Citations sur Encre sympathique (98)
D’ailleurs, pour parler franc, je n’ai jamais eu d’agendas et je n’ai jamais écrit de journal. Cela m’aurait facilité les choses. Mais je ne voulais pas comptabiliser ma vie, je la laissais s’écouler comme l’argent fou qui file entre les doigts. Je ne me méfiais pas. Quand je pensais à l'avenir, je me disais que rien ne serait perdu de tout ce que j'avais vécu. Rien. J'étais trop jeune pour savoir qu'à partir d'un certain moment vous butez sur des trous de la mémoire.
Il y a des blancs dans une vie, mais parfois ce qu’on appelle un refrain. Pendant des périodes plus ou moins longues, vous ne l’entendez pas et l’on croirait que vous avez oublié ce refrain. Et puis, un jour, il revient à l’improviste quand vous êtes seul et que rien autour de vous ne peut vous distraire. Il revient, comme les paroles d’une chanson enfantine qui exerce encore son magnétisme.
Il ne faut jamais se fier aux témoins. Leurs prétendus témoignages sur des personnes qu’ils auraient connues sont inexacts, la plupart du temps, et ils ne font que brouiller les pistes. La ligne d’une vie disparaît derrière tout ce brouillage. Comment démêler le vrai du faux si l’on songe aux traces contradictoires qu’une personne laisse derrière elle ? Et sur soi-même en sait-on plus long, si j’en juge par mes propres mensonges et omissions, ou mes oublis volontaires ?
Pour la première fois, ces souvenirs venaient la visiter, à la manière d’un maître chanteur dont vous êtes certain qu’il a perdu votre trace depuis longtemps et qui, un soir, frappe doucement à votre porte.
A cette heure-là, l'avenue était déserte et silencieuse. On entendait le bruissement des arbres. A mesure que nous avançions, nous n'étions plus éclairés que par la pleine Lune.
À mesure que je tente de mettre à jour ma recherche, j’éprouve une impression très étrange. Il me semble que tout était déjà écrit à l’encre sympathique. p. 91
J’ai peur qu’une fois que vous avez toutes les réponses votre vie se referme sur vous comme un piège, dans le bruit que font les clés des cellules de prison. Ne serait-il pas préférable de laisser autour de soi des terrains vagues où l’on puisse s’échapper ?
Je me demande : faut-il vraiment trouver une réponse ? J’ai peur qu’une fois que vous avez toutes les réponses votre vie se referme sur vous comme un piège, dans le bruit que font les clés des cellules de prison. Ne serait-il pas préférable de laisser autour de soi des terrains vagues où l’on puisse s’échapper ?
A la terrasse du café, cet après-midi là, je fixais avec le plus d'attention possible ce visage dont on distinguait à peine les traits, et je n'étais pas sûr de pouvoir reconnaître Noëlle Lefebvre.
Le présent et le passé se mêlent l'un à l'autre dans une sorte de transparence, et chaque instant que j'ai vécu dans ma jeunesse m'apparaît, détaché de tout, dans un présent éternel.