Patrick Modiano m'épate. Il a une écriture assez fluide qui pourrait laisser penser qu'elle est dépourvue d'extraordinaire et qui pourtant revêt cette option en attachant son lecteur dans la trame dès qu'il en a emprunté l'accès. Quand Gilles Ottolini le contacte, Daragane se réserve le droit d'ignorer cet intru et par conséquent de ne pas répondre au rendez-vous qu'il lui fixe, de façon péremptoire, afin de lui restituer cet agenda dont on ne sait comment, il s'est retrouvé en sa possession. Pourtant, et comme une évidence, il accepte. Ce qui nous interpelle sur les choses que l'on fait soi-même, tout au long de la multitude des croisements qui nous donnent de faire les choix qu'on fait ; il nous montre comment on se laisse aller parfois à une certaine inconséquence ; jusqu'à naviguer au gré de bons vouloirs hasardeux. En effet, pourquoi rencontrer Ottolini puisqu'il lui apparaît d'emblée, autoritaire et désagréable ? Ne prend-t-il pas le risque de réveiller de ces choses endormies qu'il a sciemment classées, enfouies dans sa mémoire ? Un peu comme si les connaissances ou les reconnaissances étaient d'avance préétablies et que la certitude vacillait, quitte à revivre en parfait novice, certains éléments du passé.
Décidément...
… cette fille était pleine de sollicitude, mais Daragane aurait voulu lui expliquer qu'il se débrouillerait tout seul. Il avait croisé dans sa vie d'autres Ottolini. Il connaissait un grand nombre d'immeubles à double issue dans Paris grâce auxquels il semait les gens. Et, pour faire croire à son absence, il lui était souvent arrivé de ne pas allumer la lumière chez lui, à cause des deux fenêtres qui donnaient sur la rue. (p.62)
Extraordinaire, de quoi lui conférer un certain Pedigree.
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