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3,68

sur 571 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il y a trente ans, le narrateur s'était vu confié une enquête par l'agence de détectives qui l'employait : il s'agissait de retrouver une jeune femme disparue. Ses recherches avaient alors tourné court, et voilà que soudain, si longtemps après, cette affaire resurgit à sa mémoire et l'incite à la reprendre là où il l'avait laissée.


Construit comme une esquisse qui s'éclaircit à mesure des touches de lumière apposées peu à peu par l'auteur, le texte nous fait errer dans les limbes des souvenirs et non-souvenirs du narrateur, en quête des détails du passé qui lui permettront enfin d'élucider cette affaire de disparition. Toutes les explications sont à portée de sa conscience mais se dérobent dans le kaléidoscope de sa mémoire. Jusqu'à ce que…


Tout le roman repose sur l'idée que le présent est le résultat de notre passé et influencera lui aussi notre futur. Cette trame qui modèle notre vie à notre insu, en un invisible filigrane, est comme écrite à l'encre sympathique : les fils en sont cachés par une foule d'éléments parasites, déformés par notre mémoire, mais il suffit d'un rien pour qu'ils resurgissent soudain à notre esprit, révélant soudain à quel point ils nous ont construits et menés à notre vie d'aujourd'hui. Mais a-t-on vraiment intérêt à toujours tout comprendre ? Ne risque-t-on pas, en la perçant à jour, de rester prisonnier de cette forme de prédestination ?


Mélancolique et subtile, cette jolie réflexion sur la mémoire et le temps qui passe sans jamais disparaître tout à fait, est un petit bijou littéraire, où l'esquisse et le non-dit donnent tout son relief au texte.
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Encre sympathique, ce court roman de Patrick Modiano commence comme une enquête policière.
Le très jeune narrateur, Jean Eyben, est embauché à l'essai dans un cabinet de détective privé, la première mission qui lui est confiée est de retrouver les traces d'une certaine Noëlle Lefebvre.
Le dossier se rapportant à cette personne est mince, les éléments imprécis, il n'est pas aidé dans cette mission. Il va donc y aller par tâtonnement, s'engouffrer dans cette enquête avec si peu d'indices... C'est comme une déambulation dans les rues de Paris, notamment le 15e arrondissement.
Il va tenter de démêler l'écheveau, il va rencontrer des personnages qui ont connu cette fameuse femme disparue, découvrir un appartement vide, un agenda avec quelques annotations mystérieuses, des bribes de mots, de phrases. Mais voilà ! Au moins, les informations qu'il glane sur son chemin permettent d'enrichir le bien maigre dossier de base qu'on lui avait fourni au démarrage de cette enquête...
La déambulation devient un dédale, un labyrinthe. Comment ne pas voir dans ce jeune détective en herbe l'alter ego de Modiano... ?
À la page 91, le narrateur nous éclaire sur la définition de l'encre sympathique. : « Encre qui, incolore quand on l'emploie, noircit à l'action d'une substance déterminée. »
Le récit se déploie sur une trentaine d'années. Nous voyageons de Paris, à Rome, en faisant une petite halte à Annecy... Quelques années plus tard, par hasard Jean Eyben renoue avec cette vieille affaire qu'il avait abandonnée lorsqu'il était jeune et qui n'a jamais été résolue depuis lors...
En trente ans, tandis que les rues de Rome restent immuables, les quartiers de Paris bougent, des grues se dressent au milieu des décombres d'un ancien quartier qu'on s'apprête à réhabiliter. Sous le fatras des murs démolis, des fantômes du passé gisent et semblent vouloir tendre des gestes désespérés pour éclairer les pas de ceux qui les recherchent... Pas facile de retrouver son chemin lorsque les quartiers d'avant n'existent plus, les repères sont effondrés, il faut avancer, revenir sur ses pas en évitant de tomber dans un trou de mémoire...
Et puis brusquement, contre toute attente, on croit que le ciel s'éclaire, que les pièces du puzzle finissent par s'emboîter d'eux-mêmes, mais est-ce vraiment là que l'auteur veut nous amener ?
Les thèmes chers à Patrick Modiano sont bien au rendez-vous : la disparition, la recherche d'identité, l'amnésie, le retour vers un passé énigmatique, les secrets, la mémoire...
À ceux qui trouvent que Patrick Modiano se répète de livres en livres, l'auteur aime citer Faulkner qui disait qu'écrire c'est épuiser un rêve.
Vous m'aurez compris, cette encre sympathique est une belle métaphore, poétique aussi, presque métaphysique à certains endroits, hors du temps. Je me suis plu à rêver de cette mystérieuse Noëlle Lefebvre, j'ai craint pour elle car je n'aime pas beaucoup certaines de ses fréquentations, j'ai espéré retrouver sa trace, c'est une petite musique qui m'a envoûté dans cette variation du temps qui passe.
Menée comme une enquête policière, j'ai aimé cette déambulation mélancolique au-dedans de nous-même, qui est une promenade bien plus que sympathique, elle est furieusement jubilatoire.
Peut-être que dans trente ans, en relisant cette chronique, d'autres mots vous apparaîtront dans les non-dits que l'encre sympathique aura révélés par-delà les stigmates du temps....
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Encre sympathique , encre qui, incolore quand on l'emploie, noircit à l'action d'une substance déterminée nous dit Patrick Modiano . Il poursuit par ces mots" si vous avez parfois des trous de mémoire, tous les détails de votre vie sont écrits quelque part à l'encre sympathique"...
Noëlle Lefebvre a disparu, elle s'est volatilisée quelque part entre Paris et.. Notre narrateur se voit confier une enquête de terrain dans le quartier du XVè où elle habitait. C'était il y a 30 ans. L'auteur essaye de rassembler les pièces de son enquête éparpillées dans les coins et recoins de sa mémoire, les années ont passé mais les souvenirs aussi enfouis qu'ils semblaient être refont surface..
Une fois de plus je me suis laissée séduire par la plume de Patrick Modiano, par sa quête du souvenir, de ce passé qui a modelé notre présent et qui inexorablement annonce notre futur. Un très beau texte qui ravira les inconditionnels et séduira les profanes. Bonne lecture.


