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Nicole Bary (Traducteur)
EAN : 9782070382385
124 pages
Gallimard (30/11/-1)
3.28/5   81 notes
Résumé :
Roumanie. Depuis que le meunier Windisch veut émigrer, il voit la fin partout dans le village. Peut-être n'a-t-il pas tort. Les chants sont tristes, on voit la mort au fond des tasses, et chacun doit faire la putain pour vivre, a fortiori pour émigrer. Windisch a beau livrer des sacs de farine, et payer, le passeport promis se fait toujours attendre. Sa fille Amélie se donne au milicien et au pasteur, dans le même but. Un jour, ils partiront par l'ornière grise et l... >Voir plus
Que lire après L'homme est un grand faisan sur terreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (33) Voir plus Ajouter une critique
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Windisch est meunier .
Le veilleur de nuit est assis sur un banc.
Le chien aboie.
Il y a un rat dans la paille.
Et puis des lézards, des crapauds, des chouettes, des cigognes et des merles et des grillons et des corneilles., mais pas de faisan.
Ah, non, suis-je bête, le faisan , c'est l'homme.
Le menuisier occupé à terminer le cercueil de sa mère se blesse avec une écharde, sa femme la lui enlève et il lui caresse les seins avec son doigt plein de sang.
Un autre doigt, visqueux, sort de la toison de la femme de Windisch, il voit le doigt. Il sait qu'elle s'est prostituée en Russie.
Atterrissons : nous sommes en Roumanie, sous Ceausescu, et tout ce beau monde, sauf le veilleur de nuit veut émigrer.
Actes de naissance, pas simple, il faut se donner à l'abbé.
Passeports, pas simple, il faut se donner au policier, même l'argent ne suffit pas. « il cherche les demandes de passeport avec les femmes qui veulent émigrer sur un matelas …et doit parfois recommencer jusqu'à sept fois ! »
Et la postière récupère l'argent des timbres et s'achète de l'eau de vie.

Herta Muller, prix Nobel 2009, parsème ces phrases plates, énumératives, d'un peu de piment fantastique : un pommier qui mange ses propres pommes, et qu'il faut donc brûler, un trou dans le cerveau, une araignée dans l'oreille, la chouette qui apporte la mort, le papillon qui traverse les joues du tailleur, la boule de feu dans la gorge du meunier,…
et aussi de symboles, le doigt, la mouche sur le cadavre, la larme de verre à remplir d'eau de pluie, et le souvenir de ces anciens prisonniers de guerre.
Et puis, miracle, l'écriture s'ouvre pour s'approcher au plus près de la faim, ce qu'est la faim, se réjouir de la soupe aux herbes, donner son manteau dans la neige pour un morceau de pain, le hérisson rentre alors, pour quelques heures, ses piquants.
Se prostituer pour ne pas mourir de faim.
Quatre pages, qui valent bien un prix Nobel.
LC thématique octobre : un verbe dans le titre


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J'espère que le jury Nobel n'a pas choisi Herta Müller juste parce qu'elle représentait une minorité opprimée. Comme dans plusieurs de ses livres, elle décrit ici l'exil, et surtout l'attente de l'exil, dans une communauté germanophone en Roumanie.
Décrit ? Il s'agit d'une évocation, dans une prose poétique et surréaliste, entremêlée de moments d'une crudité difficile à supporter.
La situation de ces familles sous le régime de Ceaucescu, sous la corruption et les abus de pouvoir de l'administration et de l'église, l'exil comme seule solution, les souvenirs de guerre, les rancunes accumulées (justifiées ou non), les superstitions résiduelles, mais aussi des visions inexplicables, des images incompréhensibles... La prose d'Herta Müller est tout le contraire de ma phrase précédente. Tout est dit sèchement. En des phrases courtes. Sans sentiments. Avec des répétitions. Mais aussi des fulgurances.

