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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Explorateur et documentariste désabusé, Jean ne prend pas l'avion qui doit l'emporter vers le Brésil et une énième aventure. Au lieu de cela, il se cache à la lisière de Paris, dans un hôtel de la Porte dorée. Pendant que ses amis et sa femme le croient loin de la ville, il entreprend de retrouver la trace d'Ingrid, une femme qu'il a rencontré à plusieurs reprises au cours de sa vie. Tout jeune, alors que, sans argent, il faisait du stop du côté de Juan-les-pins, Ingrid et son mari Rigaud l'ont pris en charge avec bienveillance et générosité. Plus tard, par hasard, il a croisé Ingrid dans un quartier excentré de Paris et ils ont partagé un repas tardif. Et c'est encore le hasard qui l'a mise sur sa route, il y a dix-huit ans de cela, lors d'un voyage à Milan. Alors qu'il était descendu dans un hôtel de la ville, il apprenait qu'une femme avait mis fin à ses jours la veille dans l'une des chambres, et, cette femme était Ingrid. Aujourd'hui, il entreprend de retrouver les traces d'Ingrid à Paris et remonte les souvenirs de cette jeune fille juive qui, à 16 ans à peine, fuyait la capitale occupée avec Rigaud pour un faux voyage de noces sur la Côte d'Azur, derrière la ligne de démarcation.

On retrouve dans ce Voyage de noces, la petite musique propre à Patrick Modiano et les thèmes qu'il ne cesse de fouiller au fil de ces romans : l'Occupation, la déportation, Paris et la quête des traces et souvenirs éphémères que laissent les disparus. Ici encore, c'est à une enquête minutieuse que se livre le narrateur pour reconstituer la vie de cette Ingrid Rigaud qui l'obsède. Perdu dans sa propre ville, il cherche les lieux où elle a vécu, les objets qu'elle a pu toucher et brode, à partir de ses confidences aussi, une vie marquée par la guerre et la culpabilité du survivant. de Juan-les-pins aux confins de Paris, on suit Jean, Ingrid et Rigaud, êtres fantomatiques qui hantent des endroits parfois transformés, parfois disparus, en tout cas tombés dans l'oubli.
C'est à chaque fois beaucoup d'émotions que de suivre Modiano dans ses déambulations nostalgiques et ses quêtes impossibles. Ingrid, Rigaud et tous les autres ne survivent que dans la mémoire partielle de ceux qui restent et qui, eux aussi, un jour ne seront plus. Modiano est un collectionneur de bribes, de détails, de traces, de souvenirs...Et cela fait du bien de se souvenir avec lui, de lire ses textes simples, sobres et bouleversants.
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Modiano est une île.
Aux rivages doux et perdus dans les brumes, un souvenir de monde perdu.
Une île sur la terre ferme, de préférence parisienne, certes.

Je risquais une overdose de ma toute récente passion, ingurgitant des mangas plus tordus les uns que les autres, quand j'ai justement éprouvé le besoin d'un havre de calme et de classicisme (trompeur, comme je m'en suis aperçu ensuite). Pourquoi pas un de nos prix Nobel français? Ce type de romans sur lequel on se dit qu'on devrait jeter un oeil, un jour où l'autre. Bien souvent, ce jour ne vient jamais. C'était pourtant le moment, et me voici pour la première fois avec un Modiano entre les mains, choisi un peu au hasard, pas trop évident, pas trop obscur non plus. Je ne sais si je commence mon Modiano par le bon bout mais peu importe.

Jean est un documentariste en déshérence, qui organise sa disparition momentanée sous le prétexte d un voyage de travail à Rio. Échouant à Milan, il apprend le suicide d'une certaine Ingrid, qu'il a connue autrefois. Revenu à Paris, Jean, caché dans des hôtels, tente de retracer la vie de cette femme et de son mari, Rigaud, sous l'Occupation.

Même pour un néophyte de l'univers-Modiano, Voyages de noces fait toucher du doigt le style de l auteur, tel qu'on le synthétise à longueur d'articles: période de l'Occupation, déambulations parisiennes au gré des souvenirs, imbrications du passé et du présent...
et premices romanesques d'une Dora Bruder que je finirai sans doute par lire.

