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sur 571 notes
Il y a trente ans, le narrateur s'était vu confié une enquête par l'agence de détectives qui l'employait : il s'agissait de retrouver une jeune femme disparue. Ses recherches avaient alors tourné court, et voilà que soudain, si longtemps après, cette affaire resurgit à sa mémoire et l'incite à la reprendre là où il l'avait laissée.


Construit comme une esquisse qui s'éclaircit à mesure des touches de lumière apposées peu à peu par l'auteur, le texte nous fait errer dans les limbes des souvenirs et non-souvenirs du narrateur, en quête des détails du passé qui lui permettront enfin d'élucider cette affaire de disparition. Toutes les explications sont à portée de sa conscience mais se dérobent dans le kaléidoscope de sa mémoire. Jusqu'à ce que…


Tout le roman repose sur l'idée que le présent est le résultat de notre passé et influencera lui aussi notre futur. Cette trame qui modèle notre vie à notre insu, en un invisible filigrane, est comme écrite à l'encre sympathique : les fils en sont cachés par une foule d'éléments parasites, déformés par notre mémoire, mais il suffit d'un rien pour qu'ils resurgissent soudain à notre esprit, révélant soudain à quel point ils nous ont construits et menés à notre vie d'aujourd'hui. Mais a-t-on vraiment intérêt à toujours tout comprendre ? Ne risque-t-on pas, en la perçant à jour, de rester prisonnier de cette forme de prédestination ?


Mélancolique et subtile, cette jolie réflexion sur la mémoire et le temps qui passe sans jamais disparaître tout à fait, est un petit bijou littéraire, où l'esquisse et le non-dit donnent tout son relief au texte.
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Voici le commentaire d'un livre que je n'ai pas lu. En effet, pour la première fois, je me suis adonné à l'essai du livre audio ; et le faire - confinement obligeait - hors du temps, au coucher, vous emporte inexorablement dans une autre dimension.

L'écriture de Modiano et le thème du roman ne sont pas, j'imagine, tout à fait étrangers à cette expérience sensorielle dans laquelle on se retrouve embarqué en une espèce d'entre-deux dans une perambulation onirique, par-delà l'espace et le temps, en compagnie de personnages dont on ne sait plus très bien s'ils appartiennent à votre réalité ou s'ils procèdent du rêve, tout cela imbriqué en une sorte de fantasmagorique mise en abyme.

D'un Nobel l'autre, comment dans ces réflexions sur le temps, l'absence, la répétition, l'intériorité, l'errance, ne pas établir un parallélisme avec Claude Simon, principalement sa Route des Flandres, mêmes traces mnésiques d'un passé vécu, reconsidéré, à l'aune des fragments mémoriels de l'inconscient.

