« L'aventure vécue » est l'édition Flammarion dans laquelle j'ai découvert ce récit du mythique marin
Bernard Moitessier. le nom de cette collection des années 60 (merci boîte à livres du bord de mer) n'était pas usurpé. L'auteur nous fait vivre, dans ce «
Vagabond des mers du Sud », ses voyages entre l'Asie et les Caraïbes, à bord de ses deux premiers bateaux, le Marie-Thérèse I et le Marie-Thérèse II, le second ayant été entièrement fabriqué par
Moitessier lui-même, sur ses propres idées, plans et envies, et alors qu'il était un total béotien en la matière.
Etant un peu marin, le vocabulaire lié à la navigation ne m'a pas rebuté, mais il pourra faire fuir les débutants et autres terriens en tous genres. Ce n'est donc pas une lecture pour un large public. On apprend le réglage des voiles au grand largue, la réparation des bordés, l'usage d'un bout-dehors, etc. le livre de cette édition est agrémenté de dessins techniques tracés par l'auteur. Celui du gouvernail automatique à l'ancienne m'a tout simplement bluffé. J'ai enfin compris comment ce système de navigation fonctionnait avant l'invention de l'électronique.
Mais surtout on accompagne ce précurseur de
Greta Thunberg sur la recherche d'une vie simple, préservant les richesses naturelles et l'harmonie entre l'homme et la vie qui l'entoure. Dans les années 1950 pendant lesquelles le récit se déroule, la plupart des gens recherchaient à profiter du progrès.
Bernard Moitessier, lui, se demandait comment vivre loin du dieu argent et près des dieux soleil, nature, paix, et vie simple. Un programme qui collerait parfaitement à la COP27, 28 ou je ne sais laquelle.
Dans ce magnifique récit, nous accompagnons l'auteur et son fidèle ami Henry Wakelam the English tramp! dans leurs périples et rencontres, de Capetown en Afrique du Sud, jusqu'aux Antilles. Ils croisent une foule de personnages colorés et attachants, le consul de l'Ile de Sainte Hélène, le capitaine d'un navire de guerre américain, des marins du monde entier, et toujours les échanges et le respect mutuel sont de la partie.
Comme grand amoureux de la nature, mais pas écologiste au sens fanatique du terme, il observe finement tous les animaux qui l'entourent, que ce soient les oiseaux, les poissons, les lézards, mais aussi les insectes. Il n'est pas pour autant végan et son habileté au lance-pierre et au harpon lui permet de mettre du pingouin, du cormoran, de la dorade, et même des oeufs de tortue à son ordinaire alimentaire, composé en mer ou à terre sur base de riz au curry.
C'est enfin une grande leçon d'humilité.
Bernard Moitessier termine son récit par un chapitre sur ce qui peut être la définition du bateau idéal. Et bien tout dépend de ce que le marin recherche. Pour
Moitessier le bateau dont il rêve est à la fois un but en soi (un Ketch à faible tirant d'eau, qui tient bien la mer et qu'il est facile d'entretenir), et le moyen de trouver sans le chercher, l'endroit qui corresponde à ses goûts.
On pourrait transposer cette philosophie au travail qui nous nourrit, aux personnes que nous fréquentons, à nos loisirs, notre maison, notre camping-car, notre vélo, nos amours, et, je fantasme, à tout ce qui nous entoure. Osons trouver, sans les chercher, les choses qui correspondent à nos goûts !