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EAN : 9782253137689
180 pages
Le Livre de Poche (01/06/1995)
3.62/5   55 notes
Résumé :
Parce qu’une lettre d’un homme qu’elle a jadis aimé, Yacine, est postée de son village natal, Sultana revient en Algérie. Elle a choisi de s’exiler en France, où elle est devenue médecin.Yacine vient de mourir. Lui aussi était médecin et elle décide de le remplacer quelque temps au dispensaire. Elle rencontre bientôt Vincent, qui porte le métissage dans sa chair. Entre Vincent et Sultana naît une histoire d‘amour qui vaudra à la jeune femme haine et menaces.C’est de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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« A force de partir, vous vous déshabituez de vous-même, vous vous déshabitez. Vous n'êtes plus qu'un étranger partout. »

Sultana vit à Montpellier. Médecin, cette femme originaire d'Algérie vit seule, des livres entourent son lit, « des âmes d'encre encloses dans leurs rêves de papier. » Elle retourne en Algérie pour enterrer Yacine, un amour, qui était resté dans le village où elle était née et avait grandi. « Village natal, pèlerinage fatal ».

Elle eût une jeunesse emplie de douleur, sa mère et sa soeur mortes alors qu'elle avait cinq ans et son père la laissant seule face à la bêtise des gens qui la disent « maudite ». Elle sera aidée par le médecin du village, un ''roumi'' (veut dire romain et par extension chrétien) ce qui ne fera que renforcée la hargne des habitants. Il organisera son départ et lui fera poursuivre des études dans une grande ville. de ses douleurs et déracinements elle gardera des fêlures. « Partir ou rester, qu'importe. Je n'ai pour véritable communauté que celle des idées. Je n'ai jamais eu d'affection que pour les bâtards, les paumés, les tourmentés et les juifs errants comme moi. Et ceux-ci n'ont jamais eu pour patrie qu'un rêve introuvable ou tôt perdu ».

Vincent vient de recevoir une greffe de rein, un « presque rien ». Cet organe qui lui sauve la vie provient du corps d'une jeune femme algérienne, morte récemment. « Le hasard est un ange barbare. J'étais un receveur potentiel, préférentiel, sur son échiquier ». Il n'en sait pas plus, mais éprouve un besoin de communion avec cette partie de lui, ce rein qui le métisse de l'intérieur. « Nous sommes un homme et une femme, un Français et une Algérienne, une survie et une mort siamoise ».

Le voilà découvrant le ciel algérien : « il est si grand, si enveloppant » « on se croit grain de poussière dans une mousse de lumière, poussière de soleil ivre de miroitements ». Il doit comprendre ce pays et cette vie qui filtre en lui. Elle, « elle est si loin dans l'insolite et le différent, si seule dans le manque. Elle est un défi. »

Leurs chemins vont se croiser.

Pour lui : « On retombe en amour, comme en enfance, avec une mémoire et une conscience expurgées de leurs défenses devenues caduques et encombrantes. »
Pour elle : « J'en ai bu des amours et pourtant j'ai toujours perdu mes amants sur des chemins sans retours. Il ne me reste jamais qu'un désir béant, inassouvi. »

Deux visions compatibles ?

Ils feront la connaissance de Dalila, une petite fille perchée sur une dune. Un être étrange qui leur expliquera bien des choses, à mi chemin entre le Petit Prince et le Tambour.

Au travers de ces chemins, l'auteur montre l'imbécilité du racisme de part et d'autre de la Méditerranée (« En France, je ne suis ni algérienne, ni même maghrébine. Je suis une Arabe. Autant dire, rien. » et parle de l'exil, « aire de l'insaisissable, de l'indifférence réfractaire, du regard en déshérence ».

Elle pourfend « les faussaires de la foi », pointe du doigt l'attitude des hommes à l'égard des femmes, des hommes qui ne regardent pas mais qui « zyeutent » les femmes, et celle des garçons qui « agressent, faute d'avoir appris à aimer ». Elle ne décolère pas quand elle diagnostique des ''koulchites'', « pathologies féminines très répandue, symptôme des séismes et de la détresse au féminin. »

Elle décrit aussi l'erg, ses dunes qui avancent au gré du vent et le sable « tombé du soleil » qui « fait de la lumière et des étincelles » et qui peut être violent loin de l'image touristique, elle évoque « des lieux où la vie n'est jamais qu'une mort vicieuse qui se délecte et prend son temps .»