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Dans chaque roman de Modiano il y a un traumatisme caché qui trouble une mémoire qui remonte par bribes.
J'adore ces moments de confusion ou le narrateur se perd entre imaginé et réel, lorsqu'il se demande si ce qu'il croyait être un mensonge en était bien un.
Même l'identité du narrateur, Jean, est ambigüe puisque il nous assure que cette enquête lui servira dans son futur métier d'écrivain.
Troubles, mélanges, fatras du temps, l'univers de Patrick Modiano s'installe.

Mais vite et plus que de coutume on se perd : entre les tromperies du narrateur, celles de la disparue, les fabulations de ceux qui l'ont connue, les fausses identités, les allusions qui n'en sont pas vraiment comme ce Roger Behaviour régisseur de théâtre - Serait-ce le théâtre de « nos débuts dans la vie » ou des « souvenirs dormants » ? - tout le monde se perd.
Certitudes, incertitudes, brumes et brouillards.

De sorte que dans ce roman c'est plus que le flou modianesque, mais bien un chaos véritable qui prend pied.
C'est peut-être pourquoi, en forme de nouveauté, Modiano fait intervenir un autre narrateur comme s'il voulait mettre des points floutés sur les « i » ce qui fait de ce roman un objet un peu différent des précédents, avec une sorte de dénouement final, en suspend, certes, mais qui nous fait reprendre pied ; à peut près….et couper court.

D'aucun me diront que Modiano écrit toujours la même chose. Mais oui ! Il écrit ce même roman de la mémoire ; il écrit comme on se rappelle de quelque chose de lointain, de presque oublié ; il écrit par touches, confusément, brumeusement. C'est cela que j'aime. Une façon à la Christian Bobin de remettre sans cesse son ouvrage sur le métier.

