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sur 718 notes
Modiano fait partie de ces auteurs qui me touchent, m'émeuvent avec son écriture minimaliste, d'une pudeur maladive, et pourtant, il sait si bien parler de l'intime. Sa plume parvient à dégager cette atmosphère de mélancolie que l'on va retrouver tout au long de son oeuvre dont je suis admirative.

Dès les premières pages, les mots défilent, ils sont comme posés sur le papier, sans affect, un peu comme si Modiano vidait sa mémoire, c'est comme s'il ouvrait une boîte pour en nous raconter le contenu, des vieilles photographies, des lettres. Les souvenirs s'enchaînent toujours tenus à distance.

C'est alors que j'ai découvert ces phrases comme pour mieux confirmer mon ressenti :

« J'écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n'était pas la mienne. Les évènements que j'évoquerai jusqu'à ma vingt et unième année, je les ai vécus en transparence – ce procédé qui consiste à faire défiler en arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de studio. Je voudrais traduire cette impression que beaucoup d'autres ont ressentie avant moi : tout défilait en transparence et je ne pouvais pas encore vivre ma vie ».

Monsieur Modiano, vous avez parfaitement réussi à traduire votre vécu en transparence.

C'est un livre bouleversant. Enfant, Modiano a vécu dans une atmosphère glauque. Né en juillet 45, d'un juif et d'une flamande, il vit dans une forme de no man's land affectif. Ses parents, rapidement séparés, lui font passer une enfance à la limite du rejet, comme un paquet encombrant, partagé entre une mère comédienne cantonnée aux petits rôles, toujours à court d'argent et un père qui évolue dans un milieu lié à la pègre, entre collaboration, marché noir et de rendez-vous bizarres. le tout, balloté de pensionnat en pensionnat et toujours avec cette absence terrible de la tendresse.

« Je n'y peux rien, c'est le terreau – ou le fumier – dont je suis issu ». Oui Monsieur Modiano mais Jean-Claude Brialy disait « C'est dans le fumier qu'éclosent les fleurs magiques ».

