Je ne connaissais pas l'écriture de
Patrick Modiano. Je connaissais l'écrivain, son côté timide et introverti pour avoir regardé quelques interviews. Je ne saurais dire exactement ce qui me rebutait malgré les nombreux prix qui lui avaient été décernés peut-être sa difficulté d'élocution. Toujours est-il, certains commentaires sur Babelio on finit par me convaincre et j'ai jeté mon dévolu sur
Dora Bruder.
Quelle belle découverte ! Très émouvante cette promenade en compagnie de
Modiano dans des rues de Paris que je connais et qu'il affectionne. J'ai aimé reconstituer avec lui ces quartiers, ces maisons, ces hôtels disparus, m'arrêter à une station de métro, flâner entre passé et présent un peu comme dans un rêve, retrouver ce Paris populaire à la
Robert Doisneau où Paname était à monsieur tout le monde. Chaque quartier était un village. Enfin, c'est ainsi que je me suis imaginée, tout au long de la lecture, tout au long de l'enquête, ce Paris de mes parents.
C'était assez étrange de revisiter et de tenter de reconstruire la mémoire de ces rues à la recherche de
Dora Bruder, cette jeune fille juive disparue en décembre 1941 et dont les parents avaient passé une annonce sur Paris-Soir. Avec
Modiano, les limites du temps n'existent pas. Tout se confond et fait écho, passé, présent. Je la voyais Dora et par moment elle nous échappait. Quel travail que celui de reconstituer point par point l'histoire de la famille Bruder.
Modiano s'est procuré tous les documents concernant cette famille, toutes les annotations figurant sur les papiers de l'administration, du couvent où elle était pensionnaire, des Tourelles à Drancy puis Auschwitz, il n'a rien laissé au hasard.
Eprouvant aussi de replonger dans cette sinistre période si effroyable qui vient rappeler le tragique de l'histoire de la famille Bruder et de tant d'autres comme aussi celle du père de
Modiano. Se figurer Paris envahit par les croix gammées et les uniformes noirs de la SS, se représenter la terreur de toutes ces personnes portant l'étoile, les rafles : bouleversant. Je l'ai vu Dora dans le panier à salade, le même panier à salade qui a emporté le père de
Modiano.
Il sait manier la plume
Patrick Modiano, c'est très beau, c'est épuré, entre mystère, passé, présent, nostalgie. J'ai bien aimé ce qui se dégage de l'écriture de
Modiano, une espèce de tristesse, une mélancolie, je crois que l'on dit maintenant « modianesque ». On sent bien que les traumatismes liés à cette période sont encore bien présents dans l'esprit des enfants et petits enfants nés après cette période. C'est un peu comme si
Modiano voulait redonner vie à Dora en tant que symbole de tous ces anonymes disparus sur le chemin de « Pitchipoï » surtout qu'au début de cette semaine de mai 2019, la stèle dédiée aux enfants de la rafle du Vel d'Hiv a été vandalisée.
La personnalité de
Patrick Modiano me questionne, alors afin de mieux cerner son individualité, mon prochain
Modiano sera
Pédigree.