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EAN : 9782266159289
99 pages
Pocket (10/07/2006)
4.13/5   19 notes
Résumé :

" D'un regard, j'embrassais alors un territoire immense, le territoire de ma douleur. Il traîne encore jusqu'aux rivages où j'ai pensé te fuir. "Peut-on échapper à l'enfer de la souffrance et du chagrin quand l'être aimé vous a quitté ? L'auteur de ces lettres a cru qu'un voyage lointain lui apporterait la paix et l'oubli. En choisissant la Somalie, pays parmi les plus tristes et les plus déshérités de la planète, il a cru se perdre, n'importe où, hors d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Autant l'annoncer d'emblée, ces "Lettres d'amour en Somalie" m'ont fascinées, émues, captivées...

L'histoire est simple : le narrateur, pour fuir une rupture amoureuse dévastatrice, choisit de s'exiler en Somalie, espérant trouver dans un pays ravagé par la guerre et la misère, une issue rédemptrice à son coeur brisé. Ce qu'il ressent, il l'écrit dans une longue lettre adressée à son amant perdu ; ce qu'il voit, il l'écrit dans un journal de bord sans empathie ni amertume. Alternant ainsi entre le récit de voyage et le roman épistolaire, agrémenté de quelques photographies de Diane Delehaye, le livre se lit vite, quelques heures, et nous marque, pour toujours.

C'est que le livre se lit bruyamment, de cette voix nasillarde et nonchalante qui a fait la renomée de son auteur. Sa poésie résonne en nous comme le miroir de nos souffrances universelles, de nos blessures pansées dans l'espoir de l'autre, de nos mémoires endeuillées par la vérité d'un désespoir maintes et maintes fois tu. « La voix de l'amoureux et le lamento de la Somalie se mélangent, s'entrecroisent, se répondent. Et nous les entendons, très distinctement. » comme le remarque si justement Philippe Besson dans sa préface. Nous nous laissons alors porter au gré de nos larmes silencieuses, celles qui coulent à l'intérieur, qui se mêlent au ressac de l'océan pour étouffer leur cri, qui nous inondent par leur absence comme ces mains qui cherchent dans l'obscurité d'un lit le corps de l'amant évanoui car, « Parfois, le désespoir est un sentiment calme. » (p. 13).

Avant de lire ces lettres d'amour, je n'avais de la Somalie que l'image improbable que les médias ont forgés dans mon esprit : Une terre d'hommes osseux, des villages ensablés remplis de pirates armés jusqu'aux dents, des dromadaires rapides et belliqueux, des femmes excisées, des touaregs déguisés en barbares... Depuis, j'ai compris qu'au delà de l'histoire séculaire d'un pays digne et fier, malgré la guerre, la misère, l'occupation, le désespoir, la mort, un pays n'existe que parce que des êtres humains, comme dans tous les pays du monde, s'y sont aimés ou s'y sont hais.

Boulversant !
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Un voyage fascinant à travers le chagrin et le deuil impossible d'un amour absolu qui permet le voyage pensé d'abord comme une fuite et qui peu à peu devient une attirance, d'une curiosité hallucinée à une forme de proximité et d'amour. Succédané des amours enfuies dont l'auteur n'a pas vu venir l'implosion dont il décrit pourtant l'érosion. Parallèle avec la déliquescence d'un pays millénaire oublié par la paix, martyrisé par le monde moderne... Comme dans le film, au fil des pages et dès la première phrase, on entend la voix de Frédéric Mitterrand, ce ton unique, ce débit qui lui est si particulier - rappelez-vous ses documentaires fascinants et somptueux à la télévision - Un magnifique roman épistolaire dont on sent à chaque page l'authenticité. A lire et à faire lire.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
[ La préface de 2006 de la réédition de ce livre de 1983, par l'écrivain Philippe BESSON : ]

Il y a des livres que, pour d’obscures raisons (mais, en définitive, sont-elles si obscures ?), on repère, dans une librairie, au milieu de beaucoup d’autres : un nom sur une couverture, vaguement évocateur, un paysage sur une jaquette, un titre dont la douceur nous plaît.