« Il n'y a de vrai que le mélange. Tout le reste n'est qu'hypocrisie ou ignorance. »

Un livre d'une justesse incroyable qui recèle mille et une nuits. J'ai apprécié la poésie de Malika Mokeddem et la profondeur des personnages.
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Roman choral, L'interdite se déroule en Algérie. Sultana revient au pays à l'annonce de la mort de son amour de jeunesse ; elle le remplacera en tant que médecin. Cela ravivera les tensions dans son village natal autour de sa personne. Vincent est venu en Algérie pour découvrir le pays de sa donneuse de rein. Commence une amitié dans un pays qui n'est vraiment pas pour la liberté des femmes...
Un roman sous le sceau du secret puisqu'on découvre à la toute fin l'histoire de Sultana, lourd de la misogynie et des tensions religieuses de l'Algérie, où la grande liberté promise par l'indépendance s'est perdue entre les intérêts personnels, l'ingérence politique et l'extrême violence des guerres civiles.
Mais les femmes entrent en résistance contre la domination masculine, du moins dans ce coin perdu du désert. Même si cela ne suffira pas à faire rester Sultana, trop victime de la violence des hommes, de la vindicte populaire. Elle repartira cependant apaisée.
Un roman poignant, mais non larmoyant ou gnangnan, inspirée par le vécu de l'auteur, elle-même médecin et émigrée. Seuls parfois les dialogues m'ont semblé peu naturels et un peu grandiloquents par moment, mais cela n'étend pas la lecture. le portrait d'un pays qui se détruit à petit feu, où plus personne n'à la force ou l'envie de se rebeller contre les politiques iniques qui sont menées.
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Un livre que j'ai trouvé superbe. Les sujets abordés, l'exil, le face à face avec une culture d'où on est originaire et où on ne se retrouve pas, l'extrémisme religieux islamiste en Algérie, la condition féminine et le combat quotidien des femmes pour résister aux pressions masculines… Mais par-dessus tout, le style de l'auteur est riche, en émotions, en images, en révolte aussi. UNE EXCELLENTE DECOUVERTE ET UN VRAI COUP DE COeUR.
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Autre roman classé "Algérie" et "condition féminine"dans mes lectures de découverte du Maghreb par sa littérature : ne m'avait pas laissée indifférente car il interroge les relations humaines, l'amour et la liberté.
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Sultana, une Algérienne d'origine, revient dans pays, son ami Yacine étant décédé.Elle redécouvre son village après tant d'années et les habitants ne l'acceptent plus, la jalousent, l'insultent.Pourquoi lui en veux t'on ? Elle est une femme qui est devenue médecin, elle n'a pas respecté les traditions comme les femmes ici qui ont parfois dix enfants,travaillent au ménage et n'ont rien à dire. Elle ne supporte pas cette situation et se révolte.
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Pourquoi cette envie soudaine de reprendre contact ? Est-ce à cause de ma nausée du monde ? Une nausée ressortie des oublis par le désenchantement des ailleurs et des là-bas, dans le cri de la lucidité ? Toujours est-il que je me trouvais de nouveau défaite de tout. Mon détachement avait, de nouveau, gommé mes contours, piqué à ma bouche un sourire griffé, répudié mes yeux dans les lointains de la méditation.
Ou est-ce parce que la lettre de Yacine était postée d'Aïn Nekhla, mon village natal ?
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Cette route, combien d'années l'ai-je parcourue, deux fois par jour ? Le matin, pour me rendre au collège. Le soir, pour rentrer à Aïn Nekhla. Vingt kilomètres séparent mon village de la ville. Vingt kilomètres de néant. Je n'ai rien oublié de ce néant non plus. La rectitude de son tracé goudronné. Son ciel torve qui calcine la poésie des sables. Ses palmiers, pauvres exclamations à jamais inassouvies. Le grimoire sans fin de ses regs. Les quintes sardoniques de ses vents. Puis le silence, poids d'une éternité consumée.
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Je ne voudrais pas être une femme ici. Je ne voudrais pas devoir porter en permanence le poids de ces regards, leurs violences multiples, attisées par la frustration. Pour la première fois, je réalise que l’acte le plus banal d’une femme en Algérie, se charge d’emblée de symboles et d’héroïsme tant l’animosité masculine est grande, maladive.

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Où est-elle ? Qui est-elle maintenant ? Une petite fille morte de je ne sais quoi à Aïn Nekhla et qui erre dans sa mort ? Une passante à Paris dans l'anonymat sans frontière de l'exil ? Une femme qui marche sur une plage française en embrassant des yeux la Méditerranée, ce cœur immense qui bat entre les deux rives de sa sensibilité ?
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La fillette recule lentement, regagne son perchoir sur la crête de la dune. Elle me sourit. Neuf ans, dix ans pas plus. Je me laisse tomber à quelques pas d'elle, coulée dans le sable.
Elle se retourne vers moi. Inondée de soleil, les orteils dans le sable, l'autre pied nu y traçant des arabesques d'un mouvement gracieux de la cheville qui est d'un miel sombre. Sa robe jaune flotte autour d'elle comme une aile de papillon.
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