AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,74

sur 3149 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La version du Tartuffe que nous connaissons n'est pas la pièce féroce, la bourrade farouchement anticléricale qu'avait tout d'abord écrite Molière et qui plaisait au roi.

Celle qui subsiste est une version remaniée, aménagée, allégée, adoucie, amoindrie, ramollie pour la rendre acceptable par le clergé d'alors car Louis XIV avait beau apprécier son dramaturge, il ne pouvait se passer de l'église pour mener sa politique, illustrant avant l'heure la vision exprimée si clairement par Napoléon, comme quoi, pour gouverner il n'avait pas besoin de dieu, mais de religion, si.

La version originale du Tartuffe est encore l'objet de discussions et discordes, les uns prétextant qu'elle n'était pas très différente, les autres arguant que l'imposteur à la fin tirait tous les bénéfices au déni total de toute forme de moralité. Hormis qu'elle devait comporter trois actes au lieu de cinq actuellement, le fin mot de tout ça, le vrai du faux, nous ne l'auront probablement jamais.

Cette pièce n'en demeure pas moins, malgré ou en raison des transformations qu'elle a dû subir, l'un des fleurons de l'auteur. C'est l'une des toutes premières très grandes comédies que nous a légué Molière et elle est remarquable à plus d'un titre.

Tout d'abord, d'un point de vue scénique et dramaturgique, il réussit une entrée en scène particulièrement tonitruante sous la houlette de Madame Pernelle. Cependant, le tour d'astuce, le trait de génie de Molière dans cette pièce est de faire en sorte que du personnage central on n'entende parler que par jugements interposés et que sa voix vraiment, pendant deux actes pleins, on ne l'entende point.

Ainsi c'est l'aptitude des uns et des autres à nous convaincre (plus qu'une réflexion qui nous serait propre) qui nous place dans les dispositions voulues pour accueillir Tartuffe en l'exécrant avant même de l'avoir rencontré. de la sorte, le chemin de pensée des autres, on se le fait sien ; procédé particulièrement efficace et payant scénographiquement parlant.

L'un des grands points forts de cette comédie est aussi la qualité remarquable de son écriture, où certains de ses vers souffrent la comparaison avec les grands tragédiens d'alors. Au passage, j'en profite pour mentionner que Molière, au travers du personnage de la servante Dorine, l'un des personnages les plus lucides de la composition, règle son compte à la tragédie, jugez plutôt :

« DORINE :
Sur cette union quelle est donc votre attente ?
MARIANE :
De me donner la mort si l'on me violente.
DORINE :
Fort bien : c'est un recours où je ne songeais pas ;
Vous n'avez qu'à mourir pour sortir d'embarras ;
Le remède sans doute est merveilleux. J'enrage
Lorsque j'entends tenir ces sortes de langage. »

Si ce n'est pas une petite pierre lancée dans le jardin de Corneille et Racine, je ne m'y connais plus.

Sur les procédés comiques proprement dits, il faut encore louer cette trouvaille de nom : Tartuffe. Un nom qui évoque à la fois la tarte et la truffe, sans oublier le tuf, cette roche poreuse et de faible qualité mais qui fait illusion, véritable allégorie du personnage qu'elle désigne.

Sans oublier que la double consonance en « t » ne jouit pas d'un grand prestige en français car elle rappelle des mots comme tordu, tortueux, tortillard ou surtout tartine comme nous le laisse entendre le vers 674 : « Non, vous serez, ma foi ! tartuffiée. »

Outre ce déluge d'éloges que je dresse depuis tout à l'heure, il me faut quand même admettre que le comique de cette pièce n'est pas toujours très fort. Quel dommage en effet que Molière ait la passion des gags récurrents et des quiproquos à gros sabots que, personnellement, je trouve assez lourdingues, alors qu'il sait si bien sans cela, à d'autres endroits, dans la teneur d'une réplique, manier force et finesse, et envoyer son fait et bien mieux faire rire qu'avec ces gags poussifs, gros comme des menhirs. Mais bon, c'est ainsi, c'est la marque d'une époque, sachons trier les bons grains de l'ivraie dont cette moisson foisonne.