Dès le titre, le récit souligne les corps déplacés (le narrateur et son échappée à Milan puis ses hôtels parisiens, les fuites successives d'Ingrid), hors de l'eau, décalés de leurs vies normales, jusqu'au point aveugle et tragique du père d'Ingrid déporté.
Le narrateur cherche à débusquer un trajet de vie qui pourtant lui file entre les doigts, avec des zones d ombres qui ne pourront jamais être mises en lumière, des gouffres jamais comblés, alors que lui-même tente de procéder méthodiquement à son propre effacement, même temporaire. Dans ces fragments de vie sauvés de l'oubli, les coups de plume impressionnistes se teintent de melancolie.

De ce premier essai me reste un charme fragile mais tenace, précieux, donnant l'envie de revenir se lover dans ce sillon que l'auteur semble creuser indéfiniment, afin d'en goûter toute la cohérence.
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Les deux thèmes récurrents de Modiano: la reconstitution de la mémoire par le biais des fragments de souvenirs et la déportation sont présents dans ce magnifique roman qu'il écrivit en 1990. le narrateur, un voyageur désabusé, tente de reconstituer à partir de lieux traversés l'itinéraire d'un couple qu'il a connu pendant la guerre fuyant le nazisme. Une vie secrète, faite de cachettes, de mystères, d'hésitations, de doutes et de certitudes, voilà ce qui réapparaît par petites touches au fur et à mesure de cette magnifique évocation du cours mystérieux de toute une vie. Un grand Modiano!
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Jean, un réalisateur de documentaire, est à Milan lorsqu'il apprend qu'une femme, une française, vient de se suicider dans l'hôtel même où il est descendu. Intrigué par ce fait divers, il découvre qu'il connaît cette femme, elle s'appelle Ingrid et il la rencontré longtemps avant, avec son mari Rigaud, un été à Juan-les-Pins.
Commence alors pour Jean un voyage dans la vie de cette Ingrid dans le Paris de l'occupation. Il réunit beaucoup d'information sur elle et décide de la suivre à travers les lieux où elle a habité.
Dans ce roman, nous retrouvons tout ce qui fait l'oeuvre de Modiano, ses grands thèmes : l'occupation, la quête d'identité, le temps qui passe, les failles spatio-temporelles, mais aussi le style, un livre intéressant où chaque phrase est un poème. A lire ainsi que toute l'oeuvre de Patrick Modiano.
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C'est le premier Modiano que je lis. J'ai eu une drôle d'impression, comme si le temps s'était arrêté ou ralenti, ce n'était pas un sentiment désagréable, au contraire, de vivre une parenthèse suspendue pendant le temps de ma lecture.
Sans nul doute, j'essaierai de lire au moins un autre livre de cet auteur, pour voir si c'est une caractéristique propre à ce livre ou si c'est quelque chose que j'éprouverai à nouveau avec cet auteur.
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La Feuille Volante n° 1226
Voyage de nocesPatrick Modiano – Gallimard.

Jean D., un homme de quarante ans, le narrateur, doit rejoindre au mois d'août une expédition d'explorateurs au Brésil. II laisse dans la capitale sa femme, Annette, et quelques amis dont son amant et prend donc l'avion à Paris, mais, au dernier moment, décide de se rendre en train à Milan. Puis il revient à Paris incognito comme quelqu'un qui veut se retirer du monde et faire croire à sa mort. Il erre dans Paris, d'hôtel en hôtel, au zoo de Vincennes, et ailleurs, en abandonnant tout ce qu'il aime et ce à quoi il croit. Ce voyage à Milan peut paraître étrange mais, à cette période il a appris qu'une française a mis fin à ses jours dans un hôtel milanais et sa disparition est à mettre en perspective avec ce suicide puisqu'il veut repartir sur ses traces. Il se souvient en effet que, dix-huit ans plus tôt, il a rencontré cette jeune femme, Ingrid Teyrsen et son mari Rigaud, qui fuyaient la guerre sur la côté d'azur. Il avait même entrepris de rédiger la biographie d'Ingrid et ce suicide ravive ses souvenirs. Il se souvient du poids trop lourd qu'elle semblait porter, qu'elle combattait un peu comme elle pouvait par l'errance, la fuite puis la mort. Sa pérégrination, c'est un peu comme celui qui arpente la vie, comme dans un labyrinthe, et en cherche désespéramment la sortie.