Bref, si comme votre serviteur, habités par les peurs, les culpabilités, les remords, et surtout les regrets, vous éprouvez quelques difficultés d'endormissement, nul besoin de faire appel aux soins hypnotiques d'un Benjamin Lubszynski, la voix impeccablement monocorde de Denis Podalydès (même si je préférais celle de ma grand-mère) et son régulier phrasé sauront apaiser vos angoisses nocturnes de grands nourrissons et vous mener, de l'autre côté du miroir, à la recherche de Noëlle Lefebvre perdue.
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Modiano me fait toujours l'effet d'un auteur qui serait resté enfermé quelques décennies dans une boîte très hermétique que l'on aurait enfin ouverte. Rien de ce qui fait le XXIe siècle ne concerne ses romans: pas de traces de téléphones portables, d'ordinateurs ou de réseaux sociaux… Non, chez Modiano, on cherche un nom dans le Bottin, on écrit des lettres avec de l'encre bleu Floride, on parle de dancing et de bureau des PTT, de magnétophone et de télégramme…
Les gens sont aimables ou méfiants, habitent ou ont habité Paris (ils peuvent aussi être absents momentanément de Paris, ce qui est toujours vaguement inquiétant ou risqué) et s'appellent comme on ne s'appelle plus : Gérard Mourade, Noëlle Lefebvre ou George Brainos...
Généralement, l'un d'entre eux a disparu et un narrateur le recherche. Pourquoi ? On ne sait pas vraiment et lui non plus dans le fond. S'ensuit une espèce d'errance essentiellement parisienne, dans un périmètre assez limité et une chronologie relativement vague. On a toujours l'impression que le narrateur souffre d'une myopie prononcée qui l'empêche de voir au-delà d'une certaine distance (autrement, ce qu'il voit est flou) et qu'une forme d'amnésie l'a frappé peu de temps après sa naissance. le personnage principal est donc quelqu'un qui ne se souvient pas et les gens qu'il interroge ne se souviennent pas eux non plus. Bref, tout le monde a tout oublié et l'on cherche des gens que personne n'a jamais rencontrés, et qui sont certainement morts depuis longtemps (mais là, c'est pas sûr!)
(Seules les traces font rêver, disait René Char… )
Bref, on tourne pas mal en rond, on rencontre une poignée de personnages (très peu) mais on finit quand même par les confondre (moi en tout cas), on se perd dans des détails (des histoires de lettres, de dossiers égarés ou incomplets…), les années passent, on vieillit (mais on ne change pas vraiment), on ne renonce pas à chercher (en s'autorisant quelques pauses assez longues tout de même) comme si le sens de la vie dépendait de ce qu'on allait trouver (ou pas) et puis, on finit toujours par mettre la main sur une personne : est-ce vraiment celle que l'on cherchait au début ou bien quelqu'un qui lui ressemble vaguement ? Peu importe, elle fera l'affaire.
Dans cette atmosphère hors du temps et hors de tout, des paroles d'une très grande banalité prennent soudain l'allure de questionnements philosophiques très profonds : exemple page 26 : « Et vous, qu'est-ce que vous faites dans la vie ? » Eh oui, qu'est-ce qu'on fout là, dis-le moi…
Bref, on aime Modiano ou pas. Si vous aimez, vous adorerez ce roman ; si vous n'aimez pas, passez votre chemin.
Quant à moi, je fais partie des fans absolus : j'aime l'écrivain qui à chaque question qu'on lui pose répond par « C'est compliqué » avant de plonger son regard inquiet dans le vide et de répéter une autre fois comme quelqu'un qui prend douloureusement conscience de la difficulté de traduire l'existence en mots, « oui, c'est compliqué »… J'aime ses textes parce qu'ils expriment une vision du monde très personnelle, et c'est bien là la caractéristique d'un grand écrivain, isn't it ?
L'errance modianesque dit le temps qui passe, s'effiloche, la mémoire qui vacille et l'oubli qui prend le relais. Les lieux, seuls, forment de vagues repères… et encore… Rien ne résiste au temps, ni les gens, ni les choses…
L'homme n'est qu'un passant… Un passant de passage… Qui a presque tout perdu et tout oublié.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Encre sympathique, ce court roman de Patrick Modiano commence comme une enquête policière.