En deux mots, la trame, quelle est-elle ? Nous avons Orgon, l'inévitable gros bourgeois ou faible aristocrate, qui possède plus de richesse que de discernement. Cette fois-ci, il s'est entiché d'un miséreux, fort dévot, qui par ses cajoleries a su s'attirer toutes les grâces du maître de maison au point d'être logé, choyé, écouté et grassement rétribué sous ses airs de serviteur de la foi. Vous avez bien sûr reconnu le Tartuffe. (Un type de personne, le faux dévot, qui ne devait pas être rare à l'époque puisque La Bruyère les étrille copieusement aussi dans ses Caractères.)

La sauce prend un tour aigre lorsque notre brave Orgon, tellement hypnotisé par les hautes valeurs du Tartuffe, décide de lui octroyer la main de sa fille Mariane, laquelle main était déjà promise de longue date à l'honorable Valère. Mais c'est plutôt la nouvelle femme d'Orgon, Elmire, que le Tartuffe mire. La femme, la fille, l'argent… que faudra-t-il encore au vorace Tartuffe ? C'est ce que je m'autorise à ne vous pas dire.

C'est donc du très bon Molière, à l'écriture magnifique, avec la limitation que j'ai exprimée plus haut sur la teneur du comique ainsi que celle que je fais maintenant, sur la thématique du faux dévot, plus exactement d'actualité, car plus spécialement un mal qui gangrène la société, même si le trait de caractère qu'elle dénonce, l'hypocrisie, la fourberie et la voix double, font merveille aujourd'hui comme alors, et pour longtemps encore car c'est là quelque trait constitutif, universel chez l'humain. Mais tout ceci bien sûr, ne représente que mon avis, un parmi tellement d'autres, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          1185
Très souvent, lorsque l'on parle de Molière, les gens font la moue, balançant un "j'aime pas, c'est trop vieux" qui a le don de m'horripiler ! Mais comment ça c'est trop vieux ? Je peux comprendre que le style du XVIIe siècle puisse les bloquer un peu dans leur lecture. Mais il faut savoir être curieux. le texte ne va pas les mordre ! Ce sont ces mêmes personnes qui sont prêtes à aller faire des safaris dans la jungle, manger des insectes etc... Donc des personnes qui sont prêtes à se mettre en danger parce que "c'est tendance" mais qui n'ont aucune attirance pour le patrimoine culturel et qui n'essaient même pas d'en comprendre les ressorts. Quelle misère !

Allez, revenons donc à ce brave Jean-Baptiste Poquelin. Ses pièces sont d'un modernisme sans nom et ce n'est pas pour rien qu'elles sont encore jouées aujourd'hui. Que raconte le Tartuffe ? Orgon a accueilli chez lui un faux dévot, un hypocrite de première, Tartuffe. Même sa mère, Madame Pernelle, se laisse duper. Orgon, naïf, lui voue un véritable culte, à tel point qu'il en fait son directeur de conscience et qu'il en oublie sa propre famille. Il veut lui donner sa fille en mariage (pendant que l'autre tente de séduire sa femme, Elmire). Mais Tartuffe exerce un pouvoir tyrannique. Il ira beaucoup trop loin, au point de vouloir exclure Orgon de sa propre maison... Et, comme souvent chez Molière, Tartuffe se retrouvera pris à son propre piège.

Qui n'a pas connu un personnage de cette trempe de nos jours ? Les hypocrites et les faux dévots sont toujours d'actualité... malheureusement !
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
Commenter  J’apprécie          908

Première lecture commencée en 2016.
C'est avec plaisir que j'ai retrouvé cette oeuvre que je connaissais déjà.
La pièce s'ouvre sur une scène où Madame Pernelle dit à chacun son fait. Sa belle-fille Elmire est dépensière, son petit-fils Damis sot, sa petite-fille Mariane fausse, Cléante, frère d'Elmire donne de mauvais conseils, quant à la suivante de Marianne, Dorine, elle se mêle de donner des avis qu'on ne lui demande pas. Heureusement son fils Orgon est un homme sensé qui a accueilli chez lui un homme de bien propre à réformer sa maison. Nous avons tout de suite après l'opinion de chacun sur ledit homme de bien, tout à fait contraire à ce que prétend madame Pernelle. Qui a raison ?
Bientôt une scène comique entre Orgon et Dorine renseigne sur les liens Tartuffe et son amphitryon, ou plutôt sur l'aveuglement de celui-ci.
Tartuffe qui apparaît plus tard continue son insinuation dans le coeur du maitre de maison, jusqu'à mettre en péril la famille.