Monsieur Modiano, je confirme, votre oeuvre que je découvre, livre après livre, est à mes yeux une douleur - la douleur d'un enfant qui n'a pas connu le paradis entre les bras de ses parents - dont la beauté suggère à la rêverie et dont les messages subliminaux me remuent.
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A l'épaisseur du roman on sait d'avance que l'on aura pas droit à une autobiographie de l''enfance et l'adolescence dans ses moindres détails, avec les anecdotes adéquates. Modiano s'est comme absenté de son enfance et de son adolescence ; Cette bienveillante distance qu'il met entre lui et ses souvenirs comme nous avons l'impression qu'il l'a mise entre lui et sa vie d'alors ressemble à une bouée de sauvetage. Il le dit lui-même à la fin, il n'a pris le large qu'à sa majorité et s'est senti sauvé. Avant il flotte dans des eaux troubles et parfois très troubles. Il se tient en retrait, il se fait spectateur de cette forme de marasme dans lequel il évolue d'où jaillissent parfois des visages amis, des aides furtives, des camaraderies d'internat. La distance est présente même dans ces rencontres providentielles car elle sont provisoires elles aussi. Des parents qui ne peuvent rien pour lui, absents, présents, pesants, les trois à la fois. Personnages solitaires aux contours mal définis, aux motivations mystérieuses, parents chaotiques qui semblent perdus eux-mêmes. Une seule figure émerge c'est la figure du frère. Modiano n'en parle quasiment pas. C'est le joyau sauvé de toute cette forme d'iniquité et que l'on préserve intact et secret au fond de soi. Il suffit parfois de quelques phrases, de quelques mots pour signifier tout un abîme d'enfance, même si cet abîme on le contemple d'un oeil en apparence détaché et sans relief, par habitude et quand même par survie.
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Dans Un pedigree, Patrick Modiano évoque son enfance jusqu'à sa majorité - à l'époque vingt et un an - et surtout ses parents, deux êtres perdus ou plutôt englués dans leurs vies...Il relate une enfance décousue, avec une mère artiste démissionnaire de son rôle de mère et un père juif ayant vécu l'occupation, ayant pratiqué et amassé des fortunes dans le marché noir, des parents confiant leurs deux fils à des amis tantôt responsables tantôt peu recommandables, leurs fréquentations louches dans le milieu interlope, des relations avec des personnes peu louables - anciens collabos ou amis de la bande de l'avenue Lauriston, d'anciens détenus mêlés à l'affaire Ben Barka. La mort de son frère quand il est encore enfant, semble être la faille qui va le faire décrocher d'une réelle possibilité d'attachement, le laisser en suspens dans sa propre vie. Balloté entre collèges, pensionnats et fugues, il arrive à happer de temps en temps la force et la confiance auprès de quelques rares personnes et a l'intelligence de construire avec ces quelques bribes de normalité, sa personnalité mais c'est une jeunesse déroutante dans l'irresponsabilité de ses parents que je retiens avec cet incroyable talent de mémoires des noms des lieux et des évènements et cette déambulation mémorielle effrayante contée de manière très distanciée permet de comprendre peut-être la sensibilité et la quête de Patrick Modiano sur le passé.
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Le narrateur (l'auteur ?), Patrick est né le 30 juillet 1945 à Boulogne-Billancourt, 11allée Marguerite d'un père juif et d'une mère Flamande. C'est sur ces quelques lignes que débute cet ouvrage. Comme le dit l'auteur lui-même, il ne s'agit pas ici de faire une belle histoire où tout se passe dans le meilleur des mondes mais tout simplement de retranscrire la dure réalité de la vie pour cet homme qui n'a jamais été aimé par ses parents, où du moins qui ne se sont jamais préoccupés de lui, l'envoyant dans différents internats, le plus loin possible de Paris si possible, c'est-à-dire de leur monde à eux. D'abord envoyé au collège de Jouy-en-Josas avec son frère Rudy, qui décèdera jeune, puis à Thônes en Haute-Savoie et enfin au lycée Henri IV à Paris, qui, bien qu'il soit situé à quelques centaines de mètres de leur appartement, Patrick sera tout de même interne.
C'est à partir de là que ce dernier décide de prendre sa vie en main en fuguant du lycée, puis en luttant pour se faire accepter d'abord chez son père (ses parents s'étant séparés entre temps) puis chez sa mère, une actrice de théâtre, qui, bien qu'elle eut côtoyé d'illustres personnages, se retrouvait tout le temps sans-le-sou.
Durant toutes ces longues années d'errance, Patrick avait plus l'impression de rêver sa vie que de la vivre. Comme il le dit lui-même, il la «vivait par transparence», plus ou moins ignoré par sa mère, contraint par son père à mener une vie dont il ne voulait pas jusqu'au jour où il rencontrera la délivrance.

Vous n'avez pas une petite idée de ce que cela peut bien être ? Dans ce cas-là, je vous recommande vivement la lecture de cet ouvrage qui est très vite lu, très bien écrit et, même si le lecteur s'y perd de temps en temps avec tous les noms dont nous inonde l'auteur, noms de connaissances de ses parents, mais cela n'importe peu car le trame littéraire, elle, n'en est en rien bouleversée. A découvrir !
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Modiano fait parti des écrivains qui me trouble à chaque lecture. Trouble entre admiration et irritation. Un pedigree est l'exemple parfait de mon ressenti. Modiano fait un constat sur sa jeunesse, il déroule le fil de sa vie tout en restant à l'écart, sans états d'âme. Et c'est ce parti pris qui peut géner par moment, ce côté sec, sans émotion. Mais Modiano malgré tout, nous touche par son style élégant, sobre, tout en pudeur et il reste un formidable écrivain de l'intime, de la mélancolie et du passé.
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Un pedigree, paru en 2005, est le texte le plus ouvertement auto-biographique de Patrick Modiano, il se place d'une certaine manière au centre de son oeuvre, dans laquelle l'auteur livre à chaque fois, sous des formes différentes, des bribes de sa vie, réelle ou transformée par le travail de la mémoire.

Ici, le livre commence presque comme un compte rendu d'état civil, sur des faits, des dates, qui concerne ses parents, et même ses grand-parents. L'auteur indique « Je tente, à défaut d'autres repères de suivre l'ordre chronologique ». Puis il égrène, dresse des listes des personnes que ses parents ont pu connaître pendant l'Occupation, moment où ils se sont rencontrés à Paris. Période que Modiano évoque régulièrement dans ses livres, et qu'il n'a pas connue, puisqu'il est né en juillet 1945. Mais qui est un moment essentiel de sa mémoire, mémoire hantée par les disparitions, les destructions, les morts. L'Occupation c'est la mémoire pré-natale, qui précède le sujet, qui est d'autant plus fondatrice que la génération précédente, celle de ses parents s'est tu à ce sujet. Et qu'il faut donc tenter de reconstituer, de redonner vie, de sauver de l'oubli, de l'anéantissement. Ce qu'il essaie de faire.