Le très jeune narrateur, Jean Eyben, est embauché à l'essai dans un cabinet de détective privé, la première mission qui lui est confiée est de retrouver les traces d'une certaine Noëlle Lefebvre.
Le dossier se rapportant à cette personne est mince, les éléments imprécis, il n'est pas aidé dans cette mission. Il va donc y aller par tâtonnement, s'engouffrer dans cette enquête avec si peu d'indices... C'est comme une déambulation dans les rues de Paris, notamment le 15e arrondissement.
Il va tenter de démêler l'écheveau, il va rencontrer des personnages qui ont connu cette fameuse femme disparue, découvrir un appartement vide, un agenda avec quelques annotations mystérieuses, des bribes de mots, de phrases. Mais voilà ! Au moins, les informations qu'il glane sur son chemin permettent d'enrichir le bien maigre dossier de base qu'on lui avait fourni au démarrage de cette enquête...
La déambulation devient un dédale, un labyrinthe. Comment ne pas voir dans ce jeune détective en herbe l'alter ego de Modiano... ?
À la page 91, le narrateur nous éclaire sur la définition de l'encre sympathique. : « Encre qui, incolore quand on l'emploie, noircit à l'action d'une substance déterminée. »
Le récit se déploie sur une trentaine d'années. Nous voyageons de Paris, à Rome, en faisant une petite halte à Annecy... Quelques années plus tard, par hasard Jean Eyben renoue avec cette vieille affaire qu'il avait abandonnée lorsqu'il était jeune et qui n'a jamais été résolue depuis lors...
En trente ans, tandis que les rues de Rome restent immuables, les quartiers de Paris bougent, des grues se dressent au milieu des décombres d'un ancien quartier qu'on s'apprête à réhabiliter. Sous le fatras des murs démolis, des fantômes du passé gisent et semblent vouloir tendre des gestes désespérés pour éclairer les pas de ceux qui les recherchent... Pas facile de retrouver son chemin lorsque les quartiers d'avant n'existent plus, les repères sont effondrés, il faut avancer, revenir sur ses pas en évitant de tomber dans un trou de mémoire...
Et puis brusquement, contre toute attente, on croit que le ciel s'éclaire, que les pièces du puzzle finissent par s'emboîter d'eux-mêmes, mais est-ce vraiment là que l'auteur veut nous amener ?
Les thèmes chers à Patrick Modiano sont bien au rendez-vous : la disparition, la recherche d'identité, l'amnésie, le retour vers un passé énigmatique, les secrets, la mémoire...
À ceux qui trouvent que Patrick Modiano se répète de livres en livres, l'auteur aime citer Faulkner qui disait qu'écrire c'est épuiser un rêve.
Vous m'aurez compris, cette encre sympathique est une belle métaphore, poétique aussi, presque métaphysique à certains endroits, hors du temps. Je me suis plu à rêver de cette mystérieuse Noëlle Lefebvre, j'ai craint pour elle car je n'aime pas beaucoup certaines de ses fréquentations, j'ai espéré retrouver sa trace, c'est une petite musique qui m'a envoûté dans cette variation du temps qui passe.
Menée comme une enquête policière, j'ai aimé cette déambulation mélancolique au-dedans de nous-même, qui est une promenade bien plus que sympathique, elle est furieusement jubilatoire.
Peut-être que dans trente ans, en relisant cette chronique, d'autres mots vous apparaîtront dans les non-dits que l'encre sympathique aura révélés par-delà les stigmates du temps....
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Encre sympathique , encre qui, incolore quand on l'emploie, noircit à l'action d'une substance déterminée nous dit Patrick Modiano . Il poursuit par ces mots" si vous avez parfois des trous de mémoire, tous les détails de votre vie sont écrits quelque part à l'encre sympathique"...
Noëlle Lefebvre a disparu, elle s'est volatilisée quelque part entre Paris et.. Notre narrateur se voit confier une enquête de terrain dans le quartier du XVè où elle habitait. C'était il y a 30 ans. L'auteur essaye de rassembler les pièces de son enquête éparpillées dans les coins et recoins de sa mémoire, les années ont passé mais les souvenirs aussi enfouis qu'ils semblaient être refont surface..
Une fois de plus je me suis laissée séduire par la plume de Patrick Modiano, par sa quête du souvenir, de ce passé qui a modelé notre présent et qui inexorablement annonce notre futur. Un très beau texte qui ravira les inconditionnels et séduira les profanes. Bonne lecture.