Jouée en 1664 et bien accueillie par le Roi, elle scandalise le parti des dévots qui convainc Louis XIV d'en interdire les représentations publiques. La compagnie du saint sacrement, créée dans la première moitié du siècle dans le mouvement de la Contre-Réforme, constituée d'aristocrates et de membres de la bourgeoisie parlementaire est particulièrement hostile à cette pièce. Il faut cinq ans, plusieurs remaniements et trois placets au Roi pour qu'elle soit admise. En particulier Molière a changé le costume austère de Tartuffe pour un habit plus à la mode afin d'éloigner l'idée d'une moquerie envers le clergé.

C'est vraiment un bonheur de retrouver les tirades de Dorine, particulièrement savoureuses. Je l'ai lue deux fois, tant j'apprécie.

Commenter  J’apprécie          270
C'est après avoir vu la nouvelle adaptation sur scène de cette pièce avec Patrick Chesnais et Claude Brasseur pour ne citer qu'eux (qui est excellente d'ailleurs, une vraie merveille !) , que je me suis rendue compte que je ne l'avais jamais lue. Aussi, pour rester dans l'euphorie de cette remarquable adaptation, me suis-je empressée que de combler mes lacunes en matière de littérature française.

Dans cette pièce, le lecteur se rend compte de l'emprise que peut avoir un beau langage sur un esprit crédule, naïf à tel point qu'il en vient même à renier les siens, portant plus foi au beau parler qu'à la chair de sa chair. Tel est le cas ici d'Orgon mais aussi de Madame Pernelle.
Tartuffe, par ses belles paroles et sa fausse piété, arrive ainsi à "envoûter" ces deux derniers afin de les bluffer et de servir ses propres intérêts et uniquement les siens. Mais, en étant trop gourmand et en étant trop sûr de lui, il se fait finalement prendre à son propre piège.

Une comédie dont on rit volontiers et qui nous rappelle parfois certains "beaux parleurs" que l'on côtoie tous les jours, ne serait-ce qu'à travers le monde de la politique ou celui des médias mais mon but n'est pas de vous faire un discours la dessus mais simplement de vous inviter à lire ou à relire cette pièce qui est et restera, selon moi, toujours d'actualité !
Commenter  J’apprécie          270
Une pièce qui a fait scandale et qui après avoir enchanté le roi a subi la censure par une interdiction de représentation.
Molière a rédigé trois placets adressés au roi afin de lever la censure et d'expliquer qu'il ne s'en prenait pas à la religion mais aux faux-dévôts...
Le Tartuffe désigne aujourd'hui, par antonomase, tous les faux-dévôts et de manière plus large l'hypocrite par excellence.
Une pièce puissante qui donne à voir une famille victime d'un homme qui se présente comme un des grands serviteurs de Dieu lui-même. Il dresse le père contre ses enfants, tente de séduire la femme et espère toucher la fortune de la famille.
Reste la servante, toujours comique, intelligente et rouée qui ne se laisse pas avoir par cet illusionniste et qui révèle au grand jour les faux-semblants par le moyen d'une stratégie efficace.
Cette pièce est à mon sens la meilleure de Molière et j'aurais aimé assister à sa première représentation pour en savourer toute sa force.
Commenter  J’apprécie          230
La pièce est créée en 1664 à Versailles, dans le cadre de grandes fêtes. Elle reprend un sujet utilisé depuis le moyen-âge, dont les comédiens italiens avec qui Molière partage le même théâtre avaient fait une version de commedia dell'arte. Il s'agit d'un homme dévot qui recueille chez lui un saint homme, mais ce dernier, en dépit de sa sainteté, se met à courtiser la femme de son hôte. Cette dernière, après avoir repoussé les avances de l'homme qui persiste, finit par révéler la chose à son mari, qui finit pas chasser le soi-disant saint homme.