Cependant dans cette « encre sympathique », est-ce cette nouvelle construction du récit ou bien autre chose qui me font percevoir cet opus en un ton légèrement mineur ? Je ne sais le dire….
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« Bien sûr, j'avais toujours eu le goût de m'introduire dans la vie des autres, par curiosité et aussi par un besoin de mieux les comprendre et de démêler les fils embrouillés de leur vie – ce qu'ils étaient souvent incapables de faire eux-mêmes par ce qu'ils vivaient leur vie de trop près alors que j'avais l'avantage d'être un simple spectateur, ou plutôt un témoin, comme on aurait dit dans le langage judiciaire. »

Jean Eyben, le narrateur principal de ce roman modianesque à souhait, est un écrivain. Entre oubli, troubles de la mémoire et, au contraire, souvenirs fulgurants, il mène, à travers des décennies, une sorte d'enquête autour de la disparition d'une certaine Noëlle Lefebvre. Au début des années 1960 Il avait brièvement travaillé comme détective et ce dossier, non résolu, il l'avait emporté avec lui.

Quelle confiance accorder à notre mémoire d'évènements anciens, parfois fluctuante ? C'est la question au centre de ce roman subtil, qui connaît une véritable rupture dans son dernier quart.

Evidemment, ceux qui aiment le style de Modiano seront en pays connu. Les autres auront les réserves habituelles, qui peuvent se comprendre. Pour ma part, force m'est de reconnaître un envoûtement moindre que ceux que j'avais connu dans le passé avec les romans de cet auteur.

Il faudrait que je relise un de ses premiers livres, par exemple « Rue des boutiques obscures », pour déterminer si cela vient d'une évolution de mon goût ou d'une perte de savoir-faire du magicien Modiano… Dans tous les cas ce roman me semble magnifiquement écrit.
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Une femme disparait ... Cela pourrait être chez Hitchcock mais c'est encore chez ce cher Modiano, compagnon littéraire que l'on aime lire en automne, quand les jours raccourcissent et que la brume opacifie l'horizon. La météo est raccord avec les romans du Prix Nobel, qui tergiversent entre présent et présent et font revivre un Paris désuet, sans téléphones portables mais avec PTT. A certains écrivains, on reproche d'écrire toujours le même livre. A Modiano, on ne saurait reprocher cette tendance étant donné que c'est précisément ce que l'on recherche dans ses livres : un voyage en terrain connu et néanmoins flou et flottant, dans l'incertitude d'une enquête mémorielle qui essaie de tromper l'oubli. Encre sympathique nous embarque sans préavis aux basques d'un narrateur obnubilé, bien qu'il s'en défende, par la disparition d'une femme nommée (peut-être) Noëlle Lefebvre. Une évaporation qui est prétexte à retrouver une atmosphère qui est familière à Modiano, et à nous par la même occasion, et à un vagabondage qui est tout sauf chronologique : dans les rues de la Capitale, un café, un dancing, un garage et ... les PTT. Mais il y tout de même une surprise dans les dernières pages quand le livre passe à la troisième personne du côté de Rome. Non pas que la brume se dissipe tout à fait mais quand même, il y a de la clarté et c'est assez neuf chez l'auteur. L'affaire ne se perd pas dans les nimbes du passé mais débouche sur une aube nouvelle. Il est très agréable, ce dernier Modiano, avec sa mélancolie dispersée par une brise romaine. Encre sympathique n'est pas qu'un roman d'automne, les amateurs pourront l'apprécier en toutes saisons.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Jean, le narrateur, a été engagé à l'essai dans une agence de détectives privés. La première affaire qui lui est confiée est la disparition mystérieuse d'une jeune femme, Noëlle Lefebvre. On n'était même pas sûr de son identité, a-t-elle réellement existé ? Comme indice, il n'a qu'une carte d'abonnement à la Poste restante avec une photo et un carnet à la couverture cartonnée retrouvé à son domicile avec cette phrase surprenante « Si j'avais su… »

Des blancs dans une vie, des témoins qui emportent leurs secrets dans la tombe. Mais peut-on se fier aux témoins et à leurs informations décousues et contradictoires. Une vie écrite à l'encre invisible et qui se révèle peu à peu. Au fil des pages, le narrateur va retrouver un chaînon manquant de sa propre vie.