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Modiano, comme le dit avec humour Clara Dupont-Monod, "est notre écrivain GPS".
Dans ce très joli roman ( son 29ème ), comme dans tous ceux qui constituent l'oeuvre de notre Prix Nobel ( le 15ème français ), celui-ci nous entraîne dans une visite guidée nostalgique, quelquefois mélancolique mais toujours envoûtante du XVème arrondissement de Paris mais également d'Annecy et de ses environs, sans oublier l'incursion finale à Rome.
Comme dans l'essentiel de sa bibliographie, le narrateur, très jeune apprenti dans une agence de détectives privés, enquête sur une jeune femme, Noëlle Lefèbvre, à propos de laquelle il ne bénéficie que de très peu d'informations, d'une photo si floue que s'il la croisait dans une de ces rues qu'il nous fait emprunter ou s'il était assis à côté d'elle dans un de ces cafés, bistrots, que Modiano affectionne, il ne pourrait pas la reconnaître.
Il tente donc, thème modianesque, de retrouver sa trace.
"À mesure que je tente de mettre à jour ma recherche, j'éprouve une impression très étrange. Il me semble que tout était déjà écrit à l'encre sympathique. Quelle est dans le dictionnaire sa définition ? "Encre qui, incolore quand on l'emploie, noircit à l'action d'une substance déterminée."
Ce n'est pas pour le seul plaisir de citer que je fais référence à ce passage du livre.
En fait, ces lignes disent tout sur cet ouvrage, mais d'une manière générale éclairent le parcours, le cheminement littéraire de Modiano.
L'obsession de Modiano, c'est tenter de "faire réapparaître un passé oublié, le temps perdu, les souvenirs effacés, des êtres, des objets, des lieux disparus."
Noëlle Lefèbvre, la belle inconnue qui s'est mystérieusement évanouie dans l'espace et le temps se dérobe aux recherches, au temps, aux témoins, aux traces... jusqu'à faire douter le narrateur de sa réalité.
Cependant cette mystérieuse jeune femme a pris en quelque sorte possession de lui... au point de le convaincre qu'il la connaît, qu'il l'a déjà vue, déjà rencontrée...
Le tout se déroule dans un paysage bien connu des lecteurs de l'écrivain.
Le Paris des années 50, avec ses rues, ses cafés, un dancing au bord de la Seine, un garage et son propriétaire vendeur de Chrysler.
Il y a une poste restante, une lettre énigmatique et un agenda qui l'est tout autant.
Le roman s'articule autour de cette géographie, de ces éléments et de cette quête-enquête.
Ce livre sur la mémoire part de l'idée que ladite mémoire n'est faite que de bribes qui surnagent de l'immense oubli au sein duquel nous vivons.
D'où la métaphore de l'encre sympathique avec laquelle a été écrit tout ce qu'on a oublié et dont certaines substances, certaines circonstances permettent de faire émerger quelques souvenirs, quelques fragments lisibles de ce passé, de cet oubli écrit à l'encre invisible.
Cela étant, il faut être prudent avec ces souvenirs réapparus à l'occasion de tel ou tel évènement.
Il en faut très peu pour être mystifié par ces souvenirs.
Une mystification née de plusieurs causes, volontaires ou involontaires.
Noëlle Lefèbvre est-elle morte ?
Si oui, dans quelles circonstances ?
Est-ce une fugue ? Et pourquoi ?
Ou bien autre chose dont on saura ou pas en expliquer les raisons.
Suivez Modiano dans cette enquête.
Vous serez happé par son déroulement et sensible à sa chute.
J'ai lu quelques romans de Modiano.
J'ai été bouleversé à la lecture de - Dora Bruder -.
J'ai beaucoup apprécié - Rue des boutiques obscures -.
Celui-ci a un charme singulier, une mélancolie tout en grâce.
C'est un livre qui a été qualifié, le mot n'est pas de moi, de "Modianissime", et je suis d'accord avec cette appréciation.
Je le recommande à ceux qui sont un peu réticents à l'égard de l'auteur, et je le conseille à ceux qui veulent faire connaissance avec l'oeuvre de grand écrivain.
C'est l'introduction idéale à l'univers singulier de Patrick Modiano.
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Modianesque en diable