Mais l'époque pendant laquelle Molière crée sa pièce n'est pas favorable : nous sommes pendant une grande campagne contre les jansénistes, et tout ce qui peut sembler une critique de la pratique catholique de la religion n'est pas le bienvenu. Car la pièce de Molière évoque la question du directeur de conscience, mis à l'honneur par François de Sales, censé permettre de vivre dans le monde, tout en vivant en Dieu. Et des hommes d'église et des dévots s'offusquent que l'on mette sur une scène de théâtre, qui pour certains semble déjà en elle-même condamnable, une pièce qui peut sembler se moquer d'une pratique religieuse considérées comme la plus sainte d'entre elles.

Pour défendre sa pièce et lui permettre de vivre (elle est interdite sur les scènes publiques), il précise qu'elle ne s'attaque pas à la dévotion, mais à l'hypocrisie, car dit-il « le devoir de la comédie c'est de corriger les vices des hommes ». C'est la première fois qu'il tient ce discours, qui correspond à l'objectif de la comédie, tel qu'il a été défini par les humanistes qui ont repris les modèles antiques au XVIe siècle, Molière jusqu'à cette affaire Tartuffe avait plutôt des visées de faire rire, de distraire avec le comportement des humains. Là il se réclame d'un modèle de la correction des vices, ce qui va influer sur sa production de pièces futures, car pour rester en cohérence avec cette position, il va écrire des pièces qui dénoncent explicitement les vices.

Ensuite, il modifie sa pièce, pour qu'elle soit encore plus clairement une dénonciation de l'hypocrisie. La pièce passe ainsi de 3 à 5 actes, en fait l'acte 2 et 5 sont rajoutés et le reste un peu arrangé pour que cela semble cohérent. C'est surtout l'acte 5 qui change la tonalité de la pièce, puisque Tartuffe, non seulement se révèle très cruel, voulant mettre la famille dehors de sa maison, voulant faire emprisonner son bienfaiteur, mais au final il se révèle un faux saint homme, et un escroc notable, appréhendé par la justice d'un juste souverain qui veille avec bienveillance sur ses sujets.

Poussé par les circonstances, à partir d'un sujet maint fois traité, banal pourrait-on dire, il fait quelque chose de bien plus fort, et qui l'engage sur un chemin de pièces très ambitieuses. La pièce est finalement autorisée, et a du succès.