Des livres qu’on feuillette, au hasard, dans cette même librairie, et dont la course s’interrompt sur une phrase qui nous crucifie : « Parfois, le désespoir est un sentiment calme ».
Des livres qu’on emporte, serrés contre soi, avec l’espoir qu’une fois rentré dans le silence d’une chambre, on y retrouvera cette musique dont une seule note nous a pincé le cœur.
Des livres qu’on ouvre, en tremblant et qu’on referme, quelques heures plus tard, avec la certitude qu’un basculement vient de se produire, dont on ne mesurera pourtant les effets que longtemps après.
Des livres qu’on porte, pendant des années, qui ne nous quittent pas, dont quelques lignes nous obsèdent. On en lit d’autres cependant, on en aime d’autres mais on demeure imprégné de celui-là, comme d’un parfum qui ne s’estomperait jamais tout à fait.


"Lettres d’amour en Somalie" de Frédéric Mitterrand est pour moi, de ces livres.

J’avais dix-huit ans et je ne laisserai personne me faire croire que c’est le plus bel âge. J’avais dix-huit ans et déjà, je cherchais dans la littérature une réponse à mes questions, une issue à mes intuitions, ainsi qu’un baume à mes tristesses. J’avais le pressentiment que je débusquerais dans les mots des autres un écho aux mots que je ne parvenais pas à prononcer, une direction à emprunter peut-être, et l’occasion de ne plus me sentir seul. 

Ces « lettres d’amour » sont arrivées à point nommé, comme s’il n’existait pas de hasard, comme si on finissait toujours par rencontrer ce qui nous ressemble. Elles sont d’un homme quitté, d’un homme rendu à la solitude par la décision d’un autre. Le narrateur a aimé passionnément, aveuglément peut-être, il s’est jeté dans l’amour sans précaution, sans retenue, il a fini par prendre des habitudes, par croire que cela durerait toujours, il s’est niché dans un lit, dans une vie et, un jour, sans qu’il aperçoive les signes avant-coureurs des désastres, il a été jeté hors de ce lit, de cette vie. La confession s’ouvre tandis qu’il y revient par effraction, une dernière fois, en devinant que c’est le geste ultime avant la souffrance pure. 
Et il comprend combien les désastres étaient en marche depuis longtemps.
Alors cet homme cherche un échappatoire à sa douleur, il lui vient l’idée d’un exil, le besoin d’un ailleurs. Mais puisqu’il faut partir, s’éloigner, autant se diriger vers un pays supplicié. Non, il ne choisira pas le soleil, la quiétude d’un voyage d’agrément, des palaces exotiques dans des contrées protégées, il préférera aller se confronter à la misère, à la désolation, à l’âpreté. Voici qu’il embarque pour la Somalie. 
La Somalie, où l’attendent les déshérités, les déclassés, les proscrits, les malchanceux. A-t-il le secret espoir, l’affreux espoir que le malheur des hommes sur notre planète rétrécie pèsera plus lourd que le sien, que le chagrin des autres estompera le sien ? Ou simplement lui faut-il aller jusqu’aux frontières de la désespérance, là où aucune rémission n’est possible ?

Frédéric Mitterrand dit le destin brisé des hommes de là-bas, la folie des nations, l’inconséquence des décideurs du monde, la marche vers le néant d’un peuple vaincu. 
Il dit aussi, comme en un écho amorti, son propre deuil, le chaos de son existence, la certitude tragique qu’il a tourné le dos pour toujours au bonheur.
La voix de l’amoureux et le lamento de la Somalie se mélangent, s’entrecroisent, se répondent. Et nous les entendons, très distinctement. Car ces lettres ne sont pas seulement écrites, elles nous sont lues, murmurées à l’oreille.
Les souvenirs affluent. Tout est prétexte à leur résurgence. Car, dans la tristesse, de partout, on reçoit des signes. Défilent alors les souvenirs de l’intimité perdue, des joies confisquées. Des souvenirs de cinéma aussi puisque les personnages des films nous ressemblent toujours étrangement. Des souvenirs de littérature puisque les livres racontent toujours notre histoire. Des souvenirs de l’homme au genou malade, ce Rimbaud qui flotte comme un fantôme. Des souvenirs d’un roi déchu avant l’effondrement des puissances coloniales. Tout s’entrechoque et nous renvoie immanquablement à notre propre mémoire.

