tordre le mythe de la maison hantée et de rajouter une pierre à son univers personnel. Drôle, terrifiant, intelligent et ludique, voici un roman qui risque fort de vous entraîner jusqu'au bout de la nuit.
Lien : https://justaword.fr/slade-h..
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