AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Alzie


Alzie
12 novembre 2017
Pourquoi pas le théâtre ? Rien ne doit surprendre concernant Modiano qui s'y est déjà essayé, sans succès il faut dire, avec "Polka" (pièce inédite) en 1974. "Nos débuts dans la vie" est une courte pièce qui prolonge et accompagne, en un volet intime plus familial, la reconstitution de la chambre d'échos de ses vingt ans dans son roman « Souvenirs dormants ». Une nouvelle forme donnée à un travail exploratoire peu ordinaire de la mémoire initié officiellement de manière tonitruante par l'écrivain en 1968, mais pas sur les barricades, avec sa grande purge "La Place de l'Étoile" - où le narrateur, Schlémilovitch, promettait déjà à sa mère d'écrire une tragi-comédie où elle aurait un rôle. c'est fait.

Dans un coin du plateau, une loge de théâtre. En scène, cinq personnages : Jean, qu'on retrouve âgé au tout début et à la fin de la pièce, en quête de souvenirs, cherchant plus particulièrement une loge de théâtre… mais c'est le jeune homme de vingt ans qui joue et dont on entend la voix dans le corps de la pièce. Sera t-il écrivain ? Il y travaille en tout cas. Accroché à un manuscrit auquel il s'est enchaîné par une menotte craignant qu'on le détruise ou le subtilise !!! Dominique vingt ans également, son amie, deuxième personnage, est une débutante qui partage sa loge avec lui. Tandis qu'elle apprend le rôle de Nina dans « La Mouette », cette jeune femme amoureuse de Treplev qui se rêve actrice, Jean lui donne occasionnellement la réplique prêtant sa voix à Trigorine, écrivain à la mode avec lequel Nina s'enfuit à Moscou. A une porte de là, dans un théâtre mitoyen, Elvire - (la mère de Jean) aurait bien rêvé de jouer Tchékov mais interprète du boulevard... « Bon week-end, Gonzales » - et son ami journaliste, l'antipathique et déplaisant Caveux, s'en prennent aux deux jeunes gens (quelques comptes réglés au passage par Modiano. le lecteur averti s'amuse à deviner lesquels sous l'ironie des sarcasmes). Enfin le cinquième personnage de la troupe, Bob, est un régisseur fort ingénieux. Un haut-parleur reliant les deux théâtres permet en effet à Jean, installé dans la loge de Dominique, de suivre le cours des répétitions des deux pièces, celle de son amie et celle d'Elvire sa mère qu'il veut à tout prix éviter.

Cinq personnages, de multiples voix et autant d'échos que de rêves et d'illusions, avant une générale qui fait date dans la mémoire de Jean (on peut y ajouter, en off, la voix du metteur en scène). Jeux de pénombre et de lumière indiquent les va-et-vient de la mémoire errante de Jean mise en perspective par une double partition où les protagonistes acteurs/interprètes jouent à la fois du Modiano et du Tchékov (Salacrou, « L'inconnue d'Arras » est un peu sollicité vers la fin)... Mais il faudrait évidemment que la pièce puisse être mise en scène pour être sûr que le dispositif du haut-parleur prévu par Bob joue bien son rôle d'amplificateur sonore dans cette caisse de résonances d'une jeunesse enfuie suggérée par le texte… A défaut, tout ceci ne serait que beaucoup de bruit pour rien...

Commenter  J’apprécie          160



Ont apprécié cette critique (15)voir plus




{* *}