Un livre extraordinaire par le style et par les images, qui coupe le souffle, à la limite de l'écoeurement par moments, et avec des moments qui me sont restés hermétiques mais que j'ai admirés. Vraiment une expérience (dure pour moi dans un moment difficile) choquante mais stupéfiante ; chacun décidera s'il tente l'aventure, je ne regrette pas du tout d'avoir embarqué.
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Un roman sans joie, dont aucun personnage n'est vraiment sympathique.

Cet ouvrage de la récipiendaire du Nobel 2009 n'est pas facile d'accès. Comme plusieurs autres lecteurs, j'avais d'abord refermé le petit bouquin après les premiers chapitres, rebutée par l'écriture sèche et la sexualité crue.

J'ai repris la lecture en 2014 et j'y ai rencontré la vie difficile, l'impuissance devant les autorités qui s'emparent de tes biens, l'attente de passeport avec toutes les compromissions nécessaires pour l'obtenir… sans pour autant y trouver quelque espoir ou bonheur lorsque les papiers arrivent finalement.

J'ai tenté de déchiffrer les métaphores et les descriptions d'un pays rude et désespéré, fait tantôt de sécheresses et tantôt de pluies abondantes.

J'ai découvert d'étranges légendes : un pommier qui mange ses pommes, une chouette qui annonce la mort, et un grand faisan qui n'a pas livré sa signification…