Un récit épuré, des vies qui s'entremêlent, des souvenirs qui remontent lentement à la surface, Paris, ses rues, ses cafés. Une fois de plus, je me suis plongé avec délectation dans le monde si particulier de Patrick Modiano, une atmosphère que l'on retrouve dans chacun de ses romans. de la très belle littérature qui vous hypnotise. Quel plaisir de terminer l'année en sa compagnie.

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J'ai retrouvé le charme d'un grand Modiano avec son univers fait de souvenirs nébuleux et de demi-oublis. Parfois, une vision ou une parole précise illumine cette atmosphère automnale. Malgré ce flou, les personnages ont beaucoup de présence.
La lecture est portée ici par une enquête, initiée il y a longtemps dans l'officine d'un détective privé ...
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Retrouver Modiano, c'est accepter de replonger dans les brumes du temps, à la recherche de personnes perdues de vue depuis longtemps et dont on n'est même pas sûr qu'elles aient existé, si tant est que leur nom soit leur véritable identité.
C'est naviguer en somnambule dans un Paris qui n'existe plus, dans un temps révolu où les numéros de téléphone ne comportaient pas encore 10 chiffres, à une époque avant les 30 glorieuses où des passés parfois honteux s'effacent et où des avenirs pleins de promesses se dessinent. La fin d'un monde, le début d'une nouvelle ère, où chaque fois le narrateur s'égare, se raccroche à des bribes de souvenirs, des réminiscences..
L'OBS qualifie Modiano de "maître des horloges", c'est presque définir l'auteur, ses sursauts vers le passé, son écriture parfois elliptique (qu'on ne peut manquer d'associer à ses interventions filmées, bredouillantes, hésitantes, comme à la recherche du mot juste qui donnera son sens à sa pensée).
L'encre sympathique, c'est celle qui écrit les messages secrets, celle qui donne encore à voir, roman après roman, l'auteur, dans sa complexité (puisqu'il évoque ici plusieurs fois 'acte d'écriture), et peut-être dans ses complexes.
Un excellent opus ! J'ai beaucoup aimé !!
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Lire un livre de Patrick Modiano c'est comme se retrouver à une terrasse de café à Paris, c'est une idée plaisante, surtout en ces temps de confinement. Pour autant, quelques gouttes de pluie sont venues un peu assombrir ma joie de retrouver Modiano avec "Encre sympathique" dont la fin à Rome m'a éloignée de Paris.
S'il y a des lieux de rencontre comme les cafés dans les livres de Modiano il y a aussi beaucoup de déambulations surtout lorsqu'il s'agit de retrouver quelqu'un. le narrateur se souvient de la mission que lui a confiée l'agence Hutte trente ans auparavant : retrouver les traces de Noëlle Lefebvre qui vivait dans le 15ème arrondissement. Son expérience de détective privé ne va pas durer contrairement à son intérêt pour le passé et les souvenirs de sa jeunesse à travers cette femme disparue. D'ailleurs, il évoque le "présent éternel du passé de sa jeunesse".
Modiano prend plaisir à jongler avec le temps et les époques et j'aime bien ça d'autant plus que Lefebvre avec un B est le nom de jeune fille de ma grand-mère paternelle même si l'identité de la personne n'est pas certaine dans ce roman.
C'est l'occasion pour Patrick Modiano de retrouver le passé écrit à l'encre sympathique, cette encre invisible qui réapparaît par bribes à la chaleur. le titre est donc vraiment bien trouvé. Et puis il y a une mise en abyme qui donne un rythme à ce roman que le narrateur est en train d'écrire.


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