Dans ce court roman, le Nobel de littérature continue à jouer sa partition avec maestria. Il nous entraîne sur les pas de la mystérieuse Noëlle Lefebvre, rassemblant petit à petit les pièces d'un puzzle fascinant.

Bien entendu, c'est toujours le même roman et bien entendu, il est à chaque fois différent. Les inconditionnels de Modiano y retrouveront sa plume délicate et ses promenades dans Paris, sa volonté de retrouver ses souvenirs et celle d'en faire oeuvre littéraire. Quant à ceux qui n'ont pas encore goûté au plaisir de lire l'un des romans du dernier Prix Nobel de littérature français, ils pourront sans crainte découvrir son univers avec ce court roman, qui doit être son trentième.
Tout commence cette fois avec un document retrouvé, une carte de poste restante au nom de Noëlle Lefebvre.
Le narrateur se souvient qu'il a travaillé quelques mois pour le compte de l'agence de détectives La Hutte et qu'on lui avait confié la tâche de retrouver la trace de cette jeune fille mystérieusement disparue. Une première pièce d'un dossier qu'il va rouvrir et tenter de reconstruire.
Outre cette carte de poste restante, quelques lieux fréquentés par la jeune femme, quelques personnes de son entourage vont apparaître. Un certain Roger Behaviour, le 13 de la rue Vaugelas ou le 85 rue de la Convention, la maroquinerie Lancel proche de l'Opéra où Noëlle a travaillé, le Dancing de la Marine, le Cours d'art dramatique Paupelix, Gérard Mourade «Il faudrait encore des détails qui sembleraient à première vue sans aucun rapport les uns avec les autres, jusqu'au moment où de nombreuses pièces du puzzle seraient rassemblées. Et il ne resterait plus qu'à les mettre en ordre pour que l'ensemble apparaisse à peu près au grand jour.»
Comme dans Souvenirs dormants ou encore Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, la magie opère, à tel point que cette enquête – qui est d'abord une quête de la vérité, de la permanence des souvenirs, de la façon de les présenter – va devenir secondaire par rapport au travail de l'écrivain. «À mesure que je tente de mettre à jour ma recherche, j'éprouve une impression très étrange. Il me semble que tout était déjà écrit à l'encre sympathique [… ] Et, en définitive, cela me permettra peut-être de mieux me comprendre moi-même.
Voilà pourquoi Noëlle Lefebvre l'obsède à ce point, voilà pourquoi le lecteur ne tarde pas à le suivre dans cette recherche. Car il pressent qu'il s'agit ici de trouver les clés de l'existence, le moteur qui nous fait avancer, les réponses aux seules questions qui valent. Et sans dévoiler l'épilogue de ce roman, on trouvera au hasard d'une réflexion – «J'ai peur qu'une fois que vous avez toutes les réponses votre vie se referme sur vous comme un piège, dans le bruit que font les clés des cellules de prison» – le secret de l'oeuvre modianesque. Et c'est la raison pour laquelle on
se réjouit déjà du prochain livre. Qui, on le sait sera le même. Et sera bien différent.



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Dans chaque roman de Modiano il y a un traumatisme caché qui trouble une mémoire qui remonte par bribes.
J'adore ces moments de confusion ou le narrateur se perd entre imaginé et réel, lorsqu'il se demande si ce qu'il croyait être un mensonge en était bien un.
Même l'identité du narrateur, Jean, est ambigüe puisque il nous assure que cette enquête lui servira dans son futur métier d'écrivain.
Troubles, mélanges, fatras du temps, l'univers de Patrick Modiano s'installe.

Mais vite et plus que de coutume on se perd : entre les tromperies du narrateur, celles de la disparue, les fabulations de ceux qui l'ont connue, les fausses identités, les allusions qui n'en sont pas vraiment comme ce Roger Behaviour régisseur de théâtre - Serait-ce le théâtre de « nos débuts dans la vie » ou des « souvenirs dormants » ? - tout le monde se perd.
Certitudes, incertitudes, brumes et brouillards.