Un monde sans joie, c'est étrange, mais n'est-ce pas la qualité de la littérature que de nous amener en des lieux émotionnels différents?
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Un peu maso de ma part de repiquer à Herta Muller et son univers froid comme la mort, oppressant, désespérant. Mais cet univers est si singulier, le rendu du réel si saisissant que j'ai pris sur moi de me refaire mal (d'autant que le roman est court), pour mon bien.
Nous sommes toujours sous le régime glauquissime de Caeaucescu, cette fois-ci l'homme dans le titre n'est plus un renard mais un faisan, on est toujours dans une périphérie urbaine mal définie entre masures de campagne et banlieue sale, et l'on attend. On attend le départ, la délivrance du passeport toujours repoussée, papier pour le lequel il faut donner toujours plus de sacs de farine, toujours plus d'argent, toujours plus de son corps pour les femmes. En attendant on erre, on s'épie, on se tait, on s'adonne à des étreintes froides.
Les personnages, même ceux qui arrivent à partir, sont prisonniers du livre, seul le lecteur peut quitter cet univers en refermant les pages.
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Je connaissais la réputation de l'écriture de Herta Müller, concise, froide, déprimante, et pour cette raison j'avais tardé à la lire.
J'ai été surprise par la part d'imaginaire et de poésie qu'il y a dans ce court récit, où éléments naturels et émotions se confondent. J'ai souvent repensé à Colline de Jean Giono, lu il y a quelques semaines, où la nature est également une part importante de l'imaginaire.
Le début est comme l'entrée dans un rêve où le paysage est changeant, interfère avec la réalité, le rêve est d'ailleurs récurrent dans le récit par l'entremise du veilleur - quelle ironie! - seul homme du village à avoir décidé de ne pas émigrer.
Nous sommes dans les années 80, dans une Roumanie dirigée par Ceaucescu, le "père du pays", au coeur d'une petite communauté allemande - celle dont Herta Müller faisait elle-même partie. Tous attendent leur visa pour quitter le pays et aller en Allemagne, comme Windisch, le meunier, sa femme et sa fille Amélie.
Mais Windisch a beau amener jour après jour les sacs de farine exigés par le milicien du village afin d'obtenir les papiers réglementaires, celui-ci repousse sans cesse l'échéance. le meunier sait bien que la solution se trouve en Amélie, que le milicien attend, lui ainsi que le prêtre qui doit lui délivrer son acte de naissance, en présence bien sûr de la jeune fille... Mais Windisch, dont la femme a survécu au Goulag en se vendant, ne peut pas se résoudre à livrer sa fille aux deux hommes corrompus.
Cette réalité du pays où Herta Müller a grandi est racontée à coups de phrases courtes. Les corps y sont extrêmement réalistes et omniprésents; les analogies au lait - le ciel, les nuages, les flaques - créent une atmosphère malaisante qui rôde tout au long des pages.
Bien que parfois opaque, j'ai trouvé cette lecture fascinante par ce qu'elle est capable à la fois de dire et d'éveiller sur cette partie de l'histoire roumaine.
Je suis curieuse de découvrir d'autres oeuvres plus récentes d'Herta Müller.
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Le mégissier compte une seconde liasse. Le plancher va cacher le mégissier. La femme du mégissier souffle sur sa cape de fourrure grise pour enlever la poussière. Le plancher va la soulever jusqu'au plafond. A côté du poêle de faïence la pendule a sonné une longue tache blanche. A côté du poêle de faïence le temps est resté accroché. Windisch ferme les yeux. « Il est temps », pense-t-il. Il entend le tic-tac de la tache blanche et il voit le cadran au milieu des taches noires. Le temps n'a plus d'aiguilles. Seules les taches noires tournent. Elles se bousculent. S'extraient de cette tache blanche. Tombent le long du mur. Elles ne font qu'un avec le plancher. Les taches noires sont le plancher de l'autre pièce.
Page 24
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La lumière est déchirée. Les deux fenêtres voguent l'une vers l'autre. Les deux planchers poussent les murs devant eux. Windisch se tient la tête dans les mains. Son pouls bat dans sa tête. Sa tempe bat à son poignet. Les planchers se soulèvent. Ils se rapprochent. Se touchent. Retombent le long de leur étroite fissure. Ils sont lourds. La terre va se briser. Le verre brillera, ce sera une tumeur tremblante dans la valise.
Page 25
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Le village est petit. Dans les rues étroites il y a des gens. Les sont loin. Ils s'éloignent. A l'extrémité de chaque rue, le maïs forme un mur noir.
Windisch voit autour du soubassement de la gare les flaques grises du temps arrêté. Une nappe de lait recouvre les rails. Jusqu'aux talons. Au-dessus, une peau glauque. Le temps qui s'arrête tisse une toile autour des bagages. Il tire sur les bras. Windisch avance à petits pas sur le ballast. Il s'enfonce.
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Un papillon passe devant le front du tailleur. Ses joues sont pâles. On dirait qu'il y a un rideau sous ses yeux.
Le papillon traverse les joues du tailleur. Il baisse la tête. Le papillon ressort à l'arrière de son crâne, tout blanc et pas froissé du tout. Wilma-la-maigre agite son mouchoir. Le papillon traverse sa tête de part en part.
Page 123
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La diseuse de prières chante dans l'oreille du curé. L'encens lui écrase la bouche. Béate, elle met tant d'obstination à chanter que le blanc de son œil s'agrandit démesurément et ruisselle lentement sur ses pupilles.
Page 109
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Video de Herta Müller (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Herta Müller
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=59753&motExact=0&motcle=&mode=AND
DU TRAUMA À L'ÉCRITURE
Un point de vue sur la création littéraire de Herta Müller
Radu Clit
Études Psychanalytiques
Décelé dans la création littéraire de Herta Müller, le rapport du trauma avec l'écriture se décline différemment en fonction des quatre types de prose qui sont isolés dans la création de la lauréate du prix Nobel de littérature 2009. Dans son volume de début, le trauma est ou physique ou subi par des animaux. Les romans qui décrivent la vie quotidienne sous le régime communiste présentent des traumas infligés par les autorités de l'état. Dans le camp de travail soviétique, le trauma est intégré dans le cadre existentiel. Les essais de l'écrivaine ouvrent la perspective autobiographique et montrent que tous les traumas présentés ont été subis ou par elle, ou par sa famille.
Radu Clit a déjà publié un livre et plusieurs études sur les effets psychiques des phénomènes totalitaires. Psychologue clinicien, psychanalyste, psychothérapeute de groupe, il ajoute cette fois à l'approche interdisciplinaire la grille d'analyse littéraire, ce qui lui permet d'affiner certains points de vue avancés précédemment.
Broché - format : 13,5 x 21,5 cm ISBN : 978-2-343-14532-7 ? 16 mai 2018 ? 230 pages
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