Et malgré quelques petites incohérences dues à cette composition en plusieurs étapes, elle est toujours un grand très grand plaisir de lecture.
Commenter  J’apprécie          216
Les connaisseurs du XVII°s savent bien que si le Roi défendit Tartuffe tant qu'il put (et il ne pouvait pas tout), c'est que cette pièce allait dans son intérêt de politicien et de stratège, au service duquel Molière se mettait (comme avant lui, Corneille avec Richelieu). Le Roi avait sur les bras deux dangereux ennemis catholiques : d'une part, à l'extérieur, l'Espagne et l'Autriche des Habsbourg, qui le menaçaient depuis Bruxelles, et d'autre part, à l'intérieur, le parti dévot, ultra-catholique, qui servait ces intérêts autrichiens et espagnols à Paris et jusque dans la Cour, du vivant de la Reine-Mère, et après sa mort. Cette constante dans la politique française du XVII°s (depuis les Guerres de Religion en fait) explique "Tartuffe", attaque ciblée contre le parti dévot, attaque habile car elle fait jouer à la fois les cercles libertins bourgeois et aristocratiques, la bourgeoisie janséniste anti-espagnole, et enfin les patriotes. Heureusement pour la France, les catholiques ne formaient pas un parti unique à la façon des communistes des années 50. Avec le passage du temps, tout ce contexte politique tomba dans l'oubli et la pièce fut reprise et relue par la bourgeoisie voltairienne et anticléricale, du XVIII°s jusqu'à nos jours. Il est bon cependant de savoir tout cela, car on obtient un éclairage intéressant sur la vraie fonction de l'artiste comique dans une société : il a toutes les apparences de la subversion et de l'irrévérence pour les naïfs, mais il est toujours au service du pouvoir en place qui le laisse agir et parler tant qu'il lui est utile.
Commenter  J’apprécie          190
Voici une lecture rafraîchissante! J'éprouvais un peu d'appréhension face à cette pièce qui fait partie de ces vestiges que l'on sacralise toujours un peu trop. C'était à tort! La belle plume de Molière dépeint à merveille cette figure intemporelle de ceux pour qui "ce n'est pas pêcher que pêcher en silence".
Commenter  J’apprécie          160
Voici l'une des plus brillantes comédies de Molière, dont la première représentation fut donnée en public le 12 mai 1664 et fut, dès le lendemain, interdite. La permission de la redonner en public ne fut accordée de nouveau que le 5 février 1669, date à laquelle elle fut jouée devant le Roi. Politiquement, donc, ce texte était considéré comme insultant la religion alors qu'il ne fustige que les faux dévots, et en réalité une escroquerie monumentale, qu'aujourd'hui on qualifierait d'abus de faiblesse.
Un individu s'introduit par ruse au sein d'une riche famille, feignant la plus grande dévotion, se plaçant bien en vue d'un vieillard crédule qu'il embobine de ses sentences pieuses et de sa prétention à mépriser les richesses de ce monde. Orgon, complètement séduit, ira jusqu'à faire donation de tous ses biens à l'ignoble Tartuffe, et à lui confier le dangereux dépôt secret d'un ami fugitif … tout en courtisant sa seconde épouse, la prude Elmire. Mais Tartuffe parviendra-t-il à ses fins en épousant aussi la fille d'Orgon, l'obéissante Mariane, contrariant ainsi les projets du fils de la maison, Damis, qui veut épouser la soeur de Valère, l'amant de coeur de Mariane ?
Ainsi, la pièce fut mise à l'index dès le lendemain de sa première représentation, à la demande de l'archevêque de Paris, ancien précepteur du Roi : l'Église et les dévots accusaient Molière d'impiété et lui reprochaient de donner une mauvaise image de la dévotion et des croyants. Car cette pièce a des clés, que nous avons oubliées aujourd'hui …. Ce n'est qu'en 1669, au lendemain de la signature de la « Paix de l'Église » qui, apaisant les tensions religieuses, redonnait les coudées franches à Louis XIV, que la pièce — désormais remaniée et appelée Tartuffe ou l'Imposteur — fut autorisée et connut un immense succès.
Le texte, malgré la forme en alexandrins difficile à intégrer au XXIème siècle, reste cependant d'une extraordinaire modernité. Comment ne pas se souvenir des tirades célèbres, de répliques devenues cultes comme « Cachez ce sein que je ne saurais voir … » ou « Que fait là votre main ? », ou encore « Ah ! Pour être dévot, je n'en suis pas moins homme ! » (Acte III scène 3).
La trame de l'intrigue va crescendo, jusqu'à la dernière scène, où se révèle dans toute sa lumière la justice du Roi : « Nous vivons sous un Prince ennemi de la fraude » (Acte V, scène dernière), mais la faiblesse du père de famille, totalement subjugué par Tartuffe, l'escroc, le rend totalement aveugle, même devant l'évidence. On note la dureté de la scène, devenue classique, de dépit amoureux entre Mariane et Valère (Acte II, scène 4), et la scène où Elmire simule l'acceptation de l'amour de Tartuffe pour convaincre Orgon, caché sous la table, de la duplicité de Tartuffe (Acte IV, scène 5). Cette scène, au-delà de son côté burlesque, est presque une tentative de viol, terriblement actuelle.