De sorte que dans ce roman c'est plus que le flou modianesque, mais bien un chaos véritable qui prend pied.
C'est peut-être pourquoi, en forme de nouveauté, Modiano fait intervenir un autre narrateur comme s'il voulait mettre des points floutés sur les « i » ce qui fait de ce roman un objet un peu différent des précédents, avec une sorte de dénouement final, en suspend, certes, mais qui nous fait reprendre pied ; à peut près….et couper court.

D'aucun me diront que Modiano écrit toujours la même chose. Mais oui ! Il écrit ce même roman de la mémoire ; il écrit comme on se rappelle de quelque chose de lointain, de presque oublié ; il écrit par touches, confusément, brumeusement. C'est cela que j'aime. Une façon à la Christian Bobin de remettre sans cesse son ouvrage sur le métier.

Cependant dans cette « encre sympathique », est-ce cette nouvelle construction du récit ou bien autre chose qui me font percevoir cet opus en un ton légèrement mineur ? Je ne sais le dire….
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Après "Dans le café de la jeunesse perdue" qui m'a laissé un sentiment plutôt morne malgré sa belle prose, je me suis lancée dans un second livre de Modiano. Bon, autant vous le dire tout de suite, celui-ci est tellement empreint de mélancolie qu'il m'a enveloppé d'un voile de douceur, de beauté mais sur lequel une couverture de vague à l'âme a mis tout son poids.

Nous sommes à Paris dans les années 1960. le narrateur est pris à l'essai dans une société du genre détectives privés. Sa première mission et la dernière car il quittera très vite le métier, sera de retrouver la trace d'une jeune femme disparue depuis un mois. Ses recherches deviendront une quête sur le sens de la vie. Elle durera 30 ans. Trouvera-t-il les réponses à ses questions ?

Les personnages, humains et vulnérables, écrivent leur parcours à l'encre sympathique, se rencontrent, se perdent de vue, s'oublient. Ou est-ce leur vie qu'ils désirent oublier ? le temps s'écoule. La mémoire s'égrène. L'auteur cherche. C'est sa propre quête et après avoir refermé le livre, l'on se sent encore plus perdu.
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« Bien sûr, j'avais toujours eu le goût de m'introduire dans la vie des autres, par curiosité et aussi par un besoin de mieux les comprendre et de démêler les fils embrouillés de leur vie – ce qu'ils étaient souvent incapables de faire eux-mêmes par ce qu'ils vivaient leur vie de trop près alors que j'avais l'avantage d'être un simple spectateur, ou plutôt un témoin, comme on aurait dit dans le langage judiciaire. »

Jean Eyben, le narrateur principal de ce roman modianesque à souhait, est un écrivain. Entre oubli, troubles de la mémoire et, au contraire, souvenirs fulgurants, il mène, à travers des décennies, une sorte d'enquête autour de la disparition d'une certaine Noëlle Lefebvre. Au début des années 1960 Il avait brièvement travaillé comme détective et ce dossier, non résolu, il l'avait emporté avec lui.

Quelle confiance accorder à notre mémoire d'évènements anciens, parfois fluctuante ? C'est la question au centre de ce roman subtil, qui connaît une véritable rupture dans son dernier quart.

Evidemment, ceux qui aiment le style de Modiano seront en pays connu. Les autres auront les réserves habituelles, qui peuvent se comprendre. Pour ma part, force m'est de reconnaître un envoûtement moindre que ceux que j'avais connu dans le passé avec les romans de cet auteur.

Il faudrait que je relise un de ses premiers livres, par exemple « Rue des boutiques obscures », pour déterminer si cela vient d'une évolution de mon goût ou d'une perte de savoir-faire du magicien Modiano… Dans tous les cas ce roman me semble magnifiquement écrit.
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