C'est donc une intrigue assez compliquée où les références autobiographiques de l'auteur réapparaissent alternativement dans chacun des personnages avec de constantes analepses qui emmènent le lecteur notamment pendant l'Occupation. L'auteur est en effet obsédé par la disparition d'une jeune juive, Dora Bruder, à qui, bien sûr il s'identifie ce qui fera d'ailleurs de sa part l'objet de la rédaction d'un roman éponyme qui paraîtra quelques années après celui-ci. Il y a en effet plus qu'une connotation entre l'avis de recherche publié sous forme d'entrefilet à propos de la disparition d'Ingrid et celui de Paris-Soir en 1941 concernant Dora Bruder. Pour autant, ce roman est une fiction, alors que la véritable Dora a effectivement existé, mais ces deux jeunes femmes sont l'archétype de tous ceux qui traversent leur vie sans laisser aucune trace derrière eux. Il y a des paradoxes qui perdurent tout au long de ce roman et cela commence dans le titre même. Ce n'est pas une enquête à proprement parlé mais plutôt une sorte d'introspection à rebrousse-vie dont le seul but est sans doute de poser des jalons dans la mémoire, de faire échec à la fuite du temps, à la disparition des êtres qui avaient de l'importance pour nous, parce que tout cela est simplement dans l'ordre des choses.

Il y a toujours cette ambiance de mystère propre aux romans de Modiano, notamment à propos de la personnalité d'Ingrid, ainsi que cette subtile et sobre musique des mots. Comme dans chacun de ses romans, il mène une recherche personnelle sur sa propre identité et je retiens pour cela les fréquentes hésitations et les errements dont il fait preuve. Je ressens moi aussi, à travers, ces fréquents retours dans le passé, une sorte de vertige qui naît à la fois de la jeunesse définitivement enfuie, de la prise de conscience du temps révolu avec ses regrets et ses remords. On repense ainsi aux décisions qu'on n'a pas su prendre et qui auraient pu peser sur notre avenir, à celles qu'on a prises en croyant oeuvrer de bonne foi en notre faveur mais qui nous ont échappé à cause de la fatalité ou du manque de courage, à tout ce que nous avons fait, mais qui a encore aujourd'hui l'amer goût de l'échec, à la difficulté d'être avec le hasard et le poids des autres, la réalité de sa propre condition entre destin, liberté, volonté d'atteindre le but fixé et la facilité de laisser faire les choses, de se laisser vivre, en se disant que nous ne sommes que les usufruitiers de notre propre vie, et que notre passage ici n'est qu'éphémère.



© Hervé GAUTIER – Mars 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com
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Toujours ici ce travail de l'auteur sur le souvenir et la mémoire : entrecroisement des lieux et des époques, recherche des impressions du passé, celles du narrateur et des personnages de rencontre, fondues en une spirale espace/temps obsédante et fugace. La quête est menée au fil de l'eau mais jamais abandonnée. Il faut fixer quelque chose, vite : le moindre objet, un article de journal, une vieille annonce, font signes dans un monde à la fluidité inquiétante où tout s'échappe, où seul un fil très mince permet d'échapper à l'oubli, autre visage de la mort, la sans visage.
L'écriture de Modiano a ce charme des écritures pleines de rêve. Et pourtant la structure du récit est d'une rigueur extrême : les époques et les vies s'agencent avec exactitude, ce qui est indispensable à l'esthétique de l'oeuvre et à la fluidité de la lecture. Un accroc briserait l'écho nostalgique et le lecteur serait tiré de son envoûtement nostalgique.
Un grand texte à la simplicité talentueuse.
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Non je ne pensais pas tout connaître de Modiano, mais oui, ce livre " vous serre le coeur aussi ", comme l'écrit Anne Wiazemsky. Jusqu'à la dernière phrase, qui donne envie de tout recommencer depuis le début.
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Ce n'est pas mon préféré de Modiano, mes coups de coeur : Villa triste et surtout chien de printemps. Mais j'avoue que je suis envoûtée par ses romans, son style et cette quête constante sur le passé. Suite à une coupure de journal le personnage de Jean semble reconnaître une femme rencontrée un été dans le sud de la France durant la guerre. Elle est Accompagnée d'un homme qui semble être son époux, il va les suivre entre clair et obscure entre jour et nuit. Est-il attiré par sa beauté, son mystère. Il reprendra son voyage sans eux, jusqu'à se retrouver dans leur lieu de vie à Paris quelques années après. Que sont-ils devenus, étaient-ils réels ou simplement une fausse mémoire tissée d'impressions. Pourra-t-il reformer le puzzle de ses souvenirs.
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