A croire que les sentiments, les circonstances, les motivations les plus noires ainsi mis en lumière par Molière il y a plus de 300 ans, n'ont rien de dépassé …
Aujourd'hui est donnée une très bonne version de la pièce, mise en scène par Marion Bierry au téâtre de Paris, avec Patrick Chesnais dans le rôle de Tartuffe et Claude Brasseur dans celui d'Orgon.
Commenter  J’apprécie          160
Pourquoi aime-t-on Molière ? Parce qu'il est un auteur rigolo, bien sûr, qui écrit bien, qui « castigat ridendo mores » comme disent les latinistes (il corrige les moeurs en riant), qui se pose en moraliste souriant, bien sûr, tout ça on nous l'apprend à l'école, mais avouez, ce qu'on aime bien aussi chez lui, c'est le poil à gratter, l'empêcheur de tourner en rond, celui qui met le nez des autres dans leur propre… vous m'avez compris, c'est ce côté Robin des Bois qui n'hésite pas à s'en prendre aux grands et aux corrompus (y a des fois c'est les mêmes, si, si) pour défendre les petits et les honnêtes… de là des pièces comme « Tartuffe » et « Dom Juan ».
« Tartuffe » a fait l'objet d'une controverse à sa création. Et aujourd'hui, les exégètes ne sont toujours pas d'accord sur le « vrai » projet de Molière. Parce qu'en fait, il y a eu deux « Tartuffe ». le premier « Tartuffe ou l'hypocrisie », pièce en trois actes, fut représenté (avec succès) en 1664, mais le roi, sous l'emprise de l'archevêque de Paris, fit interrompre les représentations trois jours après, au motif que « Sa Majesté, pleinement éclairée en toutes choses, jugea absolument injurieuse à la religion et capable de produire de très dangereux effets ». OK, dit J.B. (Jean-Baptiste Poquelin, soit Molière à l'état-civil). Il remanie sa pièce, l'allonge de deux actes, et finalement ne peut la remettre sur scène qu'après maintes corrections qu'en 1669, et là c'est un triomphe pour « Tartuffe ou l'imposteur ».
Qu'y avait-il dans le premier « Tartuffe » ? On ne peut que l'imaginer, le texte en est perdu, nous n'avons que les réactions des uns et des autres à la représentation de ce brûlot. le but de l'auteur était clair : il voulait dénoncer les faux dévots (« l'hypocrisie » qui était dans le titre les concernait au premier chef). La cabale des dévots, menées par l'archevêque de Paris et sa « Confrérie du Saint-Sacrement » fit tomber la pièce, non pas parce qu'ils visaient des hypocrites (pensez donc, les autres oui, mais pas eux), mais parce qu'en visant les faux dévots, Molière visait aussi les vrais, et dans ce cas, portait atteinte à la religion, alors toute puissante puisque la France, représentée par le Roi, était la « fille aînée de l'Eglise ».
En fait, on le sait, Molière, dans toute son oeuvre ne vise pas des personnes, mais des comportements, des vices, des défauts inhérents à la nature humaine. Qu'il ait fait allusion à tel ou tel courtisan, ce n'est pas impossible, il était sacrément observateur, J.B., mais il était aussi diablement intelligent, et il savait jusqu'où il pouvait aller trop loin. Il a mesuré à ses dépens la haine de ses ennemis : il faut souligner aussi que les « faux dévots » qu'il dénonçait étaient aussi des adversaires déclarés du théâtre qui représentait une abomination suprême (idée qui courait déjà depuis des siècles).
L'histoire de « Tartuffe », elle est simple : Un brave homme, Orgon, pas très fute-fute, comme Molière sait nous les présenter, facilement impressionnable, tombe sous la coupe d'un hypocrite XXL, Tartuffe, qui s'octroie le beurre, l'argent du beurre, le sourire de la crémière et le coffre du crémier, bref il trompe tout le monde, courtise la femme de son hôte, spolie ses enfants, et envisage même de déposséder Orgon de sa fortune. Mais il y a une justice en ce monde…
Ce n'est pas une pièce aussi populaire que « le Bourgeois gentilhomme » ou « le Malade imaginaire », ce n'est pas une pièce aussi grave et profonde que « Dom Juan » (tout aussi sujette à polémique, pourtant), mais c'est un chef-d'oeuvre d'observation, et de moralisme : des hypocrites, nous en sommes entourés, la religion, bien sûr, est un peu moins concernée à notre époque (encore que), mais prenez les politiciens : combien de Tartuffes parmi eux, qui par-devant vous passent la main dans le dos, et par derrière vous crachent à la figure, et vous donnent des coups de pied dans le ventre ?
Commenter  J’apprécie          142




Lecteurs (17183) Voir plus



Quiz Voir plus

Les personnages du "Tartuffe"

Quelle est la mère d'Orgon ?

Elmire
Mariane
Madame Pernelle
Dorine

5 questions
69 lecteurs ont répondu
Thème : Le Tartuffe de MolièreCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..