Ma lecture suit la chronologie de parution des 2ème et 3ème livres de
Modiano. J'ai donc lu celui-ci juste après
la ronde de nuit. D'où l'impression, au début, qu'il en est un peu la suite : on est un plus tard dans l'Occupation, une fois que ceux qui agissent en faux policiers et vrais trafiquants se sont enrichis au point de pouvoir s'acheter une villa ou un restaurant bar près de la forêt de Fontainebleau.. Néanmoins le statut du narrateur est différent que dans
la ronde de nuit car, si l'on considère la vie de
Patrick Modiano (mais étaient-ils aussi accessibles à tout un chacun en 1972 ? J'en doute), il est évident que ce je présent dans le livre est
Patrick Modiano qui rêve, imagine.. qu'il rencontre son père avant qu'il ne naisse lui-même (1945) et ce schéma narratif est habile et astucieusement utilisé. Les passages où
Modiano dit explicitement ce qu'il fait avec ce livre sont au moins au nombre de 15 en divers lieux du livre. Et c'est absolument touchant. Exemples (p.48, Folio 1978) : " Personnages morts. Mais j'étais là, avec mes fantômes, et je me souviens, si je ferme les yeux (..)".
64/65 :" Je sais bien que le curriculum vitae de ces ombres ne présente pas un grand intérêt, mais si je ne les dressais pas aujourd'hui, personne d'autre ne s'y emploierait. C'est mon devoir, à moi qui les ai connus, de les sortir - ne fût-ce qu'un instant - de la nuit. C'est mon devoir et c'est aussi, pour moi, un véritable besoin."
Or, justement,
Patrick Modiano ne les as pas connus - du moins à cette époque de l'Occupation - puisqu'il n'était pas né, mais il a entendu des choses quand il était petit puis, peut-être plus tard, et il s'est renseigné, probablement. Il crée donc un nouveau puzzle, ici d'une période de la vie de son père, à partir de morceaux, de fragments qu'il crée en partie lui-même, à partir de bribes d'informations dont il ignore la véracité. C'est ce "véritable besoin" qui est fort et que je trouve touchant.