Et l’on mesure soudain que ces lettres ne seront jamais envoyées, qu’elles sont destinées à un être qui ne les lira pas, qu’elles n’existent que pour elles-mêmes et pour atténuer, un peu, et de manière factice, la peine. Oui, elles sont écrites au désert, au vent, au dénuement. Elles ne seront pas enfermées dans des enveloppes, elles ne seront pas glissées sous la porte de l’appartement où un autre a pris la place. Elles auraient pu tout aussi bien finir dans un tiroir, être abandonnées dans une chambre d’hôtel mais Frédéric Mitterrand, à son retour en France, décide de les publier. Non comme une bouteille qu’on jette à la mer mais comme on solde un compte, comme on publie un acte de décès. Il lui faut aller jusqu’au bout de cet amour perdu. Il les offre à ceux qui ont vécu la même histoire, à toutes les femmes et tous les hommes, en somme.

Il m’est arrivé souvent de les lire à voix haute, ces lettres, devant des gens. Et à chaque fois, j’ai surpris dans leur regard un vacillement. Ces gens qui, au commencement de ma lecture, m’écoutaient distraitement se raidissaient tout à coup, devenaient attentifs. Une émotion solennelle s’emparait d’eux. A la fin, ils venaient me voir, ils parlaient bas, tentaient de dissimuler leur commotion, n’y parvenaient pas vraiment. Sans doute s’étaient-ils reconnus dans les mots.
Il m’est arrivé souvent aussi d’offrir ce livre. Je sais qu’il est demeuré longtemps sur des tables de nuit, sur des bureaux, que des pages en sont cornées, que des passages en sont soulignés. Cela n’arrive qu’aux livres qui nous parlent de nous.
Aujourd’hui, en rédigeant cette préface, d’une main tremblante, je sais que je vous convie à un voyage dont vous reviendrez différent. On ne revient jamais indemne d’un texte déchirant. 
Laissez-vous porter par cette voix lancinante, à la fois blessée et étrangement paisible. Laissez-vous envahir par les images terribles d’une Somalie à la dérive. Et puis, quand vous aurez refermé le livre, restez quelques instants dans le silence. C’est saisissant, ce qui tient dans un silence.

Philippe BESSON.
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Tu me considères en souriant à demi, avec au fond des yeux ce je ne sais quoi de vague qui me fait penser que je suis toujours un peu en deçà de toi.

C'est un instant de l'an passé, un instant du temps que tu m'aimais, un instant parmi tous ceux qui m'ont été arrachés et dont je suis maintenant si démuni que seules la nuit, ses rêves et les pensées du demi-sommeil m'en rapportent le souvenir.
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Et puis le passé, tu es aussi venu le reprendre. Je t'en redonnais un peu, à chacun de tes reproches. Je n'avais pas beaucoup la force de résister. Je pensais : voilà, je lui rends ces années puisqu'il semble qu'elles n'étaient pas heureuses, mais je garde tout de même, ce moment, ces paroles qui ont été dites ; le sommeil par exemple. Je garde au moins le sommeil.

Mais tu avais besoin de tout pour m'effacer de ta mémoire. Et comme cette démunition de moi, c'était encore un geste de toi, alors, moi, et bien moi je n'ai plus rien dit et je t'ai tout rendu.

Il faut pourtant se méfier des longs voyages : la tendresse, à chaque étape, rapporte des bagages.
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Tu vis avec un autre et je suis à peine un souvenir. Pourtant, je préfère encore ma blessure à toutes celles que recouvraient si mal les mots du réconfort.
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Somalie, je t’ai aimée bien que tu ne fusses ni la plus belle ni la plus aimable. Et si j’ai cherché ton cœur sans parvenir à le trouver, c’est parce que tu étais si lasse et que moi j’étais aussi la lassitude même.
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