Avant de passer à ses souvenirs à proprement parlé. Souvenirs d'une enfance triste, solitaire. Sa mère qui passe sa vie en tournées, et qui le laisse à droite et à gauche dans des endroits douteux. Son père pas vraiment là, qui le voit dans des lieux publics, qui en profite pour traiter des affaires avec d'étranges ou inquiétants individus. Des séjours dans des internats, qui ressemblent à des prisons, miteux pour certains. Deux événements essentiels : un film où il va avec son père lui révèle la Shoah, et la mort de son jeune frère qui a à peine une dizaine d'année, d'une leucémie.

Et aussi, comme la seule lumière, le seul possible de sortir de tout cela, mais aussi d'une certaine manière de donner sens, de supporter, la littérature. Les livres lus, très jeune, et dont il se souvient, et qui l'accompagnent, malgré les interdits de certains internats, et puis aussi à un certain moment, l'écriture, comme la seule évidence.

Tout cela raconté dans un dépouillement extrême, sans aucun pathos, auto-apitoiement, ressentiment. Parce que ses parents ne sont que « Deux papillons égarés et inconscients au milieu d'une ville sans regard », victimes d'une époque, d'un contexte historique. Modiano essaie de comprendre, pas de juger, ni encore moins de condamner. Peut-être qu'il n'essaie même pas de comprendre vraiment, car ce n'est sans doute pas possible, mais il ressasse, il cherche, il fait ce travail de mémoire inlassablement. Sans illusions sur les bénéfices pour lui, cela n'effacera rien, ne permettra sans doute pas de surmonter, de passer à autre chose. Juste qu'il ne peut pas faire autrement que de transformer en littérature ce vécu, réel ou fantasmatique.

Une très grande littérature, bouleversante, alors que le ton, les mots sont si sobres, qu'ils semblent vouloir éviter l'émotion. Mais elle est là, authentique, vraie, parce que ce que Modiano raconte vient du plus profond de lui-même, du plus vital, et que son art de le mettre en mots est immense.
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Je connais finalement assez mal l'oeuvre de Patrick Modiano. J'ai donc décidé de lire cette autobiographie d'à peine cent trente pages. Et c'est en effet étonnant.
L'auteur fait un constat à distance apparemment sans émotions, bien qu'il se pose parfois en une sorte de victime.
C'est d'ailleurs le sujet choisi en quatrième de couverture : « J'écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n'était pas la mienne. »
Et l'auteur va nous tracer en ces quelques pages son enfance et son adolescence jusqu'à 21 ans.
Il s'agit d'un enfant doté de parents indignes, voire puants... Une mère, vague artiste qui se pense de très bon niveau mais peine à décrocher un rôle, et bien sûr à vivre de son « talent », qui ne s'intéressera jamais à son fils si ce n'est afin de l'utiliser pour récupérer un peu d'argent pour vivre. Elle sera cependant suffisamment charmante ou charmeuse pour attirer dans son entourage tout un tas de personnalités connues. Un père à l'activité douteuse, pendant ou après la guerre, aux fréquentations pour le moins étonnantes.
Et c'est l'occasion pour Patrick Modiano d'égrener une liste de noms, de rencontres qui dénotent une jeunesse tout de même peu ordinaire. Il le dit lui-même : « Qu'on me pardonne tous ces noms et d'autres qui suivront. Je suis un chien qui fait semblant d'avoir un pedigree. »
Cette phrase résume assez bien, à mon avis ce petit ouvrage et la démarche, la quête de l'auteur derrière cette exposition.
Le style est sobre, agréable. A chaque étape l'auteur nous cite ses découvertes littéraires, qui certainement préfigurent l'auteur qu'est devenu Modiano.
Cela se lit vite, c'est de la bonne littérature et bien que j'aie été surpris, je suis content d'avoir découvert cette facette de l'auteur.
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Ma première rencontre avec le Prix Nobel de littérature 2014 se solde par un cuisant échec. J'espère que l'écriture de ce roman aura été pour Mr Modiano une excellente thérapie car pour moi, lectrice, ces 121 pages (ouf, ce fut court !) ont été synonymes d'un profond ennui.

Une enfance et une jeunesse qui se résument à un listing de noms, d'adresses et de faits réduits à une ligne, voire un mot, c'est tout ce que j'en retiendrai. Dans la deuxième partie du roman, percent davantage la solitude et le manque d'amour de ce garçon, ballotté entre un père et une mère indignes, pensionnaire permanent de tous les internats et dont la seule évasion permise se fait à travers la lecture. Malheureusement, l'écriture sèche, réduite au minimum, de l'auteur ne laisse que peu de place à l'émotion.

Ne connaissant pas grand chose de Patrick Modiano, je ne sais pas si ce récit est une réelle autobiographie ou s'il est romancé. J'ai pu lire dans certaines critiques qu'il écrivait toujours le même livre, en quête perpétuelle de son identité. Autant vous dire que celui-ci ne m'a pas donné envie de poursuivre la découverte. 5/20 pour le titre que je trouve particulièrement bien choisi.
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"J'aime les histoires avec un commencement, un milieu et une fin. J'ai la faiblesse de croire qu'elles doivent mener quelque part. Je pense que l'atmosphère est une exellente chose mais l'atmosphère sans rien d'autre me fait l'effet d'un cadre sans tableau."

Cette citation d'une nouvelle Somerset Maughan me paraît parfaitement adaptée à mon sentiment après la lecture d'Un pédigrée, de Patrick Modiano. Ou de tout autre livre de Patrick Modiano. J'en avait lu une dizaine de titres au début des années 2000. J'avais arrêté après avoir commencé à relire un livre que j'avais déjà lu quelques mois avant ... et il m'avait fallu vingt pages avant de m'en aperçevoir, tant ces livres se ressemblent dans les lieux, les personnages et l'absence d'histoire. J'ai la faiblesse de préférer les tableaux sans cadres aux cadres sans tableaux. Avec ou sans Prix Nobel.
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Patrick Modiano a obtenu récemment le prix Nobel de Littérature et cela m'a donné envie de redécouvrir son oeuvre. Sous la forme de ce très beau roman court mais chargé en émotion, cet auteur retrace l'histoire de sa jeunesse, avec une réserve et une modestie qui m'ont beaucoup touchée.
Le titre est original "Un pedigree" et l'auteur s'en explique:
pour lui il s'agit de se construire une identité à travers un passé familial décousu et une enfance ballotée. D'où cette abondance de noms qui fait penser à un pedigree, les noms de ceux qui ont entouré ses parents.
Eux-mêmes n'ont pas eu non plus une vie ordinaire.
Le père de l'auteur qui s'appelait Albert Rodolphe Modiano est d'origine juive et venait de Salonique. Pendant la guerre il a survécu grâce à l'utilisation d'une fausse identité et la pratique du marché noir.
Après la guerre, il fera partie d'un milieu plutôt particulier, celui des "affairistes" en tout genre, il sera chargé par exemple d'obtenir de gros emprunts à des particuliers.
Sa mère est d'origine flamande et venait d'Anvers. Patrick Modiano a pratiqué dans sa première jeunesse une autre langue en plus du français, le flamand donc.
Sa mère va suivre une carrière d'actrice, tant de théâtre (où elle travaillera avec la célèbre Suzanne Flon par exemple) que de cinéma.
De par leurs occupations professionnelles très prenantes, le petit Patrick sera livré très tôt à lui-même, et naviguera de pensionnat en pensionnat, après des passages difficiles dans des grandes villes comme Londres où il devra se débrouiller pendant quelque temps seul et sans argent.
Son père va quitter sa mère pour une autre femme qui fera tout pour éloigner son beau-fils.
Au travers de ce parcours atypique et douloureux on comprend mieux la trame et l'inspiration qui vont nourrir les différents romans de Patrick Modiano.
Il nous restitue à merveille l'atmosphère trouble et dangereuse des années d'occupation.
Il a le mérite de ne pas juger ses géniteurs et on mesure le chemin qu'il a dû parcourir pour surmonter cette jeunesse douloureuse sans affection, au travers de l'écriture.
Une très belle oeuvre sobre et néanmoins empreinte d'émotion et de